La princesse des voleurs

Chapitre 5

Nous arrivâmes aux abords de l'écurie d'un homme fortuné de la ville. Il n'y avait personne mis-à-part un jeune écuyer. Ali me jeta un regard interrogateur et je lui expliquai que nous devrions avancer en nous dissimulant derrière les lourdes portes en bois.

-La patience est le maître mot, lui soufflai-je.

-Pas chez les pirates.

L'écuyer se rapprocha de notre refuge et je bloquai ma respiration, de crainte qu'il ne puisse nous entendre. Je fis un signe à Ali pour qu'il se baisse derrière une caisse en bois tandis que je guettai toujours l'homme brun qui brossait la crinière d'un cheval, d'un geste familier et précis. La fenêtre avait été brisée récemment ce qui signifiait que d'autres individus avait déjà tenté, auparavant, de pénétrer dans l'écurie. La méfiance de l'homme devait sûrement être aux aguets et nous devions rester prudents, je ne tenais guère à recevoir un coup de fourche.

Après de longues minutes d'attente, il se décida à quitter l'écurie et se chemina vers les espaces verts de la propriété. Le temps nous était précieux et s'écoulait à une vitesse affolante. L'homme était susceptible de réapparaître incessamment sous peu.  

Ali pénétra le premier et libéra deux chevaux calmes tandis que je guettai la venue de l'écuyer. Le hennissement de l'un des étalons attira l'attention de l'homme qui se retourna et observa l'écurie pendant plusieurs secondes.

L'anxiété me gagnait et Ali se pressa de sortir les chevaux par la porte arrière. Je craignais que leur dressage ne soit complètement achevé et qu'ils puissent nous jeter à terre, après s'être cabré. Je n'eus pas le temps d'avertir mon compagnon qu'il enfourcha un pur sang et je me résignai à l'imiter. 

-Prête ? me demanda-t-il.

-Ai-je le choix ?

Nous fîmes galoper nos chevaux et l'écuyer nous coursa avec une expression mauvaise sur le visage. Nous le devançâmes sans efforts et entrâmes dans les bois pour quitter la ville expressément. 

-Sais-tu où nous allons ? demandai-je.

-Je sais me repérer en mer grâce aux étoiles, ce n'est pas quelques minuscules arbres qui vont me faire peur.

Quand nous fûmes à une distance suffisamment acceptable, nous ralentîmes le pas et laissâmes les chevaux se reposer quelques instants.

Ali noua leurs rênes à un arbre et partis se dégourdir les jambes tandis que je me précipitai vers un petit ruisseau pour me désaltérer. Je fis une coupe avec mes mains et aspirai l'eau qui assouvit ma soif. 

Je m'installai confortablement sur l'herbe qui me chatouillait les doigts et délivrai la lettre qui logeait dans ma manche. Un petit sourire enfantin se dessina sur mes lèvres, heureuse à l'idée de pouvoir m'évader et vibrer à travers ces quelques lignes. Ce fut un curé qui m'enseigna la lecture à mes dixièmes printemps, Cleo n'avait jamais voulu posséder ce don mais je m'étais toujours répétée que le savoir pouvait m'être fort utile. A cet instant, ma soif de connaissance portait ses fruits.

Je déroulai le petit parchemin en veillant à ne pas abîmer le papier qui me semblait si fragile. Mes yeux s'écarquillèrent quand je compris qu'il ne s'agissait pas d'une quelconque lettre d'amour mais d'une cartographie. Je réussis à distinguer la mer, les côtes anglaises et espagnoles, puis d'autres petites îles dont j'ignorai l'existence. Divers symboles étaient également dessinés mais je n'eus pas le temps de les analyser que la voix d'Ali résonna dans mon dos.

-Que fais-tu ici, toute seule ?

-Je me repose, mentis-je, après avoir soigneusement ranger ma carte.

Je ne voulais pas lui parler de ma découverte, il restait un pirate que je ne connaissais pas suffisamment. Ce morceau de parchemin renfermait plausiblement des informations capitales. Ses propriétaires ne l'avait pas scellée sous coffre sans mobile.

-Il serait peut-être temps de reprendre notre route, qu'en dis-tu ?

-Vous avez raison, dis-je en me relevant.

Nous regagnâmes nos montures et poursuivîmes le chemin en évoquant nos vies, cela nous permettait de se renseigner davantage réciproquement.

-Pourquoi vous êtes-vous engagé dans la piraterie ? osai-je. Sans vouloir vous offenser, je ne trouve pas que vous avez le profil d'un tueur sanