Chapitre 2

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Les deux jeunes hommes et Ho Sang sortaient de la boite de nuit. Vulcain ne travaillait pas toute la nuit et ils remontaient sur la Broadway Avenue lorsqu'ils entendirent quelqu'un hurler. C'était la voix d'une femme, très aiguë, qui appelait à l'aide. En suivant la direction vers laquelle provenaient les cris, ils aperçurent un combat qui opposait deux jeunes personnes à des êtres cagoulés. Les trois jeunes gens s'élancèrent sur les agresseurs et récupérèrent la jeune femme, qui n'était autre que Rachelle, évanouie, et son frère pour fuir. Rê prit la journaliste dans ses bras, tandis que son frère et sa sœur tentait de repousser les assaillants. Leur fuite dura longtemps mais ils parvinrent à semer les agresseurs. Ils se dirigèrent vers leur demeure.


- Ils sont venus la sauver !, vociféra Jigoro.

- Ils possèdent une parfaite maîtrise des arts martiaux... Plusieurs de nos élèves ont été amochés..., expliqua Horoku.

- Combien étaient-ils ?, demanda sèchement le Maître.

- Trois, je crois...

Jigoro entra dans la chambre, plantant son ami sur place. C'était une assez grande pièce, à l'intérieur de laquelle se trouvaient une commode, deux bibliothèques, un bureau, un lit, un lavabo et une douche. Un papier peint bleu comme la mer tranchait avec les tapis, aux couleurs vives, posés par terre. Des posters de chevaux et des photographies en tout genre cachaient presque les murs. Cette chambre était celle de sa fille disparue. Sur les photographies, on les voyait tous les deux, souriants et heureux. Heureux jusqu'au jour où elle avait disparue, volatilisée...

Le Maître fut coupé dans ses pensées par un de ses élèves, un jeune homme qu'il avait recueilli dix ans auparavant, alors qu'il venait de s'enfuir de chez sa mère, qui le battait. Il avait presque vingt ans et, depuis qu'il l'avait recueilli, Jigoro le considérait comme son fils, malgré la tension qui avait tout de suite existée entre lui et sa fille, chacun cherchant à dominer l'autre sans y parvenir.

- Vous êtes sûr que ça va, Maître ?, demanda le jeune homme d'une voix affective.

- Combien de fois t'ai-je demandé de m'appeler autrement ?, soupira Jigoro, un soupçon de tristesse dans la voix.

- De nombreuses fois, père. Vous pensez à elle, n'est-ce pas ?

- Oui. Et à Hinano...

- Elles vous manquent...

- Hinano était la plus douce des femmes. La plus naïve aussi... Ho Sang n'avait hérité d'elle que de sa naïveté et de sa beauté...


Ho Sang était assise, le dos contre les jambes de Takeshi, en tailleur et observait ses frères qui se trouvaient autour du canapé où ils avaient allongé Rachelle et son frère. Damien s'était effondré à l'entrée du bâtiment, trop fatigué pour pouvoir marcher d'avantage. La journaliste commença à bouger, poussant inconsciemment le jeune homme à se réveiller. Lorsqu'elle ouvrit les yeux, la première chose qu'elle vit fut le poignard de Ho Sang, taché de sang, que la Chinoise nettoyait. Rachelle hurla de terreur, mettant ainsi un terme au réveil naturel de son frère. Le Maître cacha le poignard et s'approcha des jeunes gens. Il posa sa main gauche, épaisse et ridée, sur l'épaule de la journaliste, qui cessa de crier et commença à respirer un peu plus normalement. Le vieil homme lui demanda :

- Quel est votre nom, madame ?

- Je m'appelle Rachelle Brown.

- Et vous, comment vous appelez-vous ?

- Damien. Je suis son petit frère.

Takeshi continua à alimenter une conversation entre lui et les deux jeunes gens. L'atmosphère se détendait entre eux et les deux frères avaient sorti un jeu de cartes, tandis que Ho Sang était partie se changer. Lorsqu'elle revint, elle était vêtue d'un peignoir blanc et le Maître présentait ses élèves. Il l'appela près de lui et, après avoir froncé les sourcils, elle approcha de quelques pas.

- Voici Ho Sang, surnommée Lóng. Mais... quelque chose ne va pas, madame Brown ?

En effet, la journaliste avait blanchi, et dans ses yeux se lisaient la peur. Elle murmura, faisant un effort pour articuler chaque mot de sa phrase :

- Non non, rien... Vous ressemblez juste à quelqu'un que je n'aime pas beaucoup... Un homme sur lequel je viens de faire un reportage.

Pendant ce temps-là, Damien observait Lóng à la dérobée. La jeune fille s'était levée et se battait contre Rê et Vulcain. Les deux jeunes hommes perdaient contre la petite Chinoise de moins d'un mètre soixante. Même le Maître et Rachelle avaient cessé leur discussion pour les observer. La journaliste eut un nouveau choc en voyant la haine et la rage de Ho Sang pour gagner le combat, l'action de ses muscles courts, le regard furieux, les sourcils hérissés, la crinière de cheveux mélangés et le souffle rauque, la respiration instable. Elle crut voir le film qu'elle avait tourné la veille au matin sur Jigoro Yoshikawa...


Jigoro était sorti se promener dans Central Park avec son fils. Ce dernier était, lui-aussi, d'origine chinoise, un jeune homme d'environ un mètre quatre-vingts, aux cheveux bruns jusqu'aux épaules, avec d'épais muscles. De petits yeux brillaient lorsqu'il croisait le regard du Maître. Ayant été soumis dès sa naissance à une mère agressive, Shinji détestait les femmes, qu'il cherchait toujours à dominer. Quant aux hommes, il n'aimait que Jigoro et supportait Horoku car tous deux n'étaient pas comme son père, soumis. Le premier lui avait tout appris. Il l'avait éduqué et, grâce à lui, le jeune homme savait se battre. Shinji avait maintenant un regard fier, lointain, haut, que jamais il le baisserait. Avec Horoku, il ne combattait plus depuis que le jeune Chinois avait battu l'homme. Et, depuis le jour où la fille du Maître était partie, il n'avait plus rien à craindre pour sa réputation. On le disait déjà prêt à être, comme Jigoro, un Maître et bientôt, ce serait lui qui ferait l'apprentissage, avec Horoku, des élèves de l'école.

Combien de fois n'avait-il pas cauchemardé en voyant soudain réapparaitre la fille de Jigoro, Ho Sang ? Dans ces cauchemars, il la voyait devenue une jeune fille, avec la poitrine, les fesses et les hanches bien moulées et musclées. Mais elle avait toujours les mêmes cheveux coupés au carré jusqu'aux épaules, tels une crinière, ses petits yeux méchants et son regard presque plus fiers que ceux de son père. Et, surtout, la jeune fille le battait avec une aisance sans pareil. Et du coup, puisqu'il n'était plus bon à rien, Jigoro le renvoyait et le contraignait à revenir chez sa famille naturelle où il était à nouveau martyrisé. Bien qu'il sache que le Maître ne ferait jamais cela, même s'il retrouvait sa fille, le jeune homme avait toujours cette vieille crainte. La peur de redevenir seul, une proie facile, coulait dans ses veines.

Il fut coupé dans sa réflexion par Jigoro, qui lui indiqua qu'ils étaient arrivés. Au lendemain du reportage de Rachelle Brown, et de son kidnapping manqué, les deux Chinois étaient partis fouiller son appartement.

LóngOù les histoires vivent. Découvrez maintenant