En y repensant, j'aurais pourtant du comprendre bien avant que ma petite fée des plantes, avec sa couronne de marguerites si enfantine, mêlée de mimosa, entre innocence et sensibilité, cachait quelque chose derrière les milliers de nuances colorées parant les pétales, et que si son sourire était toujours aussi lumineux, elle vivait aussi la pluie. Elle me révélait ses problèmes plus qu'à n'importe qui, mais elle ne m'écrivait pas tout, et je ne l'avais pas compris, ne réalisant pas qu'elle cachait parfois la signification de certaines de ces alliées printanières. L'oranger et la pivoine, entre beauté et modestie, qu'elle m'avait confié, des étoiles plein les yeux, après un texte de ma part lui exprimant à quel point elle était merveilleuse, dissimulaient les pensées, appels à l'aide. Elle avait besoin d'attention, réellement, parce qu'elle se noyait dans sa peine et sa souffrance, mais je l'avais réalisé trop tard, essayant pourtant l'impossible. Je voulais tellement la ramener vers sa joie, la préserver de l'hiver ! Mais les œillets blancs de fidélité, les gerbes d'or d'encouragement, les fous rires et le muguet de retour au bonheur n'avaient pas su rester entrelacées à sa chevelure d'or tissé, et j'avais compris que je ne pouvais m'opposer à ce qui la minait. Elle avait peur, tellement peur, parfois, venant se réfugier au creux de mes bras comme une petite fille après un cauchemar, cachant son visage dans mon cou en silence, de plus en plus pâle, les larmes aux yeux... Elle n'avait pas voulu me le dire, au début, mais elle n'avait pas eu le choix, alors un jour, alors que nous n'avions pas cours, elle m'avait pris la main, attiré au loin, et à l'ombre d'un saule, m'avait confié son problème, formant chaque signe avec une gravité inhabituelle. Courageuse, Lily avait refusé de le dire aux autres, excepté à Viv, qui l'avait appris le matin même, et je me doutai immédiatement que cette annonce mettait fin à ses derniers espoirs... Son attitude était posée, gentille, délicate, et infiniment rassurante, cette fois, loin de ses sanglots et de sa peine, parfois, au téléphone, quand elle m'appelait à minuit pour ne pas être toute seule et voulait seulement entendre ma voix. Elle semblait simplement un peu triste, et infiniment désolée, pour nous, désolée de devoir nous laisser, mais elle ne tremblait pas, tandis qu'elle formait les gestes et que je me noyais dans ses prunelles glacées, aux nuances d'eau et de ciel, emplies d'une infinie tendresse.Je n'ai rien voulu dire avant, mais tu sais, quand je m'absentais de l'école, c'était pour une raison bien précise... Je suis malade, et j'ai souvent des visites de contrôle à l'hôpital. Ce n'est pas le genre de maladie qui guérit, et j'en suis infiniment désolée, mais il ne me reste que quelques mois. Je voulais simplement te le dire, parce que je veux que tu puisses t'éloigner si tu le veux... C'était une erreur de ma part de te laisser t'attacher, en sachant que ça pouvait finir comme ça. Pardonne-moi.
La princesse d'étoiles, de mots, de silence et de fleurs avait alors fermé les yeux quelques secondes, et j'avais vu une larme glisser sur sa joue, perle de rosée scintillante sur sa peau pâle. Tout prenait un autre sens : la fragilité qui se lisait sur son physique, dès le début, et la fissure qui depuis quelques temps, en son cœur, chassait la joie pour installer l'inquiétude, mais aussi cette apparence d'ivoire, et la manière dont elle me faisait signe parfois qu'elle avait froid, se serrant contre moi... Elle n'avait pas froid, auparavant, et était une de ces filles rayons de soleil qui au contraire, ne comprenait pas comment on pouvait porter sans cesse des pulls et des vestes. Au début, j'avais cru qu'elle demandait à Viv des vêtements et m'empruntait mon blouson pour, comme elle disait, garder un peu de nous, comme un câlin, mais en réalité, réalisai-je à cet instant, elle s'affaiblissait. Nos doigts toujours entrelacés, je l'attirai lentement contre moi, et elle se laissa bercer, sans pleurer. Elle était simplement triste, et s'en voulait de nous laisser. Elle avait peur, peur de nous blesser, mais aussi, je le voyais, peur de mourir, à seize ans.
Elle n'avait plus de larmes, et cette détresse muette était plus éloquente que tout...« Hey, petite sœur... » murmurai-je, utilisant ce surnom pour la première fois, juste pour la faire sourire. « Il n'y a rien à pardonner. Je ne te laisserai pas, jamais. Et Viv non plus, tu le sais. Tu ne seras jamais toute seule. Oui, ça me déchire le cœur de savoir que je ne te verrai plus sourire, que je n'entendrai plus les mélodies, que je ne lirai plus les textes, mais... Si c'était à refaire, je ne changerais rien. Parce que j'aime entendre ton rire, et discuter avec toi par gestes, ou rester immobile, écouter de la musique, échanger sur le cinéma et littérature, lire tes mots, te voir agir avec Viv, apprendre tes histoires, le langage des fleurs, et j'aime nos moments à danser, à courir, à faire les idiots... L'amitié, c'est aussi d'être là dans les mauvais moments. Je t'ai fait des promesses, et je les tiendrai toujours. Je ne te laisserai pas. »
Tu ne devrais pas... Je n'ai aucune envie de te blesser, tu sais, de te faire du mal, de te faire pleurer. Moi, je veux te faire rire. Et si ne pas tenir ta promesse est plus facile...
« Arrête de penser exclusivement aux autres, s'il te plaît, et ne t'inquiètes pas pour moi. Dis-moi simplement ce que toi, tu aimerais. Dis-moi de rester, ou de partir, mais ne le fais pas pour me protéger moi. Pour une fois, sois aussi égoïste que tu le prétends... »Pendant cette conversation, elle s'était détachée de moi, ne gardant plus qu'un lien entre nous, nos doigts entrelacés, et quand finalement, elle avait repris le langage des signes, elle souriait d'un triste sourire, secouant la tête de droite à gauche avec un amusement peiné. Lily, fidèle à elle-même, vraie, aussi, m'avait répondu, comme elle l'avait toujours fait.
Je n'ai pas envie d'être toute seule.
« Je ne te laisserai pas. » répétai-je une dernière fois.
Comme l'aviateur ne laisse pas le Petit Prince. avait-elle ri.
« Exactement. Tu es responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé. »
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Une Couronne de Fleurs
Short Story« She's the flowers But she's also the rain. She's the beauty of day, But also the night full of pain. » Ils ont tous les deux seize ans. Il est un garçon, elle est une fille. Il a les cheveux bruns, elles les a blonds. Il a les yeux sombres, el...