Étoiles, petites étoiles

4 1 0
                                    

Nous roulions depuis cinq minutes. Cinq minutes qui parurent durer une éternité. Je ne pouvais chasser de mon esprit les souvenirs de Juliette, plus je tentais de faire bonne figure et de me calmer, plus j'avais envie d'éclater en sanglots. Je regardais obstinément par la vitre du véhicule. Tremblante, j'évitais de le regarder. Si je ne le voyais pas, peut-être que ce sentiment de danger s'en irait. Peut-être.

"D-désolée de... de te déranger à ce-cette heure..."

Pitoyable.
Je begayais comme si chaque son m'arrachait la gorge, essayant en vain de maîtriser ma voix afin qu'il n'y sente pas ma tristesse, et ma peur. C'était peine perdue. Je préférais m'enfermer dans le mutisme, ces efforts de communication me rendait plus ridicule que je ne l'étais, et il était inutile de vouloir cacher ma nervosité, je tremblais trop.

"Tu me dérange pas, j'avais besoin de prendre l'air de toute façon."

J'avais sursauté au son de sa voix, il arqua un sourcil face à ma réaction puis reporta son attention sur la route. Il tourna dans une rue, dans la direction opposée au chemin que nous devions prendre pour me ramener chez moi. Mon pouls s'accéléra, je regrettais déjà d'être montée dans sa voiture. À croire que j'aimais les problèmes. Je me rends compte que je suais, étais-je si nerveuse? Bien sûr, j'avais peur que ça se reproduise, après le cauchemar de cette nuit j'étais d'autant plus vulnérable à ce genre d'événement. Les souvenirs m'assaillirent en masse, j'étais sur le point de faire une crise de panique, je voulais hurler.

"T-Thibaut, articulais-je, où... Où on va? Ma maison c'est de l'... L'autre côté...
-Je sais, mais on fait un petit détour d'abord. T'es pas en état de rentrer chez toi."

J'hallucine! Au contraire! C'est maintenant qu'il faut que je rentre chez moi. Qu'est-ce qu'il fou à la fin? Et pourquoi est-ce que c'est lui que Sarah à envoyé ? Peut-être était-il le seul éveillé, ou le seul qui ai accepté. Quelques minutes plus tard, plus précisément 7 minutes et 43 secondes plus tard, il se garait devant l'entrée d'une forêt.

"Sérieusement ?"

Il ne pris même pas la peine de répondre et sortit de la voiture, il saisit quelque chose dans le coffre que je ne pu voir dans l'obscurité ambiante puis vint m'ouvrir la portière. Je sortis à contre-cœur, à moitié ravie de sentir l'air frais de la nuit sur mon visage. La fraîcheur et l'air forestier me calmèrent un peu, mais je restais néanmoins sur mes gardes.
Mon kidnappeur sortit une lampe torche du sac qu'il avait dû sortir du coffre plus tôt. Il éclaira le chemin tandis que je restais derrière lui. Si j'avais peur de lui, j'avais encore plus peur de me retrouver seule dans cette forêt inconnue. Nous ne marchâmes pas longtemps avant qu'il ne s'arrête devant un énorme rocher qui semblait taillé en forme d'assise. Le dessus était plat, recouvert de mousse, et on pouvait y trouver une sorte de dossier, si on le comparait à une chaise, qui était quelque peu incliné. La forme était incongrue, mais le tout semblait presque confortable. Il n'y avait, tout au plus, de place que pour deux personnes assises. Je me tournais vers mon chauffeur d'une nuit, lequel était désormais derrière moi, attendant une réaction de sa part. Or, occupé qu'il était à fouiller dans son sac, il ne faisait plus attention à moi. Génial. J'en étais presque vexée. Il m'amène jusque ici et continue de m'ignorer. Peut-être suis-je celle qui l'ignore, alors il me laisse en paix... Il faut dire que j'ai passé la journée d'hier à l'ignorer au bahut.
Finalement, il ne sortit rien de son sac.

"Tu... Tu as perdu... quelque chose? demandais-je
- Non, je vérifiais justement que tout était à sa place.
- Ah ok..."

Ah ok? AH OK?! C'est tout ce que tu as trouvé à dire? Ridicule... T'es tombée bien bas ma fille.

Je sursautai et eu un mouvement de recul lorsqu'il s'avança vers moi pour me prendre par la taille. Je retins un cri tandis que mon cœur cessait de battre. Il paru s'étonner de ma réaction, recula en me jaugeant. Ses mains pourtant toujours sur ma taille, je tremblais comme une feuille, non pas à cause du froid, mais parce que des images tournaient en boucle dans ma tête, des images horribles, des souvenirs.

"Je ne vais pas te manger... puis après un instant de silence : ferme les yeux, respire! Sérieux Lucie, pourquoi tu panique? Je fais si peur que ça ?"

Je ne pouvais parler, ma gorge serrée m'en empêchait, et puis qu'aurais-je pu dire? Non ce n'est pas toi personnellement, mais depuis ce qui s'est passé en juillet je ne peux plus faire confiance à personne, j'ai peur du moindre bruit parce que le moindre bruit me rappelle ce que j'ai vécu durant ces deux semaines interminables. Je sentis mes yeux et joues me brûler, retins les larmes comme je pus, mais il faut avouer que je n'excellais pas dans cette discipline.

"L-lâche, lâche-moi s'il te plaît...parvins-je enfin à articuler, d'une voix brisée
- Pas tout de suite, ferme les yeux. murmura-t-il"

J'obtempérais difficilement, tremblant de plus belle, la respiration courte, j'haletais. Je sentis soudain une pression sur ma taille et mes pieds quittèrent le sol. Cette fois, je ne pus retenir le cri qui s'élevait de ma poitrine, les mains crispées sur les bras de Thibaut qui me soulevaient avant de sentir quelque chose de mou et humide sous mes fesses. Émue, je n'osais ouvrir les yeux, je ne lâchais pas ses bras.

"Ouvre les yeux..."

J'obéissai, et cette fois, ce ne fut pas par la peur que j'eus le souffle coupé. Je lâchais finalement Thibaut qui avait déjà retiré ses mains, il se recula pour me dévoiler le spectacle dans son intégralité. Devant moi, derrière les arbres qui s'écartaient pour ouvrir une fenêtre sur la ville, s'étendait un panorama nocturne époustouflant. C'était la première fois que j'observais une ville de nuit, de loin. Au cœur de la nature, j'accédais à une toute nouvelle perspective sur les toits en contre bas. Une larme coula sur ma joue, je ne tentais pas de la réprimer... Cela soulageait. Pour la première fois depuis plusieurs mois, un étrange sentiment de paix m'envahit, pendant une seconde. Le monde s'étendait au delà de ma propre personne.
Pourtant lorsque Thibaut vint s'installer près de moi sur le rocher, mes tremblements reprirent, et sa proximité me rapella tout ce que le panorama m'avait fait oublié un instant plus tôt.

"C'est magnifique... dis-je simplement"

Si seulement tu étais là...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant