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  C'est une sensation bizarre, que de se dire qu'on est chez soi. Mais c'est un peu moins difficile aujourd'hui, et chaque jour un peu plus, maintenant que j'ai comme accepté qu'il passe d'une souffrance latente à un souvenir triste...

  Je sais que je ne l'oublierai jamais, que je ne cesserai jamais de l'aimer. Et je sais aussi qu'il accompagnera chacun de mes pas, mais des pas vers l'avant.

  Un jour où l'autre, je le retrouverai...

  Et en attendant...

  Et bien en attendant, je vais tenter de profiter de temps qui m'est donné, à moi, chanceuse que je suis, d'être en vie, de ne pas avoir heurté un camion, d'être parti trop jeune, trop tôt, trop tout...

  Je le regarde partir avec le soleil sur l'horizon qui se lève, car j'ai peins toute la nuit, comme un exercice obligatoire pour faire mon deuil, pour construire mon petit nid, où il aura bien sûr toujours sa place. Mais dans mon cœur... Et non plus à chaque recoin de pièce, ou derrière chaque objet...

    -Vous êtes bien matinale !, observe Joseline en arrivant au restaurant.

    -J'avais besoin de... J'espère que vous ne m'en voulez pas de m'être installée ici ?

    -Bien sûr que non ma petite. Ma maison est votre maison...

    -Est-ce que je pourrai un jour vous remercier de votre gentillesse ?

    -Mais vous le faites déjà ! En étant là tous les matins et en nous inondant de votre sourire ! Et en payant deux dollars cinquante votre caramel brulé latte !

  J'éclate de rire avec elle, tandis qu'elle rejoint son poste de travail et que j'ouvre mon ordinateur.

    -Le temps est couvert aujourd'hui, faites attention sur le ponton en rentrant, ca peut être glissant s'il pleut, dit-elle de derrière son comptoir.

  J'observe le ciel, que je découvre depuis la première fois orageux.

  Les mails commencent déjà à affluer, mais j'ai avant tout envie d'écrire à un ami...

De : Tessa Ewans Scott.

A : Aaron Shevensen

Objet : ...

Aaron,

J'ai passé la nuit à peindre mon nouveau chez moi. C'est très joli et douillet, j'espère que tu pourras voir ça un jour.

Il s'est passé quelque chose dans ma tête, dans mon cœur, je ne sais pas bien l'expliquer, mais je crois que ça va aller maintenant.

Enfin j'espère.

Je crois que j'ai peur.

Peur de cette vie que je suis en train de me construire sans lui, peur de ne pas être assez forte, peur de ce que va être l'avenir, cet inconnue qui se dessine chaque jour un peu plus et où je suis seule...

Il est tôt, j'espère que ce mail ne te réveillera pas !

Amicalement,

Tessa.

  Je l'envoie aussitôt, sans prendre notre petite photo habituelle, car je ne vois pas trop quoi prendre en photo à cet instant.

  Mais la seconde suivante, je regrette. Est-ce que j'aurai du lui parler de ça, de mes états d'âmes ? Est-il ce genre d'ami aussi ? A qui on se confit ? Jusqu'à présent, nous n'avons finalement échanger que des banalités, même si elles étaient un rayons de soleil dans nos journées. Mais là...

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