SENSITIF

Chapitre 4 : Appel nocturne

Il ne rêvait pas. Là, sur son écran d'ordinateur, se trouvait une trace écrite, qui n'était pas visible quelques secondes encore auparavant. Comment était-ce possible ? Il était certain de ne rien avoir écrit.

Ses mains tremblantes se trouvaient devant le clavier au-dessus des lettres rétroéclairées. Sa respiration elle, était devenue presque inaudible. La peur et l'incompréhension avaient atteint un tel niveau au fond de lui que plus un son ne pouvait sortir de sa bouche.

Il se retourna, de gauche à droite : personne. Il était seul. Il sentit quelques larmes troubler sa vision. Les sons étouffés au fond de sa gorge finirent par lui bloquer complètement la respiration. Il suffoqua.

Il s'agrippa aux bords de la table. Il sentit une horrible douleur dans le fond de son estomac semblable à celle qu'on ressent lorsque quelqu'un nous frappe à cet endroit. De petites gouttes de sueur coulaient sur son front.

Sans réfléchir il se leva et recula comme si l'écran de son ordinateur allait resurgir vers lui et l'engloutir à nouveau. Ses mains ne cessaient de trembler.

Il gémissait comme un enfant perdu au milieu d'un supermarché. Entre les grandes étagères remplies de divers produits, à côté du cadis de ses parents, tout se déroule parfaitement bien jusqu'au moment où notre attention est focalisée sur un notre jouet préféré posé sur une de ces étagères.

Capricieux, on refuse de suivre ses parents en espérant qu'ils finissent par céder en nous achetant le fameux jouet. Mais c'est alors qu'on relève les yeux cherchant un regard familier, mais personne n'est là. On se retrouve seul parmi une foule d'inconnus.

En l'espace d'une seconde la panique se fait instantanément ressentir et on se sent perdu, abandonnés. La seconde qui suit, les larmes remplissent déjà nos yeux.

Personne n'est là, où sont nos parents ? Où sommes-nous ? Qu'allons-nous faire sans eux désormais ? Et on tourne la tête de gauche à droite encore et encore mais personne ne vient.

« Allo ? .. allo ? »

Le jeune homme se rendit compte qu'il tenait dans ses mains tremblantes le combiné de téléphone. À l'autre bout de la ligne, sa mère.

« Allo ?? mon chéri c'est toi ? »

Il se pressa de répondre. Il ne savait pas pourquoi il l'avait décidé de l'appeler.

« Oui. Oui maman c'est moi.

-Ahh enfin j'entends de tes nouvelles ! Alors ce studio ? Tu t'y sens comment ? on te manque pas trop ?

-C'est..euh c'est .. c'est bien oui.

-Quelque chose ne va pas ?

-Non non ça va je .. je suis.. je suis juste fatigué »

Mais la fatigue n'était pas la réelle raison. Il le savait. Mais comment expliquer à quelqu'un ce qu'il venait de vivre sans que la personne le prenne pour un fou ?

« Tu as réussi à appeler Mamie ? elle demande encore de tes nouvelles ! »

Mais il ne répondit plus. Il venait de se retourner vers la table de sa pièce à vivre sur laquelle était disposé l'ordinateur.

La pièce était plongée dans la pénombre, et seul le rétro- éclairage de l'écran diffusait une pâle lumière dans toute la pièce de son appartement. Ses mains qui s'étaient calmées se remirent à trembler.

« Allo ? Tu m'entends quand je te parle !

-Ahh ! Oui. Oui oui je t'entends-je .. oui.

- Alors tu y penseras ??

-De... de quoi ?

-Écoute trésor qu'est-ce qu'il ne va pas ? Dis-moi ce qui se passe ? Pourquoi m'as tu appelé ? et pourquoi as tu l'air dans un autre monde ! Tu as consommé de la drogue c'est ça . Je l'avais dit à ton père je savais qu'on aurait dû te garder avec n... »

Alors que sa mère s'emportait au téléphone, il continuait de fixer la lumière que projetait son ordinateur.

C'était lui. Lui-même qui avait écrit ces lignes. Personne d'autre que lui ne se trouvait dans l'appartement.

Mais comment expliquer l'étrange phénomène qu'il s'était produit devant l'écran ?

Il approcha sa bouche du micro de son téléphone et coupa sa mère dans son élan de colère :

« Je vais te laisser maintenant.

-Quoi ?? mais tu te rends compte qu' ... »

La communication était à présent coupée. Il reposa le téléphone et se dirigea vers la table.

Il n'eut même pas le temps de poser son regard sur ce qu'il avait écrit, qu'il referma violemment l'écran sur son clavier. Un énorme bruit se fit entendre. Puis plus rien. Pas un seul bruit.

Il était seul, dans sa pièce à vivre, plongée dans la nuit.

Il se regarda dans le miroir de la cuisine. Puis d'un pas décidé, se dirigea vers sa chambre pour s'endormir.

Couché sur son lit et recouvert de ses couvertures, il fixait le plafond de sa chambre avec contemplation. La nuit allait être une nouvelle fois très longue.

De plus en plus, les nuits noires devenaient blanches. Il les passait à réfléchir. Ce soir-là, il repensa à la manière dont il venait de traiter sa mère. La violence avec laquelle il avait raccroché le téléphone, puis claqué l'écran de son ordinateur.

Habituellement très posé et patient, pendant ces quelques instants il avait perdu le contrôle. Pendant ces quelques instants, il était presque persuadé que quelqu'un avait pris possession de lui.