Chapitre 2

68 4 29
                                    




Il est 6h30 et je suis sur mon lit en train de pleurer. Les yeux dans le vide et les larmes dévalant mes joues. C'est la rentrée, je devrais être heureuse de retrouver mes « amis » mais c'est tout le contraire. Je flippe tellement, mes mains tremblent et j'ai des sueurs froides. Je me lève et vais dans la salle de bain. Je me passe de l'eau sur le visage et fixe mon reflet avec dégoût. Mes yeux sont rougis par les larmes et mes lèvres sont en sang tellement je les serre fort pour ne pas crier.

Je fixe les lames du rasoir sur le bord de la baignoire. Elles m'attirent et je ne pense plus qu'à une seule chose. Les passer sur ma peau et regarder le liquide rouge couler. Ça me faisait tellement de bien avant. Je pourrais ressayer. Juste une fois. Qu'une seule petite fois. Pour me punir d'avoir pensé que je pourrais être heureuse alors que ma mère n'est plus là. Pour avoir rit avec Mel. Pour être allée en boite. Pour avoir trouvé un garçon beau, c'était notre jeu avec maman. On notait tous les hommes qu'on croisait dans la rue. On n'était jamais d'accord.

Je prends les lames dans les mains et les serres fort. Des gouttes de sang tombent sur le carrelage et moi je pleure. Encore. Comme une faible. Une putain de faible que je suis. Je m'assoie sur le rebord de la baignoire et remonte mon short. Je pose délicatement la lame sur ma cuisse droite et la fait lentement glisser. Une coupure rouge se dessine petit à petit et se mélange aux nombreuses autres cicatrices. Je commence un seconde fois en appuyant plus fort. Le sang continue de couler et d'un coup un bruit retentit. C'est mon père qui toque à la porte.
- Aly ça va ?

- Euh... oui oui, tout va

- Tu es sûre ma chérie ?

- Certaine, je prends juste une douche.

- Bon d'accord, je vais y aller ! Passe une bonne journée et bonne chance !

- Merci toi aussi, à ce soir. Je n'attends qu'une chose c'est qu'il parte.

Au bout de quelques secondes j'entends la porte d'entrée claquée. Il est parti. Je regarde ma cuisse ensanglantée avec effroi. J'ai encore replongé.  Ca m'arrive de moins en moins souvent mais parfois un trop plein fait que je craque et déraille complètement.

Je me lève difficilement et me déshabille. Le contact du tissus me fait serrer les dents et c'est encore pire lorsque l'eau chaude se déverse sur mes blessures en nettoyant le sang sec au passage. Je sors de la douche encore tremblante et m'enroule dans ma serviette rose. Avec le temps les couleurs ont palis mais elle me paraît tout aussi belle. Ma mère me l'avais achetée pendant les vacances de mes douze ans. On était à la plage et j'avais oublié d'en prendre une à la maison. Elle m'a fait la morale avant de m'en acheter une toute neuve. Depuis je ne m'en sépare plus et encore moins aujourd'hui.

Après avoir désinfecté les plaies, je vais dans ma chambre pour m'habiller et même cette chose toute simple me rappelle ma mère. Depuis ma première rentrée en maternelle, elle m'a toujours aidé à choisir mes habits. Elle me disait que c'était important parce que c'est le jour de la rentrée que les gens se font une opinion de toi et l'apparence joue beaucoup. Elle réussissait toujours à me trouver la tenue idéale.

Là devant mon armoire je me retrouve paumée à pas savoir quoi faire. Je me résigne et prend un simple jean avec le t-shirt blanc le plus basique au monde. Un gilet gris effiloché, mes baskets noires et c'est terminé. Je laisse mes cheveux sécher à l'air libre et descend déjeuner. Rien que la vue d'une orange me donne envie de vomir. Je remonte donc me laver les dents avant de louper mon bus pour de bon.

Après un quart d'heure de trajet au milieu des élèves bruyants, j'arrive enfin au lycée. Une foule d'étudiants se bouscule. Des milliers de conversations fusent dans tous les sens et me donnent mal à la tête. A l'entrer du grand bâtiment en pierre un couple s'embrasse en se moquant royalement de ce qui les entoure. A ma droite, un groupe de fille crie dans tous les sens. Elles se racontent sûrement leurs superbes vacances remplies de fêtes, de plages, d'alcool et de garçons alors que moi je me demande comment j'ai fait pour un jour leur ressembler. Je cherche Mel du regard et la trouve en pleine discussion avec un grand blond. Je ne sais vraiment pas ce qu'elle a avec les blonds en ce moment mais ils défilent. Je m'approche lentement et dès qu'elle m'aperçoit, elle se met à faire de grands gestes avec ses bras en sautant. On dirait qu'elle va s'envoler. Quand j'arrive à leur hauteur, elle me saute dessus et me serre fort dans ses bras.

L'aigle noirOù les histoires vivent. Découvrez maintenant