Chapitre 6 : Première sortie

68 5 2
                                    


Lorsque la sonnerie retentit, ce fut un soulagement pour tous les élèves. La première journée venait de s'achever. Ils avaient tous survécu. Mais malheureusement pour eux ce n'était que le début. La même journée allait se répéter encore dès le lendemain et pour le reste de l'année scolaire.

Le jeune homme était affalé sur la table au moment de la sonnerie. Il sursauta et se redressa pour ranger ses affaires. Sa voisine était déjà dans le couloir alors que les autres élèves commençaient à peine à se lever de leurs chaises, comme si elle avait attendu ce moment toute l'heure passée.

Il se déplaçait lentement dans les allées des tables lorsqu'il percuta sans faire attention une de ses camarades. Elle se retourna et le dévisagea avec un regard glaçant :

« Tu t'es pris pour qui ? T'as cru que j'étais un ballon de football ?

-Je suis désolé je n'ai pas fait..

-Ouais c'est ça écoute-moi bien : ferme ta grande gueule et retourne dormir sur ta vieille table, là-bas au moins tu nous emmerdes pas. »

Il ne préféra pas rentrer dans son jeu et continua de marcher lentement vers la sortie lorsque deux garçons alliés de la jeune fille prirent les manuels qu'il tenait dans ses mains pour les jeter parterre. Tous les autres éclatèrent de rire.

Super. Comment bien terminer sa première journée...

Il rejoignit Julie devant la grille à l'entrée de la fac. Celle-ci l'attendait impatiemment :

« T'en as mis du temps ! T'étais passé où ?

- Des petits cons ont décidé de s'amuser avec moi.

- Tu vas bien ???

- Je.. oui laisse tomber je vais bien, ils n'en valent pas la peine.

- Tu as bien raison, allez vient on y va. »


Julie n'était avec lui qu'en cours de langues. Pour les autres matières, il se retrouvait seul. Ils empruntaient le même chemin pour rentrer chez eux, jusqu'à une intersection qui les séparait. Ils pouvaient donc profiter de ce petit trajet ensemble pour discuter comme à la cantine.

Arrivés au bout de la rue, ils devaient se séparer. Après un petit silence, Julie le regarda avec son sourire habituel et lui dit :

« Bon bah.. passe une bonne soirée et à demain ! on se retrouve ici !

- Passe une bonne soirée toi aussi, à demain ! »

Alors que Julie était en train de s'éloigner de l'autre côté de la rue, il se passa quelque chose d'assez unique dans la tête du jeune homme.

Qu'allait-il faire ce soir, seul dans son appartement ? Pas grand-chose. De plus, il ne connaissait personne en ville et Julie était une fille qu'il appréciait beaucoup. Il était peut-être temps de s'ouvrir enfin aux autres. Il ne réfléchit plus une seconde de plus et se lança :« Ehh Julie !? »

Elle s'arrêta puis se retourna vers lui.

« Oui ?

- Et bien je me disais que .. enfin on pourrait tu vois, enfin ça serait sympa de.. Tu voudrais bien euh.. »

Julie lui adressa un sourire moqueur, mais remplit de tendresse. Il cracha le morceau :

« Est- ce que tu voudrais qu'on aille boire un verre un de ces jours ? »

Elle le regarda quelques secondes. Il avait l'impression d'être à l'annonce des finalistes d'un jeu télévisé où l'on faisait tout pour créer du suspense.

« Ce soir ça te va ? » finit – elle par lui dire naturellement.

« Ce soir, c'est parfait.

- Super ! Je te présenterais à deux de mes amis, tu vas les adorer.

-Génial

-On se rejoint ici à 20h

- À tout à l'heure ! »

Incroyable. Il l'avait fait. Ce soir il allait sortir avec des amis, rencontrer de nouvelles personnes. Peut-être que sa nouvelle vie allait être plus agréable qu'il ne l'imaginait.


Quelques minutes avant l'heure du rendez-vous, il terminait de se préparer. Il se regarda dans le miroir quelques secondes, examina les épis éventuels restants dans ses cheveux. Alors qu'il contemplait son double dans le miroir, il y eut un énorme bruit. Sourd. Comme si quelqu'un venait de frapper de toutes ses forces derrière le mur de son petit studio. Il sursauta et laissa tomber ses clés au sol. Il ramassa son trousseau puis se retourna brusquement : Rien. Il souffla et récupéra ses dernières affaires posées sur le canapé. Il était temps d'y aller.

Il retrouva Julie à l'intersection de la rue, puis ils se dirigèrent vers un restaurant mexicain où les attendaient Pierre et Sam, les deux amis de Julie. Les deux jeunes hommes étaient tous les deux des accros à la lecture. Sam était président du club de lecture d'un petit village voisin. Il y organisait des gouters littéraires, et rêvait d'ouvrir son propre café littéraire pour étudiants en ville. Pierre écrivait des articles pour le journal de la fac et désirait devenir journaliste.

Le repas se déroulait à merveille, ils discutaient tous les quatre et le courant était passé dès les premiers mots qu'ils échangèrent.

Pour la première fois depuis un certain moment maintenant, il se sentit heureux. Il avait l'impression de vivre une vie comme les autres, n'étant pas qualifié d'asocial psychopathe. Et cela faisait du bien.

Alors qu'ils étaient en train de parler de lecture, Pierre lui demanda :

« Et toi , Tu écris aussi ? »

Soudain, ce fut comme si l'ambiance chaleureuse de la discussion venait de se transformer en silence glacial.

Il était en si bonne compagnie qu'il avait oublié ce qu'il attendait sur son écran, ce qui s'était passé la veille, ce qui l'attendait chez lui. Il ne répondit rien.

« Bah alors ? On fait le cachotier ? » renchérit Sam.

Julie intervint :

« Il est assez mystérieux. »

Mais Pierre insista. Il du révéler qu'il voulait se lancer dans l'écriture, et qu'il venait d'essayer de s'y mettre.

Ils demandèrent tous les trois avec grande curiosité sur quoi il comptait écrire. Mais il ne pouvait répondre à cette question. La panique s'empara du jeune homme. Il se souvenait de l'angoisse, de cette sensation inexplicable qu'il ressentit avant de voir qu'il venait d'écrire et..

Heureusement, c'est à ce moment que le serveur arriva pour apporter le dessert. Après cela, ils n'en parlèrent plus de la soirée.

SENSITIFOù les histoires vivent. Découvrez maintenant