De glace ou de feu

CHAPITRE 8

La brise fraîche et humide fouettait délicatement ma nuque. Une douceur agréable, légère... Malgré cela, mes doigts engourdis et gonflés me tiraillaient. De plus en plus... si bien que je ne les sentais à présent presque plus. Alors que je m'efforçais de les mettre en mouvement, un éclat de lumière m'aveugla. Comme ceux émanant des phares d'une voiture en pleine nuit. Puis, la pièce dans laquelle je me trouvais s'éclaira.  Tout, ici, était d'une blancheur étincelante. Dès miroitements et des scintillements jaillissaient de partout. Je plissais les yeux pour m'habituer à cette clarté, quand une silhouette familière effectua un pas en ma direction. Sa démarche était lente et hésitante. Mais ses yeux brillaient d'excitation, une lueur d'espoir ou d'émerveillement, comment savoir ?
Je connaissais cette personne : une adolescente blonde et mince, son visage était doté d'un long nez aquilin, de deux yeux clairs et perçants ...
En m'avançant vers elle, je remarquai qu'elle exécutait simultanément les mêmes gestes que moi. Oui, je la connaissais... puisqu'elle n'était autre que mon double... Cette jeune fille était moi. Mon autre moi... Elle n'était pas particulièrement belle, son visage asymétrique déformait ses traits. Sa cicatrice au dessus de son sourcil droit aurait pu témoigner d'un signe de témérité s'il n'avait pas fait qu'accentuer sa laideur. Qui aurait pu trouver la moindre once de beauté dans cette figure si imparfaite? En observant de plus près mon autre moi, je compris que je me trouvais devant un miroir, sans délimitation, il semblait faire le tour de la salle circulaire, mais, étrangement, en me retournant je ne rencontrais pas de deuxième reflet de ma personne.
Je suis restée plantée la pendant ce qu'il m'a paru être des heures. Mon reflet et moi nous observions en chien de faïence. Elle me toisait avec un air hautain et une fierté inconditionnelle.
Fatiguée de rester debout, je m'assis en tailleur et fermai les yeux pour essayer de m'endormir. En vain... Quand mes paupières se soulevèrent je scrutai mon reflet ( toujours présent ) avec des yeux remplis de sommeil. La clarté de la pièce m'a d'abord, tellement éblouie, que je ne me suis rendue compte de rien. Mais en y regardant de plus près, je remarquai que mon deuxième moi était restée debout... J'effectuai quelques gestes pour tester le miroir, mais rien n'y fit. Mon reflet ne m'imitait plus. Mon coeur s'emballa, je ne sais pourquoi, mais tout cela m'effrayait si soudainement; et sur le moment je crus que j'allais y rester. Des sueurs froides coulaient lentement le long de ma colonne vertébrale.
Puis, Ambre numéro 2 sortit un poignard tranchant de derrière son dos en arborant un sourire démoniaque. J'avais l'impression qu'elle pouvait entendre mon rythme cardiaque et que, plus ce dernier s'accélérait, plus cela l'amusait. Elle passait doucement sa langue sur ses lèvres et retenait des éclats rires en gloussant. Des gloussements si stridents qu'ils auraient pu briser la glace. En parlant de briser la glace... Mon double diabolique avait empoigné sa dague et commença à entailler le miroir. Elle avait les mains si crispée sur le couteau que les jointures de ses doigt blanchissaient... On pouvait lire l'effort sur son visage qui effectuait une grimace à chaque coup donné sur le verre. Chacun de ses coups étants plus puissants que les précédents, le bruit en était assourdissant.
Je me retournais, affolée, cherchant un moyen de trouver une sortie. La pièce était close, pas de porte de sortie. Ambre (bis) continuait d'avancer en cassant le miroir... En regardant au sol, je ne trouvai, ni trappe, ni grille d'aération. Cette salle avait été conçue pour ne jamais en sortir...
Mais comment y étais-je entrée? J'essayais de me souvenir du moindre détail de mon arrivée, mais plus le temps passait plus mes pensées étaient floues. Ma mémoire s'effaçait peu à peu... Je ne me souvenais de rien... Ma famille, mes passions... Tout s'était envolé...

Le bruit de verre brisé me ramena à la raison. Il fallait trouver un moyen de lui échapper, car, quand elle aura réussi à percer le miroir assez largement, il est clair qu'elle n'utilisera pas son couteau pour se curer les ongles... Je devais trouver une solution au plus vite ! Réfléchis, Ambre...
Les débris de verre gisaient au sol. De plus en plus nombreux... Les morceaux de verres!!!
Je m'emparai de l'un d'entre eux en évitant soigneusement de me couper et reculai au fur et à mesure que mon agresseur progressait.
Comme je m'y attendait, Ambre numéro 2 brandit son poignard dans ma direction quand elle eut réussi à s'extirper de sa "cage".
Alors, à cet instant, plus rien n'existait qu'elle, moi, et le temps... Les secondes perdirent de leur valeur en s'allongeant.
Plus rien n'existait non plus que mon souffle, les battements irréguliers de mon coeur, et le visage de mon assaillant. Juste son œil droit... Mon esprit ne se focalisait maintenant plus que sur cet endroit.
Puis, en mettant les muscles de mes bras en mouvement, le temps rattrapa son retard. Et au moment où mon arme de fortune heurta le coin de l'œil de mon adversaire, mon corps entier fut aspiré par une espèce de vent glacé, avant d'atterrir sur une étoffe douce et confortable. Mon matelas.
Je me réveillai en sursaut. En passant une main dans ma nuque, je sentis la sueur y perler. Tout ceci n'était rien d'autre qu'un mauvais rêve. Très étrange, mais juste un mauvais rêve... Du moins c'est ce que je pensais...