Chapitre 21 : Le voyage irlandais

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(Nico)

En sortant du cours d'informatique, notre dernier cours de la journée, Geoffroy et moi, nous nous dirigeâmes tranquillement vers la sortie du bahut, parmi des centaines de lycéens brailleurs. Un véritable moulin à parole ce Geoffroy ! Sa litanie, je ne l'ai pas écouté. Peut-être qu'il le savait, peut-être pas. Mais, s'il le savait, cela ne le dérangeait certainement pas. Pas un mot, je n'ai prononcé. J'étais inquiet. Inquiet à cause de Gwenn. J'aurai préféré qu'elle n'apprenne jamais la vérité à propos de Morgane. Je savais qu'elle se serait sentie trahie. Cependant, maintenant elle était au courant et par la plus odieuse des manières. J'ignorais si elle serait encore capable de me pardonner mes erreurs, surtout celle-là, et de me refaire confiance. Mais, ce qui me terrifiait et me tourmentait le plus, c'était d'envisager qu'elle avait encore fait une bêtise, qu'elle s'était encore mise en danger. Depuis que j'avais appris à la connaître, je savais qu'elle était terriblement impulsive. C'était son plus gros défauts. Un gros défauts qui ne me faisait qu'angoisser continuellement pour elle, surtout quand elle n'était auprès de moi.

Sortis du bahut, Geoffroy et moi montions chacun sur notre moto. Il prit le temps de mettre son casque, pas moi. Je démarrais en trombe. J'avais un mauvais pressentiment. Au plus vite, je devais savoir si elle était bien rentrée. Geoffroy ne comprit peut-être pas mon empressement, mais peut-être que si. J'étais pas dans sa tête. Sur le chemin du retour, il n'avait pas réussi à me rattraper. Je fonçais à vive allure. J'en avais rien à faire que le vent et la vitesse me face lâcher quelques larmes. Mon cœur pleurait déjà à l'intérieur de moi. Je ne voulais pas la perdre encore une fois. Non, je ne le voulais pas. Pas encore.

Arrivé au Refuge, je gravissais en courant les marches, les montais trois par trois. Jamais, je n'étais arrivé si vite dans ma chambre, dans notre chambre. Je cherchais sa trace, partout. Le moindre signe de sa présence m'aurait rassuré. J'aurais même été capable d'édifier un édifice à la gloire du soulagement si j'avais pu la voir saine et sauve, ici, avec moi. Je sentais, grâce à l'odorat de loup-garou, qu'elle était passée dans la chambre, et même, dans la pièce du bureau, il y avait une ou deux heures, mais qu'elle n'était plus dans les environs. Mon cœur tambourinait dans ma cage thoracique si fortement. J'entrais dans le bureau, me rapprochais de l'endroit où son odeur était plus présente et je vis avec effroi un post-it avec un message pour moi : « Je quitte la France ! J'ai besoin de respirer ! Gwenn ». Ma respiration ne pouvait plus s'effectuer. Mes poumons se contractèrent si fort, me broyant sous une averse monstrueuse de détresse. Jamais, je n'avais ressenti une tristesse aussi forte de toute ma vie, et pourtant, Dieu savait combien de fois j'avais côtoyé la souffrance, combien de fois j'ai eu l'impression que la vie m'arrachait à vif une partie de moi-même. J'avais l'impression de mourir cette fois-ci. Je ne savais pas où elle était. Je ne savais pas si elle était en danger, si elle avait ou était agressé par des démons, je ne savais rien si ce n'était ce qu'elle avait écrit.

(Gwenn)

Jamais je n'avais pris l'avion de toute ma vie. La vue était sublime. Je traversais des rivières cotonneuses qui s'étendaient à perte de vue. Parfois, je distinguais la mer. Elle était d'un bleu si profond, si abyssal, si sombre, si beau. L'avion devait atterrir à l'aéroport de Dublin. Je n'étais pas pressée d'y être, étrangement. La tête collée contre le hublot, je contemplais la somptueuse latéralité terrienne. Qu'est-ce que la nature pouvait se montrer incroyablement magnifique !

Après une vingtaine de minutes en vol, je m'endormis profondément, jusqu'à ce qu'une hôtesse de l'air me réveilla pour me signaler qu'on était arrivé à destination et qu'on allait atterrir. Je la remerciais et m'étirais comme je pus, car mon corps était tout endolori à cause de ma position assise contrainte par le siège. Puis, ma tête se tourna vers le hublot et je contemplais attentivement tout ce qui se passait à l'extérieur. Je voyais la piste d'atterrissage qui se rapprochait de plus en plus, que le choc entre la terre ferme et l'avion se ferait très prochainement, de plus en plus prochainement, à chaque seconde qui s'égrainait, jusqu'à ce que ça arriva. Cela secoua, un peu. Me surprit, un peu. J'étais enfin en terre irlandaise et ma première pensée fût : « J'aimerai tellement que Nico soit là, avec moi. J'aurai tellement aimé vivre cela avec lui. ». Je savais qu'il serait désemparé quand il verrait afin le mot que je lui avais laissé. Mais je voulais tirer au clair le plus rapidement possible cette histoire avec Katia. Nico m'en aurait empêché, et d'ailleurs, je lui en voulais encore pour son énième mensonge. Qu'allais-je encore découvrir après ça de plus horrible encore ? J'avais besoin qu'il me prouve véritablement, et pas seulement par des mots, mais par des actions, que je pouvais avoir confiance aveuglement en lui, même si, maintenant, j'avais compris qu'il aurait toujours de lourds secrets.

Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant