Smoothie et compagnie

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      Le Fruity'Boum! était blindé, à chaque table discutait un groupe de jeunes tandis que des hommes et femmes d'affaires venaient chercher leurs boissons pré-commandées avant d'aller bosser. C'était étrange de voir un café, ou plutôt bar à smoothie, plein de si bon matin. En général ce genre d'établissement ne sont peuplés le matin que de quelques habitués seuls qui sirôtent leur café en lisant les nouvelles. Je compris très vite la raison de ce monde lorsque mon smoothie arriva. J'en eu l'eau à la bouche.

"C'est ça un smoothie chez vous? demandais-je à Sarah qui m'avait amenée ici
- Oui m'dame ! Enfin ça, c'est les smoothies du Fruity'Boum, je te jure c'est génial ici, les serveurs sont super sympas, et canon, ajoura-t-elle moins fort avec un clin d'œil, et leurs fruits sont bio et frais. Le meilleur? Ils sont généreux en quantité ! Et sur les prix aussi, pour du bio dans un aussi grand verre tu paierais plus cher n'importe où ailleurs. Aller goûte!"

      Elle frétillait d'impatience sur sa banquette. Assise face à moi, elle attendait que je goûte la mixture que j'avais commandé : le Check ton body. Jeu de mot entre l'expression "shake ton body" (venant tout droit d'une parodie française de chanson américaine) et l'anglicisme Checker qui signifier en quelque sorte vérifier, valider. Le nom insinuait donc que la boisson devait prendre soin de mon corps, l'entretenir. Le bar proposait un menu contenant uniquement les noms des boissons pour les nouveaux clients qui voulaient un peu "d'aventure".
      Personnellement, être dans un endroit où il y avait tant de monde me repaissait déjà de mon lot d'aventure annuel. J'étais nerveuse, et scrutait régulièrement la porte de sortie, laquelle se trouvait à l'autre bout de la grande pièce puisque Sarah avait sa table habituelle. Loin de toute sortie possible. Je tentais de refouler le flot de panique qui ensevelissait ma poitrine pour me concentrer uniquement sur le smoothie. J'avais la gorge si serrée par le stress que je fus déglutir plusieurs fois avant de pouvoir approcher les lèvres de la paille.
      Lorsque j'aspirais le liquide jaune, un filet de jus frais et acidulé vint pivoter mes papilles, j'oubliais alors mes réticences et aspirait de longues gorgées du liquide sucré. Je pus reconnaître le citron, et l'ananas. Également quelques notes de banane, ce qui m'étonna, la banane n'était habituellement pas couplée au citron ou à l'ananas. La noix de coco aurait été plus prévisible, je fus surprise de ne point en trouver. Des graines de chia nageaient dans le smoothie, donnant à ce dernier une texture plus "ludique". Je jouais à croquer une graine qui dansait entre mes dents et ma langue quand Sarah m'interrompu.

"Alors? Ça pète hein?
- Ouais, je n'ai pas tout reconnu mais j'adore, citron ananas c'est béton !
- Béton ?
- Génial, c'est une expression qu'on utilise avec des copines, enfin... Utilisais...
Je fixais désormais mon jus acidulé dont les reminiscences me piquaient encore la langue. Je n'avais plus très faim.
- T'inquiète ! Tu vas t'en faire d'autres des copines ! Un changement de bahut c'est pas la mort! Et puis, tu m'as déjà moi!
Elle rejeta ses cheveux violacés vers l'arrière d'un mouvement de poignet plein... D'humilité. Elle ne pouvait pas comprendre, mais elle essayait de me remonter le moral, et je lui en fus reconnaissante. Je décidais donc d'adopter le ton de la moquerie.
- J'espère que je ne vais pas devoir me contenter de ... Ça...
- Eh oh ma p'tite ! Fais gaffe à tes fesses! Critique la Queen et tu paye mon smoothie.
- Oh non! Par pitié pardonnez moi, je ne recommencerai plus! implorai-je dramatiquement
- Tu as de la chance, je suis d'humeur bienveillante."

