Chapitre 3

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Rachelle, à la demande de Takeshi, qui était inquiet pour elle, décida de passer quelques jours avec son frère dans le vieux bâtiment du Bronx. Le Maître chargea Ho Sang de veiller sur eux. Ils partirent donc tous les trois à pieds. Damien fut déposé à son lycée, tandis que Rachelle et la jeune fille se dirigèrent vers l'immeuble où logeait la journaliste, afin de prendre quelques affaires. Elles avançaient d'un pas rapide et, pourtant, Rachelle avait peur. Elle repensait encore à Jigoro, ce magnifique Maître d'arts martiaux. Bien qu'elle en ait une trouille bleue, elle ne pouvait s'empêcher de l'admirer, elle le revoyait combattre encore et encore. Dès qu'elle fermait les yeux, elle voyait ceux du Maître, minuscules, noirs, agressifs, et pourtant si beaux, dans lesquels gisaient tous les mystères de son passé encore inviolés. Et, lorsqu'elle les ouvrait, elle tombait sur les mêmes, ceux de Ho Sang, couleur de l'ébène, de la colère, de la haine. Et pourtant si profonds.

Elles arrivèrent chez Rachelle et entrèrent dans l'immeuble. Elles prirent l'ascenseur et se dirigèrent vers la porte de l'appartement. Au moment d'ouvrir la porte, la journaliste vit que la serrure avait été fracturée et étouffa un cri dans sa gorge. Voyant cela, Lóng passa devant et se dirigea silencieusement vers la cuisine. Elle saisit un couteau et avança vers une forme d'environ un mètre quatre-vingts. Elle bondit sur l'homme masqué sans bruit. Mais, au moment où la lame allait le toucher, celui-ci se retourna brusquement, sa main gauche attrapa celle de Ho Sang en la tordant presque et il plaqua la jeune fille à terre. Il planta son genou dans le ventre de la Chinoise, lui coinça les bras et s'apprêtait à la poignarder au moment où il s'arrêta l'ayant, à ce moment-là, regardée...

Jigoro décortiquait des yeux Lóng qui, en-dessous de lui, se débattait. Leurs regards se croisèrent et ce fut, pour tous les deux, comme un électrochoc. La jeune fille cessa de bouger. Rachelle, dominant sa peur, cassa une assiette sur la tête du Maître, l'assommant. La Chinoise en profita pour se glisser sur le côté, se leva, attrapa la jeune femme au passage et, ensemble, elles s'élancèrent vers les deux chambres. Dans la chambre de la journaliste, la jeune fille prit divers vêtements qu'elle mit dans un sac se trouvant là et elles s'élancèrent dans la chambre de Damien. Là, une mauvaise surprise les attendait, car un homme se trouvait au milieu de la pièce, les bras croisés sur sa poitrine. Il observait Ho Sang et la défiait du regard. La jeune fille fit un signe autoritaire de la main à Rachelle, qui traversa la chambre et prit des affaires. Shinji ne la regarda même pas. Il s'en désintéressait totalement. Seule la Chinoise semblait importante à ses yeux. Il regarda celle-ci ordonner à la journaliste de partir. La jeune fille, après s'être assurée que Rachelle était sortie, ôta son manteau et le lança sur le lit. Elle sentit derrière elle le souffle rauque de Jigoro et avança de quelques centimètres vers Shinji. Elle se demandait comment elle s'en sortirait contre ces deux hommes qu'elle n'avait jamais vaincus. Elle était seule contre ces deux Chinois dont elle connaissait aussi bien leur façon de gagner que leur passé tourmenté. Ils avaient tous les trois la même détermination. Elle savait qu'ils ne la tueraient pas. Le jeune homme, elle ne lui faisait pas confiance, la haine réciproque de l'un pour l'autre existait depuis qu'ils s'étaient rencontrés. Elle se doutait que, si le Maître n'avait pas été là, ils seraient déjà en train de se battre et que la fin du combat ne serait pas commandée par un « Sore Made » quelconque, mais par la mort d'un des deux jeunes. Jigoro, par contre, elle l'adorait d'un amour plus fort que tout. Elle lui ressemblait presque à tous les niveaux et savait tout de lui. Pour elle, ses yeux n'avaient aucuns secrets et, lorsqu'ils se tournaient vers elle, elle y détectait de l'amour et de la tristesse. Ho Sang avait plus confiance en lui qu'en elle-même et se serait plutôt tuée que de le voir mourir. Ça faisait longtemps qu'elle observait cet homme en cachette, alors qu'il était avec Shinji, Horoku ou ses élèves dans le dojo. Et, à chaque fois, elle avait dû retenir une larme, pour ne pas se sentir faible. La jeune fille ne savait pas pourquoi elle repensait à tout cela à ce moment précis... Peut-être parce que c'était la première fois depuis presque neuf ans qu'elle se trouvait face à face avec son pire ennemi et son ancien Maître.

