J'étais en train de cliquer nonchalamment sur la suppression de quelques pubs en espérant que l'inspiration, pendant ce temps-là, irriguerait les méandres de mon cerveau, quand une proposition de location de bateau attira mon attention.
L'année précédente, en compagnie de quelques amis, j'avais effectué une croisière au départ d'Hyères vers la Corse et la société de location par laquelle j'étais passé me proposait à nouveau ses services.
La Corse est en parfaite harmonie avec le monde marin, de par ses spécifications îliennes. En mer, la distance la plus courte entre le point A et le point B n'est pas la ligne droite, mais une ligne marine dépendant des courants et du vent. Il en est de même en Corse où la durée de parcours entre deux destinations se calcule plus en temps estimé qu'en nombre de kilomètres parcourus en raison du relief tourmenté de l'Île de Beauté.
Cette dernière croisière fut également sportive, car le trajet de retour, démarré sans le moindre souffle de vent, se termina avec trois ris dans la grand-voile et sous tourmentin. À l'arrivée, le bateau, qui ressemblait alors au radeau de la méduse, mais en pire, dut subir un lavage du pont à grande eau pour enlever les quelques salves encore présentes du colonel Yamamoto. Le colonel Yamamoto (surnom donné à l'un de mes amis embarqués pour cette traversée), avait cette particularité assez rare ma foi, de prendre progressivement la couleur de son ciré jaune en fonction de l'avancement de son mal de mer. Ceci le faisait ressembler à un Nippon bon teint si j'ose dire, d'où ce qualificatif à consonance japonaise. Mais l'élévation au grade de colonel, attribué à l'unanimité par l'équipage, tenait surtout à sa capacité d'assurer son rôle d'équipier, quel que soit son état et celui de la météo. Cette prestation était toujours remarquablement exécutée et ponctuée en général d'une salve annonciatrice pour débuter les travaux et d'une salve libératoire en guise de fin d'intervention.
Même à l'abri du port, l'impact du vent était tel qu'un gigantesque concert nautique s'était mis en place. La ligne mélodique principale était assurée par le bruit assourdissant des drisses claquant contre les mâts des bateaux. Le déchaînement des éléments, outre qu'il donnait un aperçu assez représentatif de ce que pourrait être la fin du monde, mettait en évidence tout à la fois la petitesse de notre existence et l'importance de celle-ci.
Claquement des drisses contre des mâts, cela me rappelle quelque chose, « Bon Dieu, mais c'est bien sûr ! », comme aurait dit le Commissaire Bourrel dans « les 5 dernières minutes », mais c'est exactement ce que j'avais entendu en fond sonore lors de l'appel de Civray !
Dans ces conditions, l'information était de taille, car cela voulait dire que le chanteur n'avait pas été tué à son domicile parisien, mais sur une base nautique et que son corps avait été transporté chez lui pour faire croire à une mort accidentelle liée à un cambriolage.
De retour à la maison, je fis part à mon épouse du fruit de mes cogitations, laquelle essayait de convaincre Miss Plume de faire ses besoins systématiquement dans le dressing de notre maison. J'ignore si c'est le journal posé au sol qui l'inspira et loin de moi l'idée de considérer qu'il y ait un lien de cause à effet, mais il faut bien reconnaître que les pages du journal Libération, effectivement la libérèrent. Depuis ce jour béni, nous pouvons marcher nous aussi à travers la maison, libérés de la crainte de transporter malgré nous quelques offrandes d'un goût douteux.
– As-tu averti le commissaire en charge de l'enquête ? me demanda-t-elle tout en félicitant notre protégée de ses progrès hallucinants, qui, pour la remercier se mit sur le dos pour tenter de récupérer l'ensemble des caresses passant à sa portée.
– Non, mais Chartin double mon chèque si je m'occupe de cette affaire et je me demande s'il ne serait pas opportun de procéder à une légère rétention d'information, histoire d'avoir un coup d'avance par rapport à la police.
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A LA VITESSE DU CON, LE MUR EST EN OPTION
Humorhumour loufoque et déjanté sur fond d'intrigue policière. Une comédie frenchy inspirée d'un certain commissaire mais avec des vrais morceaux british dedans. Un pseudo bibliographe venu pour interviewer un chanteur de notoriété nationale, découvre...