      Elle éclata de rire, son rire bien que communicatif ne su me dérider vraiment. Mais j'étais plus détendue maintenant, j'en avais presque oublié le monde autour de nous, presque. Elle parut intriguée par le fait que je délire avec elle sans rire après coup, peut-être cru-t-elle que j'étais sérieuse, en tout cas, elle ne laissa pas ses pensées transparaître.

      Cela faisait un moment que nous étions assises en silence, le bruit environnant couvrait nos voix et rendait toute communication impossible. Elle pianotait sur son smartphone tranquillement en sirotant son smoothie aux fruits rouges. Bien sûr, par "fruits rouges", ils n'entendaient pas juste la famille de baies à laquelle nous donnions conventionnellement ce titre. Non, ils entendaient un mélange de différents fruits à la couleur rouge. J'avais goûté quelques gorgées, son Red Chérie avait un goût plus sucré que le mien, et légèrement moins acide, mais tout aussi bon et addictif. J'en étais déjà à mon deuxième breuvage lorsqu'elle pris mon téléphone posé près de mon verre pour y entrer son numéro avant de me le rendre. J'avais un nouveau message :

La fille trop canon assise face à toi : Ça sera plus simple pour parler! :D
Je pouffais légèrement en voyant le nom qu'elle s'était donné.
Moi : Je me demandais pourquoi tu avais pris tant de temps à me rendre mon tél, je comprends mieux :P
La fille trop canon assise en face de toi: Bah quoi? Je ne vois pas d'autre façon de m'appeler 😎
Je pris un peu de temps avant de répondre, je modifiais son nom.
Moi: C'est mieux comme ça ^.^
Cheveux-violets : Tu as changé mon nom? T'as mis quoi? T'as choisis "La Queen" j'espère !
Moi: ... Oui...
J'en profitais pour ajouter un détail à son nouveau nom.
Cheveux-violets (aka "La Queen"): Montre!
     Elle me pris mon téléphone et éclata de rire, j'aurais cru qu'elle serait vexée mais non, elle adorait. Le brouhaha diminuait. Je lui souris quand deux filles de notre âge s'approchèrent de notre table. Instantanément, tout le stress que j'avais oublié remonta à la surface, ma poitrine était lourde,  les deux filles me fixaient, gênées.

"Excuse-moi... commença l'une d'elles avec de longs cheveux bruns et lisses
- Oui? Sarah répondit à ma place mais elles ne la regardaient qu'à peine
- Dis... On se serait pas déjà vu quelque part?
- Ça m'étonnerait... je fis un gros effort pour lui répondre, j'avais trop chaud tout d'un coup, je pris mon verre et remarquai que ma main tremblait, je bus
- Désolée je dois avoir l'air bizarre mais je suis sûre que je te connais.
- C'est elle je te dis! murmura sa copine
- Mais arrête ! Qu'est-ce que t'en sais?
- Vous avez fini vote char? Sarah commençait à s'impatienter et moi aussi
La copine leva ses yeux marrons au ciel en soupirant, avant de me demander de but en blanc :
- C'était pas toi la fille sur les journaux cet été ? Tu sais celle dont toutes les copines ont été tuées et tout!
Sarah leva un sourcil, j'étouffais. Pas ça, pitié pas ça... Je ne voulais pas m'en souvenir, je me recroquevillai sur ma banquette, je ne buvais même plus mon smoothie, je tremblait trop.
- Dégagez! C'est pas elle, la preuve, je suis sa copine et je suis pas morte, arrêtez d'emmerder les gens."

      Sarah s'était montrée froide et autoritaire, elle les aurait presque insultées. Les deux filles furent si choquées de sa réaction qu'elles partirent sans demander leur reste.
      Une fois qu'elles furent parties, Sarah soupira. Avant de se tourner vers moi.

"Tu veux venir chez moi?"

Si seulement tu étais là...Où les histoires vivent. Découvrez maintenant