Chapitre 12

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Rachelle préparait le dîner (elle avait pris l'habitude de manger en décalage avec les horaires « normaux »), lorsqu'elle vit arriver le Maître, Damien, et les deux frères. Elle se précipita vers eux et ils installèrent le vieux Chinois. Après quoi, elle leur demanda où était Ho Sang. Vulcain fut le premier à éclater en sanglot et ce fut Takeshi qui expliqua ce qui venait de se passer à la jeune femme. Il était convaincu que la Chinoise vivait encore et que son père la soignerait, avec tout son amour.

Damien s'assit sur une chaise. Il avait beaucoup de mal à comprendre comment cette fille si forte, tellement froide que la mort elle-même paraissait chaleureuse, ait pu tenter de se suicider. Dans sa tête, c'était illogique. A moins que tout ce qu'il avait pu voir d'elle ne fut qu'un masque, cachant sa sensibilité. Il regarda une photographie de Ho Sang accrochée au mur ; dans ses yeux noirs se lisaient la volonté et la rage de vaincre, sa bouche formait un rictus, et ses cheveux étaient toujours décoiffés. Comment une telle fille avait-elle pu faire ça ?


Jigoro était assis sur le bord du lit et caressait avec le dos de sa main la joue de sa fille. Grâce à ce que lui avait appris le Maître lorsqu'il était jeune, il avait réussi à le soigner. Il la regarda dormir. Les bandages blancs qu'elle portait au niveau de ses poignets contrastaient par rapport à ses sous-vêtements noirs. Son visage semblait reposé, ses traits détendus. Elle commençait à reprendre un peu plus de couleur et était moins pâle qu'avant de lui avoir donné du sang. Seuls Shinji et lui étaient du même groupe et rhésus sanguin et donc ils avaient tous deux sauvé la jeune fille. Jigoro posa un baiser sur le front et elle bougea légèrement. Il sortit de la chambre et rejoignit Horoku et leurs élèves. Dès qu'il le vit entrer, son fils adoptif s'approcha en boitant vers lui, et lui murmura :

- Je suis désolé. C'est de ma faute...

Le Maître posa sa main sur son épaule, et lui répondit :

- Tu sais, Shinji, si Ho Sang n'était pas aussi têtue, rien de tout cela ne serait arrivé... cette tentative de suicide. Mais, viens donc avec moi.

Ils traversèrent le dojo et arrivèrent dans la cuisine. Là, Jigoro donna à son élève un bol contenant une des bouillies chaudes que mangeait sa fille, en lui disant :

- Nourris-la, Shinji. Tu me rendrais un grand service.

Le jeune homme s'exécuta, non sans mal, car il détestait toujours la Chinoise.. Il prit donc le bol et se dirigea vers la chambre de Ho Sang ; il y entra directement, sans frapper. La douce odeur d'ylang-ylang pénétra ses narines. Il s'avança vers le lit et regarda la jeune fille, qui dormait paisiblement. Qu'elle lui parut belle, à ce moment précis. Le sommeil lui avait ôté son masque, ses sourcils n'étaient plus froncés, sa bouche relâchée, aucune ride d'expression ne marquait ce visage si pur. Les sentiments du jeune homme se mélangeaient, sa haine disparaissait peu à peu. Le courage de Ho Sang lui plaisait, c'était si difficile de se suicider ; et, qu'elle lui semblait jolie. Jamais il n'avait posé un tel regard sur une femme, et pire encore, sur la fille de Jigoro, sa pire ennemie.

Il déposa la bouillie sur la table de chevet et s'assit sur le lit, à côté d'elle. Peut-être que sa peau n'était pas aussi dure qu'il ne le pensait, après tout. Il avança sa main vers son visage...

Soudain, Ho Sang ouvrit les yeux et il ôta vivement son bras. Il attrapa le bol et approcha une cuillère de bouillie de la bouche de la Chinoise. Elle détourna le visage et murmura :

- J'ai même réussi à me rater.

- Tu peux remercier ton père. C'est vraiment dommage que tu n'aies pas pris de cours de suicide !

LóngOù les histoires vivent. Découvrez maintenant