Chapitre 8

458 96 4
                                    

Nala resta silencieuse pendant très longtemps. Pas un silence songeur, ou boudeur, oh non. C'était l'accalmie avant la tempête, l'œil du cyclone.

Je voyais ma meilleure amie se transformer en volcan, paisible si on le regardait de loin, mais sous lequel s'accumulaient des tonnes de pression, jusqu'à ce que, finalement, il explose et fasse des milliers de victimes autour de lui.

Nous ne déplorerions peut-être pas autant de morts, mais je commençais sérieusement à m'inquiéter pour mon propre bien-être et celui de Dylan, qui soit dit en passant, redoublait d'inventivité pour changer les idées à Nala, alors que nous vadrouillons entre les stands.

Mais c'était peine perdue. Elle restait inhabituellement et effroyablement calme.

Alors que je tripotai sans grand intérêt un bracelet brésilien, je lui jetai un coup d'oeil oblique.

Elle avait les bras croisés, les yeux dans le vague, très loin devant elle, et oh ! Très mauvais signe, ses lèvres ne formaient plus qu'une fine ligne blanche.

Je pris mon courage à deux mains et m'approchai d'elle. Je posai une main sur son épaule et elle sursauta, comme si elle venait juste de se rendre compte qu'elle se trouvait parmi nous, dans la rue, et pas seule dans sa chambre.

Ses lèvres se rétrécirent un peu plus et elle plissa les yeux.

Pendant deux secondes, je restai trop pétrifiée pour esquisser un seul mouvement. J'avais déjà vu Nala en colère, un nombre incalculable de fois, même, mais cette colère n'était jamais retournée contre moi.

Elle finit par me devancer:

-Quoi ?

Pour la première fois de ma vie, je fus heureuse d'être sourde. Je ne pouvais entendre le ton acide qu'elle avait employé, et pourtant sa venimosité m'avait atteint comme une onde de choc.

Je reculai d'un pas.

-Je... tu es bizarre depuis qu'on a quitté le bar, ça va ?

Elle me fixa quelques instants, et je sus qu'elle bataillait avec sa réponse. Elle se demandait si elle devait me jeter mes quatre vérités en face, ou prendre des gants.

-Tu le sais très bien. Ne fais pas comme si tu ne savais pas, Lou, je pense être assez en colère comme ça.

Je croisai les bras, puis les relâchai quand je voulus reprendre la parole :

-Quoi, c'est parce que Théo t'a empêché de venir m'aider ?

Sa fureur explosa, exactement comme je l'avais prévu, sauf que j'aurais préféré que ça soit au mobile home, et pas au beau milieu d'une rue touristique de Lacanau.

-Alors tu l'as vu ! Tu l'as vu et tu n'as rien dit ! Ce type m'a retenue alors que je devais venir t'aider, c'est mon devoir, depuis qu'on se connaît ! Je dois veiller sur toi !

J'écartai les bras en signe d'apaisement.

-Mais Lionne Noire, je me suis très bien débrouillée ! Je n'ai pas toujours besoin que tu viennes à mon secours, dans certaines situations je peux gérer toute seule !

-... Et l'autre là, continua-t-elle comme si je n'essayais pas désespérément de lui parler, il se permet d'agir avec moi comme ça, comme s'il te connaissait mieux que moi, comme s'il était plus sage que moi ! Mais pour qui il se prend, ce mec ?

Plusieurs touristes se tournèrent vers nous, interloqués, et je me tassai sur moi-même. Je cherchai Dylan du regard, mais il avait mystérieusement disparu avec Sam.

Je ne veux pas oublier le bruit que tu as fait en partantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant