Ferrailler ? Avec plaisir !

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Meredith courait à travers la dense foule, son précieux fer collé contre son dos, cependant caché par sa longue cape noire. Bousculant sans vergogne les citadins sur son passage, elle se réjouit de pouvoir dissimuler son visage sous l'ample capuche. Elle finit par traverser le grand Marché, atteignant une gigantesque et vieille bâtisse à l'allure peu recommandable au coin de deux rues. Elle jeta un bref coup d'oeil derrière elle, s'assura que personne ne l'avait aperçu, et pénétra dans le sombre bâtiment.

L'air y était chargé de musc, de sueur, et on devinait qu'on y pratiquait beaucoup d'efforts physiques. Pourtant, seule une pièce sombre contenant un bar et une petite cloche accueillit notre protagoniste. Elle ne s'attarda pas à cet attrape touriste et sauta de suite par-dessus le zinc d'une grâce féline. D'ailleurs, alors que Meredith s'avançait d'un pas assuré et accrochait sa cape, un écho de cri, d'éclats rageur et de chocs métalliques lui parvenaient en quantité. Un sourire s'étala sur son visage.

-Hé, y a un courageux qui veut s'offrir à la potence, aujourd'hui ?! s'égosilla-t-elle en s'introduisant par la porte.

Des rires fusèrent de toutes parts.

L'immense pièce éclairée par plus d'une centaine de chandeliers comportait différents étages où combattaient des hommes de tout âge. Ces étages, se décomptant à six, montaient toujours de quelques marches et personnifiaient des stands de combats. Cependant, les cinq premiers étant séparés par une barrière de deux mètres, (le dernier réservé aux deux vainqueurs) onze secteurs d'affrontement étaient à disposition. Plus l'on se trouvait en hauteur, plus l'épéiste possédait de points à son tableau de victoires. Comme son armure protectrice s'allégeait. En effet, plastron, heaume et cotte de mailles se retirait l'un à la suite de l'autre, si bien qu'au dernier palier, tout ce qu'il lui restait était ses sous-vêtements. Voyez-vous... ce genre de croisement de fer s'avérait le plus audacieux autant que le plus dangereux, car, afin de vaincre, il nécessitait de toucher, de n'importe quelle manière, le rival. Nonobstant cela, tuer était formellement interdit.

Le plafond, éminemment loin des têtes, étonnait et donnait le vertige, si on le contemplait trop longuement. Sur les murs s'accrochaient des drapeaux, où se dessinait l'emblème de tous ceux ayant remporté le championnat. La seule imperfection de cette salle titanesque était le bois, vieux, craquant sous le poids des belligérants et qui, à quelques reprises, avait déjà fendu. Toutes les armes et les armures, quant à elles, étaient stockées tout près de l'entrée, dans le double mur. Afin de les atteindre, un mécanisme devait être activé à l'aide d'un système de poulies ainsi que d'une manivelle.

-Peut-être une autre journée, la p'tite, rigola un homme d'âge mûr tout proche.

Meredith eut une moue de désapprobation tout en se dirigeant vers la cuirasse qu'elle porterait.

-Je mise cent gonos sur la défaite de cette pouliche, siffla une voix provenant de la gauche. Contre moi.

Meredith se retourna, estomaquée de reconnaître ce pleutre, d'enfin placer un visage sur ce timbre draconien.Un jeune homme, d'une vingtaine d'année peut-être, la toisait, une braise de défi dans ses yeux brun-vert. Ces bras croisés sur sa poitrine (masculine, évidemment), il lorgnait sa nouvelle concurrente, un sourire hautain sur ses minces lèvres. Tout dans sa posture inspirait la condescendance, sa tête haute, sa longue stature svelte ainsi que sa cuirasse sombre de l'aristocratie, ornée d'arabesques dorées.

Meredith observa sa propre armure, vieille, de piètre qualité, et dont la couleur s'apparentait davantage à la rouille qu'autre chose. Elle serra les points. Les cent gonos qu'avait pariés cet individu lui reviendraient bientôt et, de surcroît, ils n'auraient plus besoin de cette protection pour bien longtemps...

Entre deux lamesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant