Chapitre 12

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J'étais assise devant ma fenêtre et pour une fois, je ne peignais pas. La lumière d'un lampadaire éclairait ma chambre d'une très faible clarté et je restai les yeux rivés sur mon jardin, déjà recouvert d'une fine couche de neige. Les gros flocons tombaient drus depuis dix minutes, et personne ne savait qu'il neigeait, en cette fin décembre, sauf moi qui ne dormait pas.

La nuit était déjà bien avancée et plus le temps passait, plus le paysage changeait.

Le jardin était plongé dans une atmosphère fantastique, enveloppé d'une lueur bleutée, fantomatique, et pour une fois, je savourai vraiment le silence. Il s'enfonçait en moi, lourd mais bienveillant, apaisant. Comme si le temps s'était arrêté. Même le vent semblait s'être retiré, comme s'il avait acceptait pour une fois de retenir ses instincts indomptables, afin que je puisse profiter de cet instant paisible.

Je m'enfonçais un peu plus confortablement dans mon fauteuil et pressait la couverture en polaire autour de mes épaules. Un sourire joyeux s'étira sur mes lèvres.

La neige ne fondrait pas. Et elle ne cessait toujours pas de tomber. Cette pluie blanche était tellement plus pour moi que l'assurance d'un lendemain sans école.

La neige était pour moi symbole d'espoir. Là, assise devant ma fenêtre, devant un paysage que je voyais tous les jours et qui ne changeait normalement jamais, j'avais l'impression que mon univers avait enfin cessé d'exister, et qu'un nouveau était née, immaculé, vierge et pure, encore épargné par les souillures de l'existence. Comme si sous cette couche de neige attendait patiemment un nouveau départ rien que pour moi, que je pourrais peindre à mon goût. Où je pourrais être celle que j'aurais voulu être, faire les choses que j'aurais voulu faire.

Je clignai plusieurs fois des yeux en sortant de ma rêverie, puis m'étirai langoureusement, me délectant de la merveilleuse euphorie dans laquelle j'étais confortablement drapée.

Je me sentais... vivante.

Mon regard tomba sur le portrait de Sam. Il était sec depuis des lustres, mais je n'arrivais pas à me décider à le ranger. J'avais peur de clore cette partie de ma vie. S'il atterrissait dans mon placard, je devrais définitivement tourner la page sur ces vacances, les considérer comme de bons souvenirs, et non plus comme un passé qui ouvrait sur un future où tout était encore possible. Où Théo était encore présent.

Je détournai les yeux et les posai à nouveau sur le carreau givré de ma fenêtre, soupirant d'aise en sentant la vague de bien-être m'envahir.

Peu m'importait Théo pour le moment. Peu m'importait l'école ou le bac que je devrais passer dans quelques mois. Tout ce qui importait, c'était que je profite de l'instant présent, loin, loin de la dure réalité de la vie qui attendait vicieusement de reprendre ses droits. Il me fallait juste jouir de la magie de ce moment si rare.

Presque quatre mois avaient passé depuis la rentrée. Celle-ci s'était dévoilée sans surprise, à part la bonne nouvelle que Maxime avait eu son bac et n'avait donc pas redoublé sa Terminal. Je devais être aussi heureuse que lui de sa réussite. Mais pas forcément pour les mêmes raisons. J'étais beaucoup plus à l'aise lorsque je me levais le matin et que je me rappelais que mon persécuteur avait définitivement disparu de mon existence.

Je n'avais plus peint depuis le portrait de Sam. Pas que je n'avais pas eu le temps. Mais mon envie s'était faite moins pressante, moins vitale que d'habitude. J'avais souvent des périodes ou ma créativité était au point mort, mais ça ne me préoccupait pas tant que ça. Je savais qu'à un moment ou à un autre, inévitablement elle reviendrait. Et puis, Mamou ne me laissait objectivement pas le temps de me préoccuper pour quoique ce soit. Chaque minute de mon temps libre était employé à m'apprendre à m'exprimer.

Je ne veux pas oublier le bruit que tu as fait en partantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant