Chapitre 5 : Premiers échanges

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Lundi matin. Dans son studio, le jeune homme en retard se dirigea vers sa cafetière et remplit une thermos de son café beaucoup trop noir, mais peu importe. Il allait lui falloir de l'énergie pour affronter cette première journée à la fac.

Il savait exactement ce qui allait se passer. N'ayant plus une seconde à perdre, il prit une pomme dans la corbeille de fruits et s'en alla muni de son sac bandoulière en cuir et de sa thermos.

Le trousseau de clés de son appartement à la main faisait un bruit de cloches dans le couloir de l'immeuble et allait probablement réveiller la moitié des voisins mais il ne s'en soucia pas une seconde.

Il rentra dans l'ascenseur, se regarda dans le miroir et secoua la main dans ses cheveux en bataille pour leur donner un semblant l'air présentable. Puis arrivé au rez de chaussée, fonça en direction de l'extérieur pour rejoindre son arrêt de tram.

Le vent frais de septembre fit l'effet d'une douche froide et il se sentit désormais beaucoup plus réveillé. Une fois arrivé à l'arrêt il inséra ses écouteurs dans ses oreilles et lança une de ses musiques de rock préférée. Les images de la ville qui était en train de se réveiller défilaient à toute vitesse à travers la vitre du tramway. C'était comme si on appuyait sur la touche avance rapide en regardant un film. Les façades des immeubles, les voitures, les passants, les façades, les panneaux de signalisation, les immeubles, les voitures, les bus, les arbres, les kiosques, les passants, les façades et encore et encore jamais ne s'arrêtaient.

Puis soudain le tram s'était arrêté et les images ralentissaient. Le film, peu à peu retrouvait sa vitesse normale et la vie reprenait son rythme habituel. La journée pouvait commencer.

Une fois arrivé devant la fac, les choses étaient exactement comme il les avait imaginées. Ce n'était pas un paysage paradisiaque, bien au contraire. Un ridicule bâtiment en pierre se dressait tristement devant lui.

Il se dirigeait vers un groupe innombrable d'étudiants attendant devant les portes. Ici, tout était stéréotypes. Les filles étaient maquillées comme des poupées, les garçons se baladaient en survêtements.

Il ne supportait pas de vivre ainsi avec les autres, comme des animaux en cages, classés, et étiquetés. Pourtant, c'est bien ce qu'ils étaient à cet instant. Des animaux. Alors qu'il rentrait dans la salle de cours, tous les élèves se regardaient comme s'ils fixaient une proie à attaquer, à anéantir. Cette animalité qu'il ressentait dans chacun d'entre eux était à glacer le sang. Une rivalité qui allait se poursuivre tout au long de cette année. C'était chacun pour soi. Et si l'un tombait, cela serait qu'une chance supplémentaire pour s'assurer le succès.

Il avança dans l'aller, traversant les rangées de tables pour se diriger vers la dernière place au fond de la salle. Il ne restait plus qu'une place à côté d'une jeune fille endormie sur la table. Elle n'avait pas l'air d'être là par plaisir. Il se dit qu'elle allait probablement passer l'année à dormir et à dessiner sur un coin de son cahier et cela lui convenait parfaitement.

Le professeur de littérature commença à débattre tout seul lors de son cours théorique alors que les élèves eux, tapaient frénétiquement sur les touches des claviers qu'ils tenaient en face d'eux. Ce bruit de cliquetis infernal réveilla en l'esprit du jeune homme un souvenir qu'il préférait effacer à jamais. Il ferma les yeux et plaça ses mains sur ses tempes. Mais soudain, en une fraction de seconde, il se retrouvait dans son appartement plongé dans les ténèbres, face à son clavier, l'angoisse, les sueurs froides, les mains tremblantes, cette douleur dans le fond de son estomac.

Il chassa cette image et plaça lui aussi la tête sur la table et s'endormit. Le cours de littérature pouvait attendre encore un peu.


SENSITIFOù les histoires vivent. Découvrez maintenant