RUSSIAN MAFIA - Édité chez BMR

Une Malheureuse Injustice [C]

PDV Mirko

Lorsque j'ouvre les yeux ce matin-là, il me faut quelques minutes pour émerger du brouillard qui peuple mon cerveau. Merde, je n'aurais jamais dû boire autant hier soir... À ce rythme, c'est Varlam qui va finir par me tuer, et non l'inverse.

La veille, nous sommes allés assister à un tournoi de combats clandestins en périphérie de la ville, dans l'un de nos entrepôts. Ces tournois rapportent peu d'argent, mais ils sont une véritable source de distraction pour les hommes de la Bratva. C'est d'ailleurs sur l'un de ces rings que j'ai commencé mon infiltration. Varlam étant un fervent spectateur de ces combats, il n'a pas fallu longtemps pour qu'il me remarque parmi les autres combattants.

Quelques semaines après l'un de mes plus violents tournois, il est venu me voir pour me proposer de rejoindre la Bratva. Je me souviens parfaitement de ce soir-là...

***

Le souffle encore court, je défais les bandes ensanglantées qui entourent mes poings. La sueur continue de perler sur mon torse nu. Dans la salle, la clameur ne s'est pas calmée. Le prochain combat s'annonce palpitant car il oppose deux gradés de la Bratva bien connus ici. L'entrepôt est plein de mafieux en mal d'adrénaline. Normalement, les outsiders dans mon genre n'ont pas accès à ces combats entre membres de l'organisation criminelle. Sauf si un haut-gradé autorise le combattant à participer. Dans quel but ? L'observer, voir de quoi il est fait. S'il peut être recruté par la Bratva.

Cela fait deux semaines que je suis entré dans ce cercle restreint de cibles désignées pour la Bratva. A chaque combat, je suis évalué. Et je sais que je parais prometteur. Après six mois à user mes poings sur les rings, je n'ai perdu aucun combat. Je vais être approché, ça ne fait aucun doute. La question est : quand ?

Malgré mon entrainement, les adversaires que je rencontre sont de plus en plus forts. Ma longue série de victoire ne durera pas éternellement. Or, j'ai besoin d'entrer dans la Bratva. Pour la mission.

Récupérant mon sac posé contre un mur, j'y enfourne mes bandes. Alors que j'enfile un tee-shirt propre, un mouvement en périphérie de ma vision m'alerte. Un homme est nonchalamment appuyé contre le mur, quelques mètres plus loin. De ce que je peux voir, sa stature est assez impressionnante. Faisant comme si de rien n'était, je termine de me rhabiller et attrape mon sac.

Je ne fais qu'un pas. L'ombre se met en travers de mon chemin. Je reconnais sans peine son visage, pour l'avoir mémorisé dans les moindres détails. Et son sourire tordu est un élément qui ne trompe pas.

Varlam Azarov.

– Tu te bats bien. Pour quelqu'un qui sort des quartiers pauvres, attaque-t-il, cherchant à me provoquer avec son sourire narquois.

– On n'a pas tellement le choix pour survivre. Dans les quartiers pauvres.

J'insiste particulièrement sur la fin de ma phrase, et réajuste le sac sur mon épaule dans une attitude nonchalante. Le menton levé, je toise le mafieux, faisant comme si je n'avais aucune idée de son identité. Et effectivement, c'est la première fois qu'Alexei Lobatchi est confronté à Varlam Azarov. Je ne l'ai jamais vu rôder autour des combats. Mais il semble évident qu'il était là tout ce temps.

– Alexei Lobatchi, c'est ça ? poursuit Varlam, pas perturbé par mon attitude.

Je hoche la tête. Le fait que le mafieux connaisse mon nom confirme une chose : une enquête a été faite sur moi. Et elle n'a rien révélé de compromettant. Ma couverture tient. Vito et mon père ont fait du bon boulot.

– Et vous ? Vous êtes qui ?

Mon langage s'adapte à mon personnage. Un jeune des quartiers, né d'un père absent et d'une mère toxico. Alexei a passé son enfance dans la rue, à voler et a quitté l'école tôt. Après s'être fait chopper pour différents délits, il s'est tourné vers les combats qui rapportent plus d'argent que la revente de voitures volées. Alexei vit dans un studio miteux aux abords de Moscou et économise pour s'en sortir.