Toi et moi, on refaisait le monde.
On le détruisait, le découpait, le déchirait et on l'imaginait à nouveau. Ce monde, il était trop nul pour toi et moi. Alors souvent, on voyait les étoiles danser la samba, les bébés fourmis aller à l'école, les brins d'herbe se chuchoter des histoires et les nuages faire des câlins au soleil quand il était un peu trop triste. Tu me racontais la discussion que tu avais surprise la veille entre une abeille et une petite fleur, et moi je t'écoutais très sérieusement.
Tu t'en souviens-toi aussi?
Si je devais parler de mon souvenir préféré, je raconterais très probablement celui-ci...
C'était un jour ou il faisait beau à Damas. On rentrait de l'école toi, et moi. C'était un de ces jours ou tu sentais bon le chocolat et le ciel d'été. Il y avait des jours où tu sentais comme le soleil qui se couche au loin et d'autres comme la barbapapa rosée que l'on dévorait souvent sans pitié. Je t'avais souvent demandé, quel était ton secret et tu me répondais les yeux brillants de malice qu'un secret n'était pas fait pour être révélé.
Alors ce jour-là, nous avions pris le bus pour rentrer à la maison, comme tous les jours. Assis sur les sièges trop grands pour les enfants que nous étions, tu m'avais chuchoté ton plan. Alors, je n'avais pas tout entendu parce qu'il y avait les grands à l'arrière qui riaient très fort, mais j'avais hoché la tête. Tu semblais déborder de joie et je ne comprenais pas trop, mais ton sourire était communicatif, alors je souriais aussi.
Quand le chauffeur de bus avec sa grosse moustache frémissante nous avait déposés devant notre maison, tu avais sauté hors du bus, et tu avais attrapé mon poignet. Tu m'avais fait courir, mais pas vers la maison, encore une fois je ne comprenais pas vraiment, mais je te suivais. Tu semblais courir après quelque chose, comme ils faisaient les policiers dans les films que papa et maman ne voulaient pas que l'on regarde. Au bout d'un moment tu t'étais arrêtée tout de même. On ne semblait pas être arrivés à destination, mais c'était très bien, je n'avais pas négocié. J'avais l'impression de me transformer en radiateur humain, j'avais chaud, très chaud. On avait trop couru. J'étais tout rouge, je ne pouvais plus parler. Tu semblais à peu près dans le même état, à la différence près que toi, tu avais réussi à trouver les forces pour éclater de rire. Et j'avais fini par rire avec toi.
Une fois calmés, on s'était remis à marcher et en quelques minutes, on s'était retrouvé face à un grand bâtiment. «On est arrivé.» tu avais annoncé, toute contente. Et je t'avais regardé et je m'étais dit que tu étais un peu bizarre. Face à mon air d'incrédulité profonde, tu avais levé tes yeux vers le ciel, comme faisaient les grandes personnes quand je disais des bêtises. On avait contourné le gros bâtiment longuement et j'avais pensé que si l'on était venu ici que pour tourner autour c'était quand même sacrément inutile. Mais on avait fini par trouver la porte d'entrée, on s'était faufilé à l'intérieur discrètement.
On avait monté des escaliers, parcouru de longs couloirs et enfin, nous avions trouvé une grande salle où il y avait un peu de musique. Le genre de musique toute douce. Pas celles que l'on écoute comme cela, le cœur fermé et l'esprit vide non, le genre de musique dont vos souvenirs et vos émotions s'imprègnent et laissent en vous un petit peu de tristesse et un petit peu de joie. Les yeux brillants, on s'était mis à espionner, cachés dans l'ombre, les jolies danseuses. Je savais que tu aimais la danse, et je savais que tu voulais en faire.
Tu avais l'air émerveillée, je comprenais. Les danseuses étaient épatantes. On aurait dit de leurs corps qu'ils se laissaient bercer par la musique et qu'ils flottaient dans les airs avec une grâce digne des anges.
Mais alors là, une vieille dame nous avait attrapés et nous avait grondés très fort. Elle avait dit que nous n'avions pas le droit d'être ici et elle avait fini par appeler maman, elle était venue nous chercher et nous avait beaucoup grondés aussi. Après elle s'était calmée et elle nous avait dit les yeux un peu brillants qu'elle avait eu peur tout de même. C'était depuis ce jour-là d'ailleurs que maman t'avait inscrite au cours de danse.
Et c'était comme cela avec toi, la vie était une aventure pleine de surprises. De drôles de moments et un monde mieux.
Mes mots meurent, tu me manques Soledad.
Victor
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soledad ou les jours heureux.
Короткий рассказ« Et quand Soledad dansait, le monde dansait avec elle. » Elias, Nour, Victor et Soledad formaient une petite famille des plus normales rythmée par les aventures de chacun. Mais subitement le monde ne tourne plus rond, les colombes p...