Balancement des hanches. Coup de balai. Pas de côté.Le manège se poursuivit un instant, perdu quelque part entre danse et ménage de la cuisine.
Une jeune femme, un manche à balai bien calé au creu de ses mains, sifflotait une contine sûrement inventé au moment, perdue dans ses pensées. Elle faisait aller-et-venir ce long bâton sur le carrelage de pierre, dansant presque sensuellement entre chaque coup. Étant de dimension modeste, la cuisine fut vite époussetée et la concentration de la jeune femme se porta désormais au salon, pièce adjointe.
La maison n'avait vraiment rien de grandiose, ses propriétaires provenant d'une lignée ayant dû travailler tels des forçats afin de quérir quelques sous. Exigüe, elle comportait cinq pièces minuscules : le salon, la cuisine, la toilette et deux chambres séparées. Aucuns meubles n'était là par coquetterie ou par désir de décor, tout était nécessaire à la survie des deux résidents. Construite en pierre, elle était chauffée par le foyer lors des hivers plus froids.
Meredith , sa tâche finie (enfin !), enfila ses longues bottes de combat avant de sortir dans l'air chaud du midi, direction la forge. Joyeuse et excitée, elle se précipita à travers le faubourg avant d'atteindre, essoufflée et les joues rougies, la forge dirigée par son paternel. Elle fit éruption dans la pièce après avoir violemment ouvert la porte grillagée.
- Avez-vous terminé mon présent ? Je l'attends avec tant d'impatience ! s'écria-t-elle, sans avoir noté l'homme élégamment habillé discutant prix avec son père.
Ce dernier lui jeta un regard sévère sans lui répondre, avant de reporter son attention à son client. Meredith perdit son air enjoué, sachant pertinemment que son père l'ignorerait jusqu'à ce que cet acheteur potentiel (et aisé) prenne congé.
En soupirant bruyamment (cela ferait enrager son père), elle pivota sur sa gauche afin de scruter les plus belles armes qu'il aie forgés et qui trônaient sur le mur. Simultanément, elle tendit l'oreille à l'entretien, un coin de sa bouche relevé en un demi-sourire narquois.
- Effectivement... Rien de tel... cimeterre... cou..., furent les seules mots qu'elle discerna avant d'entrapercevoir une ombre furtive qui s'était évanouie derrière la fenêtre.
Elle oublia de suite son plan machiavélique (ou presque), s'élançant hors de l'atelier dans l'espoir de débusquer ce malfaiteur. La jeune femme avait à peine dépasser la cloison qu'elle se fit projeter durement à terre, son dos le heurtant de plein fouet. Le souffle coupé, Meredith n'eut point le temps de se défendre contre l'impétueux qui détala de l'autre côté, sa capuche noire obscurcissant ses traits. Elle se releva prestement, la rage au ventre, et poursuivit ce "tas de merde", pour reprendre ses mots. D'abord rapide, l'étranger perdit rapidement de la vitesse de plus qu'il ne semblait pas connaître les milles et une rues que contenaient cette ville. Un sourire malicieux se dessina lentement sur le visage de Meredith alors qu'elle s'abaissait dans le but de dénicher deux poignards dissimulés dans ses bottes.
Notre héroïne, une fois les coutelas bien en main (un dans chaque main), réduisit la distance entre notre antagoniste et elle puis, d'un coup sec et adroit, les planta dans les manches de l'intrus, qui se cogna le nez contre un mur.
Elle avait parfaitement calculé son coup : celui-ci avait le nez écrasé sur la pierre, non blessé, ses manches troués par deux poignards fraîchement aiguisés. Un instant, j'ai dit non blessé ? Un léger filet de sang coula de son nez, seulement les coutelas ne l'avaient guère effleuré.
- Je vous ai piégé, idiot que vous êtes de m'avoir bousculé ! Vous ne connaissez pas les manières ? s'insurgea-t-elle.
- Si vous n'auriez pas été dans mon chemin, je vous assure que jamais je n'aurais accidenté de pauvre demoiselle en détresse, répliqua l'autre d'un ton bas, d'où l'on percevait une colère bouillonnante et contrôlée.
En réaction à cette moquerie, Meredith balança son poids sur sa jambe gauche, avant de scruter l'inconnu en se frottant le menton. Cette voix lui rappelait étrangement quelqu'un... mais qui ? Détaillant son habit, elle dénota que sa longue cape s'avérait de très bonne qualité, son détenteur devant certainement posséder une petite fortune...
Ayant décidé la conséquence qu'elle affligerait à ce personnage mal élevé, nonobstant cette étrange sensation qu'elle éprouvait, notre protagoniste retira ses deux poignards des manches du malotru et décampa précipitamment, la cape au doux velours entre les doigts.
Déconcerté, le jeune homme resta un instant planté devant le mur, puis réalisa que la fille l'avait volée. Sans aucune subtilité, cela va s'en dire.
- Oh, l'emmerdeuse ! ragea-t-il en entendant son ricanement plus loin.
Le rire de la voleuse se transforma progressivement en gloussement au fil de sa course. Mais, après s'être brièvement retourner, elle aperçu les traits déformés par la colère de sa victime qui la poursuivait
Meredith avala de travers.
Enjambant maints obstacles, elle emprunta les pires chemins afin d'échapper au jeune homme. Peine perdue, il semblait s'approcher toujours davantage. Elle regarda une fois de plus, curieuse de l'apparence de celui qu'elle avait volé.
Et son pied droit ne suivit pas l'autre, resté coincé sous quelque chose. Ce qui envoya son visage... directement dans la boue. Notre héroïne, sa fierté blessée, tenta toutefois de se retirer, plaçant ses paumes dans la vase. Une mèche de cheveux pleine de terre collée sur sa joue, elle glissa et retomba mollement à terre.
Meredith senti la peur monter en elle, tel un serpent entourant sa colonne et lui envoyant des chocs électriques. Elle était piégée à son tour. Soudainement, un poids s'écrasa sur elle, et ses poumons se vidèrent de tout air.
- C'est bien, avoir la face enfoncée dans la tourbe puante ? ironisa l'autre. Tiens... C'est une belle cape que tu as là... Deux horribles trous affublant ses manches, tâchés d'un mélange d'excrément et de je-ne-sais-quoi qui traîne au fond de cette ville pauvresse... Garde-la, elle est le reflet de ta personne.
Meredith ne prit même pas la peine de répondre, son ego blessé au plus profond d'elle-même. Elle détourna la tête, tentant de se dérober aux propos destructeurs du jeune homme qui, nonchalant, posa son nez dans le creux de son cou.
- Au revoir, gente damoiselle, la nargua-t-il, son souffle chaud sur sa joue.
Sur ce, il se releva prestement et disparu au coin d'une rue.
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Entre deux lames
General FictionUne ville médiévale. Une épéiste chevronée. Un aristocrate doué. Des duels ou la sueur coule a flot. Cette histoire est celle de deux jeunes de classe complètement différente qui, a travers des duels plus invraisemblables et éreintants que les autr...