Chamallow ?

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Il faisait nuit, une nuit de fin d'été, pas froide, mais assez fraîche pour vous faire frissonner. À tel point que j'en oubliai la raison de mes tremblements, enfin presque. La sueur dans mon dos par cette soirée me frigorifiait, le temps était doux pourtant. La présence de Thibaut à mes côtes n'arrangeait rien. Le rocher était à peine assez grand pour éviter de se toucher, mais pas de s'effleurer. Et il faut dire que je tremblais tellement que nos bras ne cessaient d'entrer en contact, ce qui me forçait à réprimer convulsions et cris de panique.

"Est-est-ce que tu peux me raccompagner ch-chez moi s'il te plaît ?
- Je pensais que tu te serais sentie mieux avec ça, fit-il en désignant le paysage s'étendant devant nous, m'enfin faut croire qu'y a qu'à moi que ça fait de l'effet.
- Je... J'ai froid, et on a cours d-demain...
- Ouais"
Il sauta à terre, je fis de même, avec moins d'énergie. Au moment de me réceptionner, mes genoux manquèrent de me lâcher. Il se précipita pour me récupérer mais me retint au rocher et le relevai avant qu'il n'ai le temps de me toucher. Le trajet jusqu'à sa voiture parut plus court qu'à l'aller. Je cherchai intérieurement ce qui clochait, pourquoi j'étais si tendue, (dire que j'étais tendue est un euphémisme, j'étais au bord de la crise d'angoisse), pourquoi je me sentais encore plus en danger, maintenant, avec lui, que quand j'étais seule. Peut-être que lorsque j'étais seule, au moins, la sensation de danger n'avait pas d'image, pas d'influence physique. Sûrement était-ce seulement la compagnie d'un garçon qui me dérangeait, pas juste lui. J'essayais de me convaincre que le problème venait de moi, du traumatisme, en vain. Quelque chose chez lui me flanquait la trouille, plus que chez les autres.
Une chose était sûre, j'avais tant tremblé que je tombrais de sommeil à l'instant même où mon corps touchera mon lit, ce que je fis, non sans gratitude pour ces dernières heures de sommeil. C'est étrange, mais j'aimais ça, m'endormir de fatigue, quand mon corps vidé ne supporte plus les aléas du psyché et plonge dans un sommeil sans rêve, sans cauchemar. Parfois, quand c'est trop dur de dormir, je déclenche une mini crise, comme ça une ou deux heures plus tard, parfois plus tôt, je sombre, je sens mon corps m'échapper et me tirer vers les abysses de la nuit. Ça fait du bien, de sentir son corps se détendre et son esprit s'embuer. Plus de problèmes, plus de tremblements, et pendant l'espace de quelques minutes, juste le calme soudain qui nous envahit.
Cette nuit là, quand Thibaut m'a déposée devant chez moi, j'avais l'esprit vide, je dormais déjà, mais les yeux ouverts. Je ne me souviens même pas ce qui s'est passé entre le moment où nous marchions dans les bois et celui où je me suis affalée sur le lit. Je ne me souviens pas avoir atteint la voiture, ni avoir roulé jusqu'à la maison, je ne me souviens pas non plus de l'avoir remercié en sortant de la voiture, ni d'être rentrée, je ne sais même pas comment je suis rentrée. Je sais juste qu'à un moment j'étais dans le parc, la forêt, ou quoi que ce fut, et l'instant d'après des couvertures chaudes me recouvraient, mes couvertures chaudes.

En me réveillant, le lendemain matin, j'avais oublié cet épisode, des bribes m'en revenaient tandis que je me lavais, déjeunais puis m'habillais.
"C'est mignon tes cheveux, avait-il dit, on dirait un chamallow."
J'examinais la mèche rose clair de mes cheveux.
"Un chamallow ?" je n'avais pas regardé vers lui, et sur le moment j'ai seulement entendu le mit chamallow
"Ouais, ton visage aussi, en fait tu ressembles à un paquet de chamallow" et il avait éclaté de rire, moi pas.
Un chamallow ? Nous n'avions rien dit d'autre. Sous-entendait-il que j'étais grosse? Certes sa copine n'était pas très en chair mais j'étais de loin plus fine qu'elle, cela m'inquiétait même parfois. Mais pas autant que cela inquiétait les médecins, et mes parents. Alors quoi? Si je n'étais pas grosse pourquoi ressemblais-je à un chamallow? En parlant de mes cheveux il avait dû faire référence à ces bonbons roses que l'on trouve dans les paquets blancs et roses, la couleur n'était pas semblable, mais pour un homme la différence était minime, je suppose. Paquet blanc et rose? Alors c'est à ce paquet qu'il faisait référence, rose pour mes cheveux, blanc pour la peau... Je me serais plutôt comparée à un zombie qu'un chamallow cependant. Bien que je n'avais pas le teint maladif, ma peau aurait du avoir des teintes plus dorées.
Ce type était vraiment bizarre! Je ne comprends pas ma réaction sérieusement. Il a été gentil, tenté de me réconforter et à accepter de me reconduire chez moi au beau milieu de la nuit sans poser de question. Au bahut non plus, il n'a rien fait de mal. Pourtant quelque chose en lui me serre de l'intérieur, comme si je ne pouvais plus respirer, et je m'affole. Ne vous méprenez pas, j'ai déjà été amoureuse, et ce n'est pas ce genre de sentiments qu'on éprouve. Là ce n'est pas agréable. Pas du tout. C'est suffoquant, insupportable. Comme si j'étais de retour là-bas.
Je secouais la tête vivement pour chasser les images qui m'assaillaient. Je me faisais des idées sur lui, le jugeais sans même le connaître à cause d'un foutu traumatisme. Je ne pouvais pas décider qu'il était le mal en personne après une journée, et juste parce que j'ai peur des autres.

Si seulement tu étais là...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant