Chapitre 8

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Selon le capitaine, le dortoir devenait débordant et je dus dormir dans une étroite pièce où étaient entassés quelques balais poussiéreux. Je me réjouissais de posséder un peu d'intimité et de ne pas fréquenter le reste de l'équipage qui devait être en train de dégriser.

Je devais dormir à même le sol et je regrettai la paille moelleuse que j'avais connue auparavant. Il y avait cependant un petit coffre en bois foncé, où je pouvais déposer les quelques vêtements que je possédais.

Je m'assis en tailleur et déroula la carte qui nichait dans ma manche. Je ne savais pas par quel miracle, mais elle n'était ni froissée et ne s'était pas échappée de sa cachette durant la journée. Je me creusai la tête durant une grande partie de la nuit, essayant de trouver les secrets de ses signes multiples et variés. Un langage codé avait probablement été utilisé et seules quelques personnes bien précises devaient être aptes à le déchiffrer. Une inscription en une langue inconnue était inscrite sur le bas en minuscule et je peinai à la déchiffrer.

Je restai songeuse et résignée, je rangeai la carte au fond du coffre et me couchai sur le parquet humide et glacé. J'entendis quelques bruits et après avoir allumé une bougie, je découvris un rat qui escaladait les balais posés contre le mur.  Je soupirai en me demandant par quel moyen j'allais parvenir à survivre sur ce bateau en compagnie d'un ami ivrogne qui avait manqué de révéler mon secret et d'une bande de pirates répugnants. 

Je dus m'abandonner à ces rêveries et m'endormis paisiblement, oubliant le reste du monde, assommée par une profonde fatigue.


***

Le capitaine me tendit une épée en bois dont la lourdeur fut conséquente pour mes bras frêles. Je m'agrippai au manche de mes deux mains et tentai de la manier en cachant la difficulté qui devait se lire sur mon visage. Jackson, volant à mon secours, se positionna derrière moi, son torse frôlant mon dos de temps à autre, et m'indiqua la posture à adopter. En bonne élève, je me concentrai sur la précision de mes gestes et après avoir gagné un peu en assurance, ma maladresse s'estompa.

Le capitaine me proposa ensuite de mettre à exécution mon apprentissage en combattant contre lui, promettant de commencer en douceur et d'essayer de ne pas me blesser.

Cette dernière phrase le fit rire et intérieurement, je voulus lui prouver que je ne renoncerai pas aussi facilement. L'échec n'était malheureusement pas dans mon vocabulaire.

Ses yeux me regardèrent avec un air de défi et j'attaquai la première. Il me désarma en un coup de poignet et mon épée joncha le sol. Je masquai ma déception et ramassa mon arme en fuyant le regard de mon adversaire.

-Tu n'es pas assez déterminé, Gabin.

-Bien sûr que si...

-Alors prouve-le, me coupa-t-il en prenant un ton sec et supérieur. Imagine que je suis Osman.

L'évocation de ce nom réveilla en moi une colère grandissante. La rage remplaçait la peur, je ne souhaitais plus que de désarmer mon adversaire et de me prouver que j'étais capable de venger Cleo.

Je brandis mon épée et visai la tête de mon adversaire mais sa taille dominant la mienne, je me trouvai dans une position d'infériorité.

-Utilise tes atouts, gronda-t-il.

J'eus envie de lui hurler au visage que ma recherche semblait infructueuse. Il était un homme expérimenté et bien plus grand que moi alors que je n'étais qu'une jeune femme débutante. Quant à ma taille, elle m'handicapait grandement malgré mon mètre soixante-dix.

Nos épées se croisèrent et le capitaine m'obligea à reculer en utilisant la force. Je n'avais guère de temps pour réfléchir, je me devais d'agir sous peine d'échouer lamentablement. 

Sous le poids de l'épée adversaire, mes genoux se fléchirent naturellement et ma tête se retrouva vite au niveau des jambes de mon adversaire. Je remarquai qu'elle était légèrement entrouverte et un petit sourire se dessina sur mon visage.

Je me glissai entre ses jambes et entourai les miennes autours de ses mollets. Après avoir exécuté parfaitement un geste enseigné par ma sœur, le capitaine bascula en avant et je me hâtai de me retourner afin de me retrouver à califourchon sur son torse.

-Vous êtes mort, dis-je en pointant mon épée le long de sa jugulaire.

Ses yeux se remplirent de stupéfaction et d'une pointe de désagrément, sans doute affecté par son échec face à un novice. Il me demanda de me relever avec un ton acide et je m'exécutai rapidement, ma victoire m'avait presque ôté de l'esprit la position peu flatteuse dans laquelle je me trouvai.

-Nous reprendrons demain, conclut-il en s'éclipsant.

Je décidai de rester sur le pont pour profiter de l'air matinal qui fouettait mon visage. Ce vent frais réveillai ma peau et me permettait de supporter le voyage en bateau. D'après Ali, nous devrions accoster d'ici quelques temps dans une petite ville portuaire afin de remplir la réserve de nourriture et de permettre à l'équipage de se ressourcer. J'attendais cette escapade avec impatience, sentir la terre ferme sous mes pas me manquait.


La princesse des voleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant