Chapitre 19 : Morgane

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Allongés l'un contre l'autre dans le foin, nous étions. Nico replaça une de mes mèches de cheveux derrière l'oreille. À ses côtés, j'étais béate. Jamais, je n'avais été aussi heureuse de toute ma vie.

_ Malheureusement, il faudra revenir à la fête, ronchonna Nico.

_ Si tu veux, on peut rester là encore quelques instants. On n'est pas pressé. Si ?

_ Non, Gwenn, c'est vrai.

Un petit silence s'installa. C'était le silence des regards contemplateurs sur l'être aimé. Seuls les grillons chantonnant leur sérénade amoureuse à leur dulcinée étaient audible. La douce main de mon fiancé caressa mon dos de haut en bas avant que je ne reprenne enfin la parole.

_ Tu te souviens quand tu m'avais demandé de vivre avec toi dans l'ancien manoir de tes parents, lui dis-je.

_ Oui ? me répondit-il inquisiteur.

_ Eh bien, j'y ai réfléchi et c'est d'accord.

_ Je te promets, alors, que nous y serons bien, me dit-il enjoué par cette nouvelle. Cependant, j'ai une petite question à te poser.

_ Je t'écoute, répliquais-je surprise.

_ Je voulais savoir si tu accepterais que nous fassions un enfant, ensemble ? me demanda-t-il penaud.

_ En toute sincérité, je ne me sens pas prête à devenir mère. Les choses vont déjà tellement vite. C'est un rôle important. Je ne pense pas être à la hauteur pour l'instant. Je sais que c'est préférable de le faire pour sauver Gaïa. Mais nous avons encore du temps devant nous ; enfin j'espère...

_ Oui, je comprends. Je m'attendais un peu à cette réponse, mais ça ne coûte rien de demander.

_ Ça fait longtemps que tu songes à cela ?

_ Si on compare à l'échelle de la vie d'un loup-garou : non. Pour être exacte, j'ai commencé à y songer depuis que l'Oracle de Damona nous en a parlé. Je me disais que ce serait génial de pouvoir devenir père à mon tour et de fonder notre propre famille.

_ Mais nous avons déjà notre propre famille : la meute, lui répliquais-je.

_ Ce n'est pas tout à fait pareille. Nous avons aucun lien du sang, juste les mêmes dons. Notre enfant, lui, sera le parfait mélange de toi et moi.

_ Pour l'instant, la meute me suffit amplement comme famille.

_ Si tu préfères, on peut aussi l'envisager comme un agrandissement de la famille.

_ J'y réfléchirai alors. J'espère seulement que pour cette fois-ci, je ne risque pas de tomber enceinte, puisqu'on a pas utilisé de contraception.

_ Aucune chance.

_ Pourquoi tu dis ça ?

_ T'ovules pas.

_ Comment peux-tu le savoir ?

_ C'est le genre de chose qu'un loup-garou peut sentir, grâce à son héritage animal, affirma-t-il en pointant le bout de son nez et de manière rieuse. Cependant, en parlant d'odorat développé, un incendie vient de se déclencher au palais du Roi, reprit-il sur un ton très sérieux et angoissé.

Nous nous sommes rhabillés le plus vite possible. Nous sommes sortis de la cabane. Nico s'est retransformé en loup. Je me suis agrippée à lui comme pour le chemin de l'aller. Une fois lancé dans sa course folle, les arbres défilaient devant nous à une vitesse hallucinante, au point que je finissais par ne plus les distinguer, ainsi que les lieux qui nous environnaient. J'avais vraiment du mal à rester agrippée à lui. Mes bras peinaient rudement pour ne pas lâcher mon étreinte autour de sa poitrine. Par ailleurs, je ressentais tous les chocs de la route et chaque accoue m'assommait à peu plus. Heureusement pour moi, très vite, nous avions rejoint le château. Ce que je vis m'épouvanta aussitôt d'horreur. Des flammes grises longues, brumeuses et sinueuses sortaient de la toiture pour s'étendre jusque dans les hauts cieux. L'odeur de roussi empestait abondamment l'air. Des cris de terreur déchirèrent l'espace. Une cohue essayait tant bien que mal de sortir par la porte principale. Je descendais du dos de mon loup-garou et il se retransforma en humain. Devant ce spectacle, lui et moi, nous nous sommes regardés interloqués sans comprendre ce qu'il se passait. Sa main chercha instinctivement la mienne, la serra un peu fort et ne la lâcha plus. Puis, impulsivement, il décida d'aller voir ce qu'il se passait en m'entraînant dans sa suite. Nous rejoignions la foule et nous nous frayâmes difficilement un chemin, grâce aux gens qui nous poussaient vers l'extérieur et le plus loin possible du château. Toutefois nous réussîmes quand même à rentrer dans la grande salle de bal. Les derniers fugitifs fuyaient, mais ne nous bousculaient plus. L'odeur nauséabonde, très chargée en CO₂, me firent fortement tousser et m'irritèrent gravement la gorge. Cependant, je fus surprise que Nico n'eut pas la même réaction que moi. J'avais l'impression que toute cette fumée ne le gênait absolument pas. Par ailleurs, plus nous avancions ensemble vers le fond de la salle, plus elle devenait dense et noirâtre. Une atmosphère oppressante régnait en ces lieux dorénavant. J'avais peur, mais j'essayais de me montrer le plus courageuse possible. De surcroît, j'ignorais toujours pourquoi Nico nous avait emmené au sein de cette forteresse en feu. La toiture s'écroula sur notre droite, mais les débris ne nous effleurâmes pas. Ma terreur en rugit furieusement dans ma poitrine. Mon cœur battait si fort en moi, que j'avais l'impression qu'il allait s'échapper de ma cage thoracique. Je serrais fortement la main de Nico, afin de me raccrocher à quelque chose : sa présence. Je n'étais pas seule face au danger, j'étais avec lui. Je me devais donc de m'efforcer d'être plus confiante. Nous courrions vers les trônes impériaux. Plus on avançait vers eux, plus la brume se faisait de plus en plus dense et m'irritait d'avantage et insupportablement la gorge. J'avais dû mal à percevoir ce qui m'environnait. Heureusement que Nico ne me lâchait pas la main, car sinon j'aurai été perdue au sein de cette Enfer. Je crevais de chaud sous cette fournaise. Quand nous fumes enfin arrivés devant l'estrade impériale, nous y grimpâmes et nous nous dirigeâmes derrière les trônes, je constatais alors qu'il y avait une trappe. Il me lâcha la main et l'ouvrit difficilement. Les grincements horribles de la trappe se mêlaient aux crépitements sournois du brasier. Puis, Nico m'agrippa soudainement le bras avec poigne et nous nous engouffrâmes dans l'ouverture. Nous descendîmes des étroits escaliers que seule l'ouverture de la trappe éclairait ; j'avançais sur ses talons. Une fois arrivés en bas, nous fûmes totalement éblouis par une vive lumière orange et terriblement incandescente.

Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant