Chapitre 22 : Gwenn, que tu le veuilles, ou non, je pars à ta recherche!

706 44 6
                                    

(Nico)

Ma tête tourna. Mon cœur se sentait si lourd de désespoir. Mes yeux se parèrent d'un voile si flou ; j'avais l'impression que les vagues d'un océan se trouvaient sur ma cornée et me séparaient du monde réel. Je ne désirais qu'une seule chose ; une seule chose m'aurait rendu le plus heureux du monde : qu'on me dise sur-le-champ où ma Gwenn était et qu'elle était en sécurité. Mais, bien évidemment, cela ne se passa pas ainsi. Geoffroy débarqua dans ma chambre sans même frapper. Il comprit qu'il se passait quelque chose qui n'allait pas, sans pour autant pouvoir comprendre de quoi il en revenait. Je le lui appris en ne prononçant qu'une seule phrase : « Où est-elle ? ». Je n'eus pas besoin de disserter plus. Il comprit que je parlais de Gwenn. Il vint à ma rencontre et me prit le petit bout de papier des mains ; le petit bout de papier qui m'annonçait le départ de ma chère Gwenn vers un lieu inconnu. Il le lut, le posa sur le bureau et me dit :

_ Je pense que le mieux est d'appeler Suzanne. Elle est peut-être au courant de quelque chose qui pourrait nous mettre sur la piste de sa destination. Elle est souvent avec Gwenn.

Je le laissais sortir son portable de sa poche de jeans. Après tout, j'étais trop désorienté pour réfléchir à la moindre idée qui me permettrait de retrouver la fille que j'aimais et que j'aime toujours. Il composa le numéro de Suzanne. Elle répondit. Il la mit sur haut-parleur pour que je puisse participer et écouter la conversation. Geoffroy lui expliqua très rapidement la situation. Suzanne me questionna ensuite sur ses possibles motivations de son départ précipité. Je leur appris à tous les deux qu'on avait croisé Morgane dans l'incendie du château et qu'elle avait révélé la vérité à Gwenn sur notre ancienne relation. Il y eut un lourd silence qui s'ensuivit ces révélations. Toutefois, Suzanne finit par rompre ce silence.

_ Alors, elle est partie parce qu'elle s'est sentie trahie, conclut-elle.

_ Est-ce que tu sais où elle aurait pu aller ? lui demandai-je sans plus attendre.

_ Non, je l'ignore. Tout ce que je sais c'est qu'elle lisait et relisait énormément le journal de sa mère ces derniers temps. Elle ne le quittait presque plus depuis quelques jours ; il était toujours dans son sac au lycée. Peut-être que sa mère y a mentionné un lieu et qu'elle est partie s'y recueillir. Helgas Cowenne-Dearly était une grande voyageuse pendant une période importante de sa vie. Ses voyages lui ont appris à maîtriser ses pouvoirs et à accepter sa condition d'enchanteresse, afin de pouvoir revenir auprès de celui qu'elle aimait. Beaucoup de monde le sait. Je pense que le mieux, Nico, c'est que tu ailles voir l'ancienne meilleur amie d'Helgas. Elle en sera plus que moi sur les voyages et même sur les découvertes archéologiques d'Helgas.

_ Maintenant que tu m'y fais penser, Hedwige protège l'Oracle de Damona, dis-je. Je devrais peut-être interroger la Déesse Celte. Si elle ne peut pas me répondre, alors je ne sais pas qui pourra le faire.

_ Je pense que c'est une très bonne idée, me répliqua Suzanne avec empressement. Ne perd pas de temps. Va tout de suite la voir.

Sur ces mots, je laissai Suzanne et Geoffroy. Ils continuèrent à se parler au téléphone, mais moi, je mis mon blouson en cuire diligemment, pris la clef de ma moto, descendis les étages et sortis du Refuge en courant jusqu'à mon véhicule, l'enfourchai et démarrai en trombe. Mon impatience grandissait. Ma peur s'accroissait. Mon cœur tambourinait si fort. J'avais besoin d'elle ; j'avais besoin de Gwenn. Elle était devenue ma raison de vivre depuis trop d'années, bien avant que nos yeux se rencontrèrent pour la première fois devant le tableau d'affichage à la rentrée des classes, bien avant que je ne l'aperçus pour la première fois sur le haut des marches devant l'entrée du lycée alors qu'elle avait cessé de regarder notre meute pour rentrer dans le hall du bâtiment. Je ne pouvais la laisser me quitter après tout ce que j'avais vécu avec elle et pour elle. Je ne pouvais la laisser me quitter avec nos bons moments comme nos mauvais. Je ne pouvais la laisser me quitter à cause de tous nos baisers échangés, de notre première fois dans la cabane le soir du bal, de notre promesse de fiançailles. Pourquoi il avait fallu que Morgane nous gâche cette merveilleuse soirée qui se déroulait si bien jusqu'à ce qu'elle foute le feu et qu'elle révèle la vérité à Gwenn. Surtout que notre relation datait de plusieurs décennies ; elle avait eu le temps pour faire le deuil de notre liaison passé et de tourner la page, de refaire sa vie, mais elle ne l'avait pas fait. Ores, à ce moment, à cause de Morgane, je me retrouvai à rouler si vite sur le bitume en direction du centre ville de Karantez, que je ne fis strictement plus attention aux limitations de vitesse, ni aux potentiels dangers. Je m'étais fait flasher par un radar, mais c'était bien le cadet de mes soucis. Au vu de la situation, je doutais fort que Nitahel m'en veuille pour si peu. Je décélérai pas jusqu'au centre ville. J'arrivai extrêmement vite dans la rue de la bibliothèque. Je me garai en quatrième vitesse et courus à en perdre haleine jusque dans la bâtisse. Je montai les marches quatre à quatre. J'étais ruisselant de transpiration. J'appelai Hedwige à plein poumons pour qu'elle puisse m'entendre même si elle était au fond de l'immense salle qui servait à entreposer des milliards de livres.

Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant