Le réveil avait sonné bruyamment à mon oreille six heures du matin, afin de me rappeler que c'était la rentrée. Il fallait que je me lève de mon lit douillet, aussi difficile soit-il cet acte. J'ai toujours eu une sainte horreur du réveil. Réussissant cahin-caha à me mettre debout, je me suis dirigée vers la fenêtre pour admirer le paysage campagnard, la forêt de Brocéliande qu'on voyait se défiler au loin. Le soleil a caressé doucement mon visage de ses rayons lumineux. En ouvrant la fenêtre, une brise légère s'est introduite dans ma chambre. L'air était doux et les oiseaux chantaient de leur plus somptueuse voix. Tranquillement, je me suis étirée et mes muscles se sont désengourdis du sommeil. Je me suis préparée, après tout, c'était une rentrée des classes dans un lieu qui m'était encore inconnu. La moindre des choses était quand même de faire bonne impression. Je me suis donc mise sur mon trente et un. J'ai pris un joli pull bleu foncé, une jupe noire qui descendait au dessus des genoux et des jolies ballerines de couleur charbon dans ma penderie. J'ai détaché mes longs cheveux roux qui m'arrivaient jusqu'aux hanches. En me regardant dans le miroir qui était accroché derrière la porte de ma chambre, une fois vêtue, je me suis admirée et je me trouvais ravissante.
À l'évidence, quand je suis arrivée devant mon nouveau bahut, je ne connaissais personne, aucun visage, aucun nom. J'étais la petite nouvelle! L'établissement se nommait Richard Wagner et était construit en brique rouge avec trois étages seulement. À l'entrée, un grand escalier de marbre gris permettait d'accéder à la porte principale et de rentrer dans l'enceinte du bâtiment. En arrivant dans ces lieux, je me suis sentie à ma place. Pourquoi ? Je ne saurai vous répondre avec exactitude, mais pour la toute première fois je pouvais recommencer à zéro et omettre l'identité de mes parents. Je désirais être appréciée pour ce que je suis et pas pour le métier de mes géniteurs.
J'ai suivi les autres élèves, gravi les marches et je suis rentrée dans un grand hall avec des carreaux blancs au sol et des murs jaunes. Je me suis approchée des panneaux fixés au mur de gauche qui étaient remplis de feuilles de papiers et où étaient inscrits des tableaux et des noms. J'ai recherché mon nom et quand je l'ai enfin trouvé, mon regard s'est dirigé vers le haut de la feuille en question pour voir l'appellation de la classe dans laquelle on m'avait mise. À ma grande surprise, on nommait les classes avec des couleurs. La mienne était ''Bleu''. Puis, j'entendis des bruits de motos tonitruants provenant de dehors. J'ai fait comme les autres élèves, je suis allée voir ce qu'il se passait à l'extérieur. Dans la foule, on entendait des exclamations de surprise notamment. En bas des marches, j'ai vu un groupe de cinq personnes, sur des scooters de haute gamme, se montrant en spectacle sur la place centrale, devant l'établissement. Ce groupe-là m'avait tout l'air d'être des gens forts populaires, car tous les regards étaient rivés sur eux. Il y avait deux filles et trois gars, tous forts beaux. Le roux carotte entourait ses bras autour de la fille aux cheveux rouges, le garçon avec des lunettes et des cheveux blonds embrassa la plus belle fille, la blonde, mais celui qui avait l'air d'être le plus charismatique des cinq adolescents était le dernier, le brun à la peau bronzée, que je ne voyais que de très loin. Toutes les lycéennes ne parlaient que de lui, de son statut de célibataire éternel, de ses résultats scolaires, ... J'entendais des bribes de phrases par-ci par-là dans cette foule hystérique qui confirmaient mon sentiment premier comme :
_ ... imagines comme il doit être bon au lit ...
_ ... dommage qu'il ne veut pas choisir de petite amie ...
_ ... tu crois qu'il voudrait bien sortir avec moi si je le lui demandais ?
_ Tu t'es regardée! Même une poubelle ne voudrait pas de toi...
_ ... il ne sait que briser des cœurs, mais pour en rendre un heureux, c'est une autre histoire ...
_ ... il est toujours avec sa bande. Pour l'apprivoiser, ce n'est pas facile...
_ ... essaye de deviner qui se lance au défi de le rajouter à son tableau de chasse cette année ?
_ Toi, bien sûr Katia.
