Chapitre 20

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Je restai immobile, sans lui répondre, le visage inexpressif. Je ne savais pas quoi penser et j'avoue que j'étais encore très, très en colère. J'avais envie de lui balancer au visage : tu crois que je suis à ta disposition ? Tu crois que je n'ai que ça à faire de venir quand tu en as envie et d'attendre que tu me recontacte quand toi ça te chante ?

Mais je restai coite, incapable de sortir ces mots. Ça n'avait jamais été mon genre d'attaquer, et je n'étais même pas bonne en défense. Le mieux pour moi était de me taire et d'attendre qu'il s'explique. Si explication il y avait, ce que je doutais fortement.

Je jetai un coup d'œil à mon taxi. Il suivit mon regard. Je décidai que s'il ne me donnait pas dans les trente secondes une raison pour son silence radio de ces deux dernières semaines, c'était qu'il ne me méritait pas. Je reprendrai alors le taxi et rentrerai chez moi relever Nala de ses fonctions.

Et je passerai à autre chose, définitivement.

Je m'apprêtais à partir quand il soupira et passa une main dans ses cheveux. Il avait l'air de ne pas savoir par où commencer.

- Louanne, je suis désolé de ne pas t'avoir contacté plus tôt.

C'était un bon début, pensai-je. Je décidai de lui laisser une chance de s'exprimer. Après tout je n'étais pas sa petite amie et il pouvait légitimement penser qu'il n'avait pas de compte à me rendre.

- Je n'ai aucune excuse valable à te donner... pas en paroles, en tout cas. Et je pense que de toute façon tu ne m'écouterais pas.

Je pris la parole pour la première fois.

- Ça n'est pas vrai. Je suis prête à t'écouter jusqu'au bout.

Il me fixa d'un air impénétrable. Puis, d'un geste souple il se retourna et sortit comme par magie un deuxième casque. Je haussai les sourcils de surprise.

- Comme je te l'ai dit, ce serait inutile que je te donne des excuses verbales. Ça ne mènerait à rien et j'aurais l'air d'essayer de me justifier. Par contre, j'aimerais te montrer quelque chose. Et si tu acceptes de m'accompagner j'espère que tu ne le regretteras pas.

Je le regardai comme s'il était fou. Il croyait vraiment que j'allais monter avec lui sur son engin de mort et le suivre je ne sais où pour qu'il me montre quelque chose ? Il me prenait pour la dernière des blondes naïves ?

Je m'apprêtais à lui poser la question quand quelque chose me retint. Appelez cela comme vous le voulez, l'instinct, une prémonition, un doute que sais-je. J'étais indécise. Et une petite voix intérieure me soufflait que je devais mettre de côté mes appréhensions et sauter le pas. En fait, malgré toutes mes protestations intérieures, je mourrais d'envie de prendre ce casque et de voir où il allait me mener.

Je soupirai profondément et secouai la tête. Il fallait que je me protège de moi-même.

Je le dépassai et me dirigeai vers mon taxi. Je ne me retournai pas pour voir s'il me suivait. Je vins du côté conducteur et toquai à la vitre. Le chauffeur la baissa et je me penchai à sa hauteur.

- Vous pouvez y aller, j'ai un moyen de rentrer chez moi.

Mais il fallait aussi que je prenne des risques et c'est ce que je comptais faire.

Le chauffeur hocha la tête et me souhaita une bonne soirée. Je me retournai en inspirant profondément alors que la voiture s'éloignait dans mon dos.

Théo était toujours là, un casque dans chaque main. Il attendait. Je me dirigeai vers lui et tendit la main sans un mot. Il me donna un casque et je l'enfilai en me demandant ce que j'étais en train de faire. Je n'avais jamais pris une telle décision. Suivre un quasi inconnu sur sa moto pour qu'il me montre soi-disant quelque chose ? Ce n'était pas moi. Pas moi du tout. Mais après tout qui étais-je réellement ? L'ancienne Louanne n'était-elle pas morte depuis quelque temps ?

Théo enfourcha sa moto et je l'imitai, non sans difficulté. L'engin était immense. J'avais beau être grande, il me fallut m'y prendre à deux fois avant de réussir à monter à mon tour. Je ne savais pas quoi faire après ça. M'accrocher à quoi ? me pencher comment ? Je n'étais jamais monté sur un deux roues et je vous avoue que ça n'avait jamais été un rêve caché.

