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  C'est assez interessant d'observer que quand on pensait ne pas pouvoir tomber plus bas, il reste toujours une marche. 

  Je suis restée toute la journée dans la salle de bain, à regarder ce fichu bâton de plastique. Un morceau de plastique qui vient de bouleverser ma vie qui n'était déjà pas franchement un modèle de stabilité. Deux fichus traits qui sont censés décider pour moi de la suite, qui sont censés, finalement apporter une réponse à toutes ces questions qui se jouent un match de ping-pong dans ma tête depuis le retour d'Ethan. 

  Je suis enceinte. 

    -Je dirai même très enceinte, bien deux mois! Félicitations, me dit la gynécologue en sortant de mon entre-jambe. 

  Génial. Vraiment génial. Concrètement, en faisant le bilans merdiques de ces dernières semaines, il ne manquait plus que ça. 

  Je me rhabille, l'écoutant d'une oreille lointaine m'expliquer la suite de "l'aventure extraordinaire" dans laquelle je me retrouve.

    -Ensuite, il faudra faire une échographie, pour vérifier que tout va bien. Je vous mets ici un petit dépliant avec toute une liste de conseils. Fini la viande rouge et le l'alcool!

    -Et si je ne voulais pa le garder?

  Un silence emplit la pièce, comme si j'avais dit haut et clair que la terre était plate.

    -Si ça ne tient qu'à ça, vous pourrez boire un verre de temps en temps...

    -Non, heu... Ca n'a rien à voir avec l'alcool... Bien que je n'avais pas pensé à ça, mais... Une fois tous les merveilleux avantages de la grossesse mis à part, si je ne voulais pas le garder?..., dis-je en ressentant déjà la culpabilité m'envahir. 

  Le regarde de la femme face à moi n'aidant pas à me soulager, je viens la rejoindre à son bureau alors qu'elle sembler chercher ses mots.

    -Et bien... Je ne vais pas vous dire que j'approuve cette décision, mais je vais surtout vous demander d'y réfléchir. La décision de tuer un enfant n'est pas anodine et...

    -Pitié, pas la peine d'utiliser des grands mots pour me faire culpabiliser, c'est déjà assez dur comme ça...

    -Peut-être aurait-il été judicieux d'y penser il y a deux mois?

  Je serre les dents, me répétant en boucle que non, étrangler ma gynécologue ne servira à rien.

    -Voici un fascicule concernant l'avortement avec tous les détails. Prenez au moins le temps de le lire, vous avez encore un peu de temps devant vous.

  Je prends le-dit fascicule et l'enfourne dans mon sac, comprenant bien que ce choix se fera sans elle à mes côtés. Sans personne à vrai dire. Car il est bien sûr hors de question de le dire à Aaron. Ou à Clara, ou à qui que ce soit.

  Et donc si je résume la situation, mon ex-mari semble être le seul au courant de ma grossesse. Avec son meilleur ami. L'ironie me fait un sacré clin d'oeil. 

  Je sors à peine du cabinet que mon téléphone vibre, un message d'Aaron s'affichant sur l'écran.

"Il faut qu'on se voit rapidement. J'ai du nouveau. RDV à cette adresse:"

  S'en suit une adresse totalement inconnue, mais je saute aussitôt dans un taxi, faisant de mon mieux pour mettre de côté un instant mes questions maternelles existentielles. 

  Alors que le taxi me dépose à l'adresse que je lui ai indiquée après lui avoir demandé au moins trois fois s'il n'a pas fait d'erreur, je découvre la devanture d'une boutique à l'abandon. Je revérifie le message, mais il semblerait que je sois au bon endroit.

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