Je regardais la personne en question, une superbe et grande blonde, svelte, des longues jambes de déesse, une robe jaune poussin à froufrous ornementée de dentelles avec un décolleté en V et le tout surmonté de petites chaussures à talons. Ma première impression que j'eus sur cette personne était mauvaise, mais peut-être qu'elle était erronée. Il vaut mieux donner le bénéfice du doute que de condamner sans autre forme de procès.
En revenant à la raison, je me suis soudainement rendue compte que je n'avais pas regardé la dénomination de la salle dans laquelle je devais aller. Alors, je suis retournée vers les tableaux dans le hall, un peu difficilement, à cause des obstacles humains. Le groupe de cinq sur la place continuait leur numéro, je les entendais, mais je ne prêtais aucune attention à leur charabia. Cependant, peu de temps après, quand j'avais enfin réussi à être devant les panneaux, je vis que le beau motard brun était à mes côtés et m'observait. Mon regard fut comme happé par le sien. Je ne voyais que lui, la foule et ses bruits avaient disparu. Mon cœur battait la chamade dans ma poitrine. Une personne me bouscula dans la cohue et je revenais à la réalité. J'essayais de m'éloigner de la source qui me rendait différente et qui faisait palpiter mon cœur sans que je ne puisse expliquer la cause de ce tourment, mais il me rattrapa par le poignet.
_ Tu es nouvelle ? me questionna celui qui brisait tous les cœurs.
_ Oui, pourquoi ? dis-je en me retournant vers lui.
Je le voyais me jauger, m'analyser avec ses beaux yeux bruns, puis son regard s'était ancré profondément dans le mien.
_ Une belle fille égarée dans un coin pommé, cela n'est pas anodin.
_ Et tu es ...?
_ Nicolas Wolf, mais tout le monde m'appelle Nico. Et toi c'est...?
_ Gwenn Callas.
_ Cela te dérange si je souhaite que l'on devienne ami ?
_ Non, dis-je, mais j'espérais qu'il me laisserait un peu tranquille et ne me tournerait pas autour comme n'importe quel séducteur.
Entre nous, il y eut quelques secondes de silence où une légère gêne s'installait, mais qu'il finit par briser net.
_ Alors, tu es dans quelle classe ?
_ Bleu. Et toi ?
_ Jaune. C'est une première scientifique. En parlant de classe, je crois que ma sœur Suzanne est dans la tienne. Elle aussi, elle aime la littérature.
_ D'accord, dis-je sur un ton neutre.
_ Sérieusement, c'est quoi ton livre préféré, peut-être que je connais ?
_ Les Hauts de hurle vent d'Emily Bontë...
_ Mouais, la vengeance du gars Heathecliff ne me plait pas...
_ Catherine a fait le mauvais choix en se mariant avec Linton pour son argent au lieu de Heathecliff –ça c'est sûr - mais elle le comprend quand même à la fin. Par ailleurs, Heathecliff a perdu celle qu'il aimait, ça peut se comprendre qu'il cherche à se venger.
_ Mais qu'est-ce qui te plait, alors, dans ce livre ?
_ L'histoire d'amour entre Catherine et Heathecliff, mais également qu'il montre les conséquences que peut avoir un mariage qui n'est pas fait par amour, mais par intérêt financier. Et toi, c'est quoi ton livre favori ?
_ Le seigneur des anneaux, parce qu'il y a différentes sortes de créatures fantastiques...
_ Je suis désolée, il faut que j'y aille, le coupais-je car je voyais que les autres lycéens se dirigeaient déjà vers le grand escalier qui menait aux étages et aussi pour qu'il me lâche le poignet, ce qu'il ne fit pas tout de suite.
_ Tu vas dans quelle salle ?
_ En D211.
_ Alors je t'accompagne, ma salle n'est pas très loin.
_ D'accord.
Certes, il m'accompagna jusqu'à ma salle, me parla du fonctionnement du lycée, mais moi, je voyais surtout que la présence de cet inconnu à mes côtés rendait verte de jalousie toutes les filles. Bonjour la rentrée si je dois me mettre à dos toutes les filles de l'école en moins d'une seule journée !
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Gwenn et Nico : Les élus, Livre 1
WerewolfGwenn: une humaine (enfin c'est ce qu'elle croyait !) Nico: un loup-garou Gwenn a déménagé dans la bourgade de Karantez en Bretagne, proche de la forêt de Brocéliande, où elle ne connait personne. Perdue, elle se sent seule, jusqu'au jour où un loup...