Cadeau

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- Meredith ! Pourquoi tout ce temps ? la sermonna son père.

- Je... Je... J'attendais dehors et mon attention a été retenue par un marchand de... de soie !

Le paternel haussa un sourcil sceptique.

- Tu n'as jamais apprécié ces égocentries de femmes pourtant...

- Faut croire que j'ai changé, père ! dit-elle avec détachement, en haussant les épaules.

Après s'être relevé de son échec (car c'en était un), elle était revenue chez elle afin de se laver, de récurer ses vêtements et de se changer. Elle avait cependant précautionneusement caché la longue cape noire, désirant éviter quelques altercations avec son père et... la garder. Peut-être dans le but de se rappeler cette défaite monumentale... et de se venger.

Elle la porterait dorénavant avec fierté. Toutefois, pour l'instant, son père ne devait rien en savoir.

- Qui était cet homme avec qui vous discutiez, il y a peu ?

Il baissa son regard sur son travail, une lance forgée dans l'acier il y avait peut-être un an.

- Un aristocrate désirant des armes principalement arabes de haute qualité. Il m'a exhorté plutôt brusquement d'achever le travail dans trois jours. Toutefois, pour y arriver, je devrai cesser tous autres travaux... C'est une tâche qui requiert une grande concentration.

- Pourquoi ne pas avoir refusé une demande portant atteinte à votre dignité et qui repousse vos travaux ? s'indigna sa fille.

Son interlocuteur soupira.

- Le prix qu'il me propose est bien au-delà de ce que me coûtent les outils nécessaires et son offre reste plus élevé que toutes les autres réunies.

Il leva son regard vers sa fille, un sourire naissant aux lèvres.

- Nous pourrons déménager dans un autre quartier lorsque j'aurai terminé.

Meredith resta bouche bée. Il pourrait enfin s'échapper de cette défécation dans laquelle ils s'enlisaient de jour en jour... Et s'assurer d'un avenir meilleur. Son parent posa une main rassurante sur son épaule puis lui suggéra :

- Tu ne souhaitais rien savoir d'autre ?

Le regard de Meredith s'illumina. Elle savait parfaitement à quoi il faisait référence.

- Tu... Tu l'as fini ?

- Ce matin-même !

- Je... Je peux ?

- Évidemment, répondit-il en s'éloignant vers l'arrière-boutique.

Il revint avec, entre les mains, un long objet enroulé dans un drap épais. Doucement, il déposa le précieux présent sur les paumes ouvertes de sa fille qui ouvrit délicatement une ouverture afin d'entrapercevoir le cuir d'un fourreau. Le drap tomba mollement à terre. On distinguait désormais le pommeau d'une arme. Ouvragé de la main d'un expert, une tête de bélier parfaitement détaillée y était creusée, à tel point que l'on semblait discerner les narines frémissantes de l'animal et ses yeux rougeoyant de hargne. Époustouflée, Meredith s'émerveilla du brio minutieux usé afin de façonner cet épée, tout à coup impatiente de découvrir le reste.

Ses yeux quittèrent le travail ingénieux, glissant désormais sur le fourreau. La lame qu'il contenait égalait-elle la beautée de son manche ? La réponse ne saurait tarder...

Empoignant le pommeau, elle dégaina l'épée à double tranchants, ce qui occasionna un son métallique de frottement. Meredith resta interdite. Puis, elle redressa l'arme haut, son corps dégageant la prestance d'une guerrière et possédant un bras fort qui manie avec fougue et puissance. Et alors que le moment s'étirait, la jeune femme esquissa maints moulinets, attaques et esquives, tranchant joyeusement l'air. Un sourire radieux ensoleillait son visage, qui débordait de vie comme jamais auparavant.

- Merci infiniment , père ! Je ne saurais comment vous le prouver davantage...

Il l'observa avec amour, fier de son travail acharné comme du fait qu'elle l'appréciait grandement.

- Tu n'as rien à me donner en échange, Meredith, c'est un cadeau, objecta-t-il.

- Dans ce cas... insinua-t-elle, j'espère que vous êtes prêt au combat !

L'homme eut une moue déçue.

- Tu devras te battre seule cette fois-ci. J'ai...

Il frotta sa barbe de quelques jours tout en réfléchissant.

- Trois coutelas, deux cimeterres et un sabre à forger. D'ailleurs j'ai du fer ainsi que du charbon à...

- Je reviendrai à l'heure du goûter !

Meredith s'élançait déjà à l'extérieur. Son père observa quelques instants la porte d'un air nostalgique, avant de se mettre à la tâche.


Entre deux lamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant