Crazy

Chapitre 16

J'entends des bruits de pas qui se rapprochent. Instinctivement, je recule jusqu'à sentir les barreaux de fer de ma cage contre ma colonne vertébrale. Toutes les semaines, à la même heure, c'est le même scénario. Toutes les semaines, à la même heure, on m'oblige à sortir de là pour me faire la même chose.

J'ai 15 ans, aujourd'hui. Je le sais parce que j'ai réussi à leur voler un calendrier. Alors je sais qu'aujourd'hui, j'ai 15 ans. Je ne suis pas bête, je sais que je ne suis pas censée être ici. Je devrais être autre part. Au lieu de ça, ça fait 9 ans que j'attends. Je ne sais même pas ce que j'attends. Tous les jours, on me dit que c'est mon tour. Que c'est moi qu'on va venir chercher. Mais qui doit venir me chercher? Je ne comprends pas. Pourquoi mes parents ne sont toujours pas là? Est-ce qu'ils me cherchent? Et Lili? Est-ce qu'elle pleure comme moi je pleure quand je pense à elle? Est-ce que je pourrais un jour jouer à la poupée avec elle, comme avant? On me tire par le bras pour m'emmener dans la Salle Blanche. Je ne veux pas y retourner.

- Mademoiselle Wright, réveillez- vous !

J'ouvre précipitamment les yeux et je me redresse pour me débattre. Je sens des bras qui me tiennent fermement, mais je veux qu'ils me lâchent.

- Laissez-moi tranquille, je hurle. Laissez-moi partir !

Je continue de gesticuler partout dans l'espoir qu'ils cèdent, mais je suis seule contre trois paires de bras qui tiennent mes bras et mes mains. Je commence à suffoquer.

- Elle fait une crise de panique ! crie l'un d'entre eux.

On me colle un masque à oxygène sur la bouche. Je prends une grande bouffée d'air et j'arrête instantanément de me débattre quand je comprends que je ne suis pas dans mon cauchemar. Je sens les larmes couler abondamment sur mes joues. Qu'est-ce qui m'arrive? Ça fait tellement longtemps que ça ne m'était par arrivé, ce genre de cauchemar. Je n'ai même pas réussi à faire la différence entre le rêve et la réalité.

Les médecins vérifient que tout est revenu à la normale avant de sortir de là. Dès que la porte se referme, je me lève de ce fichu lit et je m'assieds près de la fenêtre de ma chambre. Il fait nuit noire, et personne n'est là avec moi. Ils doivent sûrement se reposer, et je comprends. Mais j'ai besoin de quelqu'un, là. Je fouille les sacs qui m'ont été déposés pour trouver mon téléphone. Une fois que je parviens à mettre la main dessus, je compose le numéro de Ryan.

- Kacey? dit-il d'une voix pâteuse. Il y a un problème?

- Non.. Je.. je voulais pas te réveiller, Ryan. Je..

- Je sais que t'es désolée. Mais si tu m'as réveillé, c'est pour une bonne raison, alors dis-moi tout.

- J'ai besoin de toi, Ryan. J'ai peur.. je veux que tu viennes.

- J'arrive. Tiens le coup, d'accord?

- Merci. Je t'aime, Ryan.

Je l'entends jurer au moment où il raccroche. Je parie qu'il s'est levé dans la précipitation et qu'il s'est pris un meuble. J'espère qu'il va vite arriver, car je sens tous mes membres trembler tant la panique s'est emparée de moi. Ma crise s'est vite calmée, mais dans ma tête, c'est comme si j'étais encore dans ce cauchemar. Il y a quelques années, ce genre de rêve arrivait toutes les nuits. Mon père et Lili se relayaient pour veiller sur moi la nuit, au point de s'oublier eux-mêmes. Je pensais que j'avais dépassé tout ça, et surtout, je ne sais pas comment ça a pu se déclencher. Ça n'est pas arrivé sans raison !

Je ramène mes genoux contre ma poitrine et j'observe le ciel sans nuage. Si je laisse mes émotions me submerger, je risque de replonger dans un cercle vicieux dont je ne sortirais pas vivante cette fois-ci. J'en suis consciente, mais je ne sais pas quoi faire. D'abord, je ne dois rien dire à mon père. Il risquerait de quitter la nouvelle agence à New-York pour revenir et je ne veux pas qu'il le fasse. Quant à Lili, je ne prendrais pas le risque de la soumettre à un stress aussi intense alors qu'elle est enceinte. Et Stefan ne connaît pas cette facette de moi, il risquerait de ne pas comprendre ou de mal réagir. Il n'y a que Ryan qui peut m'aider aujourd'hui.