Théo dut sentir mon malaise car il se retourna légèrement et me sourit. Il me prit les mains et les passa autour de son torse fin et musclé. Je déglutis, non sans difficulté. Je n'avais jamais été aussi proche de lui.

- Accroche-toi bien, me conseilla-t-il avant de se retourner et de baisser la visière de son casque.

J'obtempérai immédiatement et le serrai de toutes mes forces. Je le sentis rire. Il se retourna et releva à nouveau la visière opaque de son casque noir.

- Ne m'étouffe pas non plus.

- Pardon, marmonnai-je en desserrant un peu mon étreinte.

Il se détourna en riant et démarra son engin.

Nous fîmes demi-tour et il partit à toute allure sur la route principale. Je posai ma tête sur son dos et fermai les yeux. Malgré tout ce que je voulais bien me faire croire j'adorais être là. Je pouvais sentir l'adrénaline courir dans mes veines, l'appel de la vitesse faire frémir mes membres d'excitation. Je n'avais jamais ressenti une telle sensation de liberté de toute ma vie. C'était grisant au possible.

Le trajet ne dura pas très longtemps. Pourtant Théo n'alla pas vite, respectant scrupuleusement les limitations de vitesse. Peut-être avait-il peur de m'effrayer. Mais moi au contraire j'aurais aimé rouler à toute vitesse. Je n'aurais jamais pensé qu'être sur une moto pouvait procurer une telle joie. Je me sentais vraiment bien là, collé contre lui et roulant à travers Bordeaux sur un deux roues.

Nous ralentîmes tout à coup et je relevai la tête. J'eu un mouvement de recul. Nous étions devant le Centre Hospitalier Universitaire de Bordeaux.

Jamais ô grand jamais je n'aurais pensé qu'il m'amènerait à l'hôpital. Mais que comptait-il me montrer, bon sang ?

Il se gara sur une place du parking du CHU et calla sa moto avec la béquille puis il en descendit.

Il m'aida à faire de même et je retirai le casque. Je me retournai vers lui, débordant de curiosité.

- Pourquoi sommes-nous ici ?

Il me lança un sourire énigmatique et me tendit la main.

- Tu vas voir.

Je regardai sa main comme si elle allait me mordre. Puis sans réfléchir je callai la mienne dans la sienne. Elle était chaude et calleuse, contrairement à ma peau qui devait être moite et n'avait jamais connu de travaux physiques. Il ne me fit aucune remarque. J'avalai ma salive en essayant de paraître naturelle. Peine perdue. J'étais complètement perturbée par ce contact anodin.

Il s'avança vers l'entrée et je le suivis sans chercher à comprendre. J'étais toujours concentrée sur nos mains liées ensemble. Nous traversâmes le hall d'entrée et passâmes sans nous arrêter devant la secrétaire qui nous lança un sourire. Théo lui dit quelque chose que je ne pus voir et nous nous dirigeâmes vers l'ascenseur. Il appuya sur le bouton du bon étage et je regardai sur la feuille plastifiée à quoi il correspondait : Service pneumologie.

Tout cela était de plus en plus mystérieux.

Nous attendîmes en silence que la porte s'ouvre puis nous nous dirigeâmes vers la gauche. Nous marchâmes sur quelques mètres puis il s'arrêta devant une chambre qui ressemblait à toutes les autres.

Il lâcha ma main et toqua contre le battant. Il attendit une seconde puis tourna la poignée. Je sentis mon ventre se retourner sous l'effet de l'appréhension.

Il se poussa pour me laisser passer. J'entrai dans la pièce, non sans lui lancer un regard interrogateur. Ce que je remarquai en premier ce fut le nombre de roses rouges qu'il y avait dans la pièce. Puis ce fut le lit. Puis la jeune femme à l'air épuisé et aux nombreux fils reliés à des machines effrayantes qui était allongée dessus. Elle avait la peau mât comme Théo et des cheveux noir tressés qui lui arrivaient aux épaules. Et je ne pus m'empêcher de remarquer qu'elle avait le regard vert émeraude.

Je restai figée à la regarder et elle me sourit d'un air bienveillant.

Théo me dépassa et vint l'embrasser sur la joue. Puis il se tourna vers moi.

- Morah, je te présente Louanne. Louanne, voici Morah, ma grande sœur.

Je ne veux pas oublier le bruit que tu as fait en partantOù les histoires vivent. Découvrez maintenant