Crazy

Chapitre 18

Je masse mes bras pour essayer d'atténuer la douleur lancinante qui traverse tout mon corps. Aujourd'hui, j'ai 16 ans. Et aujourd'hui, je vais recevoir 16 coups de bâton. Plusieurs fois, j'ai espéré sortir de cette cage de métal verrouillée, mais plus le temps passe, et plus la peur de plus jamais revoir la lumière du jour s'immisce en moi. Autour de moi, c'est le silence absolu. Au fil du temps, on a compris que hurler n'était pas vraiment le comportement attendu. Et la peur de recevoir des coups prime sur l'envie de provoquer nos ravisseurs. Il m'est arrivé de donner des coups de pieds ou de leur cracher dessus, mais après ce qu'ils m'ont fait le jour de mes 14 ans, j'ai fini par me terrer au fond de ma minuscule cellule.

Le bruit de la grande porte métallique s'ouvre, laissent entrevoir la silhouette de celui que j'appelle désormais Voldy. Comme Voldemort, dans Harry Potter. Parce que c'est le seul méchant que je connaisse. Il s'approche de ma cage, un rictus sur le visage.

- Joyeux anniversaire, ma jolie, dit-il en passant sa main sur ma joue.

Je me réveille en sursaut, les sens en alerte. Ce n'était qu'un cauchemar.. Je passe ma main sur mon visage en sueur et tâte le lit. Stefan n'est plus là, et rien n'indique qu'il soit toujours dans mon appartement. Les souvenirs de la nuit dernière sont encore parfaitement imprimés dans ma chair, c'est comme si je revivais ce moment encore et encore.. Je n'arrive pas à croire qu'il soit parti en catimini alors que j'avais besoin de lui.

L'esprit encore embrumé par les événements de ces dernières heures, je me lève de mon lit pour tenter d'être un minimum productive aujourd'hui. Et pour cela, rien de mieux que le travail, histoire d'oublier les événements d'hier. Malgré la nuit merveilleuse, je n'ai pas oublié le fait que Stefan soit venu chez moi après avoir bu et qu'il m'ait accusée d'avoir provoqué le paparazzi. D'ailleurs, je ne sais pas ce qu'il en est ce matin. Est-ce que je fais la une des tabloïds, ou alors mon petit-ami a-t-il réussi à me sortir de cette situation?

La main tremblante, je me saisis de mon smartphone et tape "Stefan White" dans la barre de recherche. Si jamais mon nom ou mon existence a fuité, il faut que je le sache, parce que ma vie risque d'être bien plus difficile.

C'est avec soulagement que je constate que rien de nouveau au sujet de Stefan n'est apparu cette nuit. Sauf qu'au moment de fermer le navigateur internet de mon téléphone, quelque chose retient mon attention. C'est un article d'un de ces fameux magazines people qui pensent tout savoir sur tout le monde.

« Stefan White et Eva Mines de nouveaux réunis pour un gala de charité. »

Mon cœur rate un battement. Il m'avait dit qu'il n'était plus avec elle, que leur deal était terminé, pourquoi il continue de s'afficher avec elle? 

«  Les deux tourtereaux, que l'on pensaient séparés, affichent de nouveau une belle complicité lors du gala de charité en l'honneur des enfants disparus. »

La photo qui accompagne cette phrase est la goutte de trop. Stefan est bras dessus bras dessous avec Eva, qui est resplendissante, à mon grand désarroi. Alors c'est ça qu'il faisait, hier soir? Pendant que je me faisais aborder par un paparazzi, monsieur était en train de s'afficher au bras de son ex? Bizarrement, je ne suis pas étonnée.

Je décide de ne pas y penser et de me concentrer sur le travail. J'ai une journée complète de visite qui m'attends. Je passe par la salle de bain pour prendre une douche revigorante, j'enfile un pantalon de tailleur et un haut blancs, le tout accompagné d'une paire de talons. En jetant un coup d'œil dans le miroir, je remarque à quel point mes traits sont tirés. Mon corps ne s'est peut-être pas totalement remis de l'accident, mais je préfère le fatiguer encore plus plutôt que de tergiverser à propos des sorties secrètes de Stefan. Si il n'avait rien à cacher, il m'aurait dit qu'il avait vu Eva la veille, mais il s'est tu, ce que je prends comme une trahison.

Aujourd'hui, je m'occupe d'un couple de clients très jeunes qui viennent de remporter une grosse somme d'argent à la loterie nationale et qui souhaite investir leur argent dans l'immobilier. Ils m'ont l'air très sympathiques et n'ont pas pris la grosse tête à cause de leur nouvelle fortune, ce que j'apprécie. Habituellement, je m'occupe de clients qui se sentent supérieurs aux autres parce qu'ils ont plus d'argent, et ça me désolé au plus haut point. Mais je ne dis rien, parce que certaines des commissions que je touche grâce à eux s'élèvent à plusieurs centaine de milliers de dollars. Alors je supporte en les flattant et en optant pour ma petite voix mielleuse un peu hypocrite.

Après les visites - qui ont durées des heures - je retourne enfin à mon bureau. Quelques collègues sont absents pour cause de vacances, ce qui me fait penser que je devrais peut-être songer à en prendre, moi aussi. Je pourrais aller à New-York pour voir la nouvelle agence que mon père dirige, ou alors partir en France avec Ryan pour profiter du magnifique soleil de la Côte d'Azur. Ou les deux.

Aux environs de 18 heures, alors que je m'apprêtais à boucler mon dossier pour en ouvrir un autre, un mal de crâne violent me prend par surprise. C'est sûrement causé par le sur-ménage. Mon père me tuerait si il voyait à quel point je néglige ma santé en ce moment.

Mon estomac se met quant à lui à crier famine. Evidemment, je n'ai rien mangé de la journée mis à part une barre de céréales pour essayer de retarder le moment où je partirais du boulot. Agacée, je décide tout de même de rentrer chez moi. Mes membres commencent à être affaiblis, et je ne tiens pas à faire un malaise sur mon lieu de travail.

Une fois rentrée chez moi, je me rends compte qu'un bout de papier rose traîne sur ma table basse. Est-ce que Stefan serait passé ici? Impossible, il n'a pas les clés. Et puis, pourquoi serait-il venu? Il doit être trop occupé à se montrer au bras d'Eva pour se pré-occuper de moi.

Je saisis le bout de papier et le lis rapidement.

  « Je sais où tu habites, Lola. Ou plutôt devrais-je dire.. Kacey?  »

C'est signé H.

Mon plus grand cauchemar vient de refaire surface.