Ce fut Shinji qui craqua le premier et qui attaqua la Chinoise. Celle-ci se défendit aussitôt et un combat commença, sous les yeux du Maître, qui les observait, prêt à faire arrêter ce duel à n'importe quel moment.


- Ne vous en faîtes pas, Maître ! On va tout de suite aider Lóng !, cria Rê du fond du couloir.

- Soyez prudents, mes enfants, leur recommanda Takeshi, en regardant ses élèves et Rachelle s'éloigner.

La journaliste suivait presque en courant les jeunes hommes. Elle semblait étonnée de voir à quel point leur amour pour leur sœur les avait rapprochés. Ils avaient cessé leur dispute et marchaient côte à côte, d'un pas rapide et sûr. Le Maître, qui était vieux, avait fait confiance à ses élèves en les laissant partir seuls.

Lorsqu'ils arrivèrent devant l'immeuble, ils aperçurent Lóng, qui escaladait la façade à mains nues, poursuivie par deux hommes. Vulcain se précipita dans l'escalier de secours, sur le côté de l'immeuble, talonné par Rê. Chacun des deux jeunes hommes prit un des poursuivants et tentèrent de le bloquer pendant que Ho Sang s'élançait pour descendre en sautant les marches quatre à quatre. Elle attrapa la journaliste au passage et elles coururent ensemble jusqu'à Central Park, où elles se fondirent dans la population. Elles s'assirent dans l'herbe et, après avoir attendu presqu'une heure, elles virent arriver Rê et Vulcain. Ils leur expliquèrent qu'ils avaient réussi à semer les deux hommes dans la foule, mais Rê était amoché au visage. Il faisait une trentaine de degrés Celsius et Lóng avait oublié son unique manteau chez Rachelle.

Il était déjà temps pour tous les quatre d'aller chercher Damien au lycée...


Jigoro et son élève étaient revenus chez la journaliste pour y prendre les reportages et le dossier, qu'elle avait laissés chez elle, sur le Maître. Puis, après avoir ôté leurs masques, ils descendirent et sortirent de l'immeuble avant de rentrer au dojo, où ils se séparèrent. Horoku s'approcha du Maître, qui le prit à part.

- Cherchez la journaliste. Kidnappez-la et éliminez les hommes qui la défendent. Mais ne touchez pas à la gamine qui est avec eux !

- Faut-il que nous la ramenions ?

- Oui ! Et entière !, ordonna le Maître.

Horoku s'éloigna, laissant la place à Shinji. La crainte du jeune homme se retrouver seul était revenue et le Maître s'en doutait. Il s'assit donc à côté de lui, sur les marches de l'escalier qui menait au dojo et, après avoir fait une petite tape amicale sur la tête de Shinji, lui murmura :

- Je ne te laisserai jamais tomber. Tu ne seras plus jamais seul, je te le promets.


Takeshi appela ses élèves et s'assit, en tailleur, entre Rê et Vulcain et face à Damien, Rachelle et Ho Sang. Ils discutèrent de la façon dont ils pourraient retrouver les assaillants masqués et Lóng fut chargée de veiller à la sécurité des deux nouveaux et d'aider la journaliste dans son reportage sur Jigoro Yoshikawa. Lorsqu'elle entendit ce nom, la Chinoise blanchit et tenta vainement de le cacher à ses proches. Après qu'il eut parlé, le Maître laissa ses enfants se reposer. Ho Sang se coucha et fit semblant de s'endormir. Ainsi, dès que tous seraient endormis, elle pourrait, comme il y a de nombreuses années, retourner espionner Jigoro.

LóngOù les histoires vivent. Découvrez maintenant