De glace ou de feu

CHAPITRE 9

C'est couverte de sueur que j'émerge de mon sommeil. Je m'essuie le front d'un revers de manche.Il est revenu... Il est de retour...Et il n'est pas prêt de disparaître...Ce cauchemar, cet enfer sans fin qui hante, sans scrupules, chacunes de mes nuits... Je m'assoupis, angoissée, pétrifiée. La couverture remontée jusqu'au menton, je l'agrippe, y enfonce mes ongles et lutte désespérément contre la fatigue car j'ai peur de rester coincée dans cet univers machiavélique. En vain, je finis toujours par y succomber. Et je me retrouve chaque minute de chaque nuit enfermée dans cette pièce immaculée. Je demeure la seule et unique tache au tableau. Cette scène se reproduit chaque soir, sans exception, sans changement, si ce n'est le sourire de mon clone qui s'élargit de plus en plus au fur et à mesure du temps. Ce rêve m'a fait détester ma propre personne, car plus les jours passent plus je m'identifie à ce monstre sans cœur, cet assassin, ce meurtrier...J'y retrouve mes trait physiques mais aussi moraux. Je me vois, je me reconnais, cela pourrait être moi...

Je réalise que je ne saurai jamais ce qu'il m'arrivera à la fin de cette scène, étant donné que je me réveille dès que la lame du couteau entre en contact avec l'œil de mon assaillant...

Aurais-je une chance de gagner ce combat? Aurais-je une chance de survivre? Qui sait peut être sui-je devenue plus forte ces temps-ci. Je ne suis peut-être plus cette jeune fille si fragile et si frêle... J'imagine que, jamais au grand jamais, je n'aurai de réponse à ces questions...

Je n'ai toujours pas parlé de ce cauchemar avec Helen... J'ai pourtant essayé à plusieurs reprises mais depuis la découverte de mes pouvoirs, j'ai du mal à lui refaire confiance... Elle m'a menti tout au long de mon enfance... Lorsque que je lui confiait mes peurs, mes tristesses, mes douleurs... Certes, elle était présente, mais elle était présente dans le mensonge quand j'avais besoin de vérité. Je ne pourrai lui en vouloir pour toujours, mais j'ai besoin de temps...

Après toutes les aventures qui me sont arrivées, plus rien ne m'étonne. Ainsi,  je ne serais pas surprise de l'entendre m'annoncer qu'elle connaît parfaitement la signification de mes rêves. J'ai peur de lui révéler l'existence mes hallucinations, parce que je crains l'annonce d'une autre mauvaise nouvelle... J'ai bien peur que ces délires soient liés à mes origines...

Je me mure donc dans un silence de plomb et garde ce secret enfoui au fin fond de ma personne... Pour une fois, j'aimerais ressentir cette douleur comme une personne normale... Je veux laisser ces angoisses nocturnes m'envahir. Le désespoir est un sentiment naturel. Voici une chose qui ne m'est pas arrivée depuis bien longtemps.

                   J'ai besoin de me sentir humaine à nouveau.

J'ai besoin de me sentir normale...

Zeke et Irina ne sont pas non plus les personnes à qui je me confierais le plus. Je ne saurais pas dire si je leur fait assez confiance dans ce domaine. Pourtant nous nous sommes beaucoup rapprochés durant la semaine dernière, mais je ne veux en aucun cas les impliquer dans mes affaires familiales. Pour une fois que j'arrive à me faire des amis, il serait fortement dommage de les faire fuir en leur racontant des histoires de sorcières. 

Nous avons passé beaucoup de temps ensemble, je réalise peu à peu que je gagne leur confiance et cela me ronge puisque j'ai l'impression de leur mentir et d'abuser de leur gentillesse. Ils m'ont ouvert leur cœur et en échange? Je leur mens. Du début jusqu'à la fin. Je leur ai menti sur mon identité. Je ne suis plus Ambre Collins. Je suis une sorcière de glace. 

Je marche vers la rive, l'esprit rempli d'amertume. Le vent froid soulève mes boucles soyeuses avec douceur. Mes mains nues sont agressées par la fraîcheur de l'air. Je peux sentir les odeurs des aiguilles de pins tombées sur le sol humide. Le bruit des feuilles mortes qui craquent sous les semelles de mes bottes en cuir. Toutes ces sensations sont les seuls éléments qui me rattachent à cette planète. Ici, dehors, est le seul endroit où je me sens réellement vivante. La nature me fera, quoi qu'il advienne, toujours vibrer.