UN TUEUR A MOTO AVEC UN TIR DE CHARLOT

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Sur le chemin du retour, me rappelant que je n'avais plus que deux points sur mon permis, je passais mon temps, non pas à regarder les beautés architecturales parisiennes, mais plutôt les horreurs métalliques appelées radars placés sur ma route. Ces engins de malheur (et le mot est faible) détenaient le pouvoir exorbitant de me faire passer à tout moment du statut d'automobiliste à celui de piéton. Je conduisis donc à la vitesse réglementaire avec le sentiment d'être enfin un citoyen responsable et respectable puisqu'ayant quitté pour un instant la confrérie des délinquants de la route. Par le rétroviseur central, je vis un individu à moto progresser entre les files de voitures pour finalement s'arrêter à ma hauteur à l'occasion d'un feu rouge au niveau de la maison de la radio.

Nous sommes tous pourvus a minima, si tout va bien, de cinq sens que nous utilisons en permanence et sans retenue comme si cela allait de soi alors que le 6ème sens, lui, relève d'une mécanique moins évidente. En effet, ce sens-là n'est pas aussi tangible que l'ouïe ou la vue par exemple qui apparaissent de façon évidente via leurs outils respectifs que sont l'oreille et les yeux.

Le 6ème sens, quant à lui, évolue caché puisqu'il ne se matérialise par rien de précis, mais il est prêt toutefois à « bondir » lorsqu'un faisceau de présomptions préalable à son intervention est réuni. En l'occurrence, à la vue du motard, mon 6ème sens ne fit qu'un bond, tous les signaux nécessaires à son apparition s'étant manifestés concomitamment.

Dans le même temps, la conductrice qui suivait ce motard tenta de se refaire une beauté, ce qui n'était pas gagné vu son visage maintes fois refait via la chirurgie esthétique. Cette opération de maquillage délicate et à mon avis voué à l'échec s'effectuait alors que son véhicule était encore en mouvement, lequel alla percuter le tireur au moment où il appuya sur la gâchette. Ceci eut pour résultat de dériver la salve vers un panneau publicitaire vantant les mérites d'une future manifestation contre l'utilisation des armes à feu aux USA. Le motard, subitement ridicule et stupéfait à la fois, disparut alors en faisant hurler son bolide à la mort (c'est toujours ça de pris eu égard à sa mission initiale) tout en abandonnant l'arme du délit sur le sol. C'est ballot !

Le temps nécessaire à la reprise de mes esprits et de l'arme, je m'apprêtais à remercier chaudement la sœur d'« Alien », quand celle-ci, voyant l'engin que j'avais ramassé, crut que je voulais l'agresser. Je tentai de lui expliquer qu'il n'en était rien, mais je n'obtins comme réponse qu'un crissement de pneus lorsqu'elle fit hurler, elle aussi, son bolide à la mort pour partir à fond de cale, endroit dont j'ignorais jusqu'ici l'existence.


Les badauds positionnés au troquet d'en face, persuadés qu'une scène d'un film d'action venait d'avoir lieu devant leurs yeux, et ce, malgré l'absence de caméras disposées, applaudirent à tout rompre. Ils se précipitèrent vers moi dans le but de récupérer quelques autographes supposés avoir de la valeur et furent subitement déçus de voir que ma trogne n'en rappelait aucune de connue. Alors, par dépit, ils firent dans un premier temps demi-tour avant de se raviser et de me demander malgré tout d'apposer quelques paraphes ; sait-on jamais !

A LA VITESSE DU CON, LE MUR EST EN OPTIONOù les histoires vivent. Découvrez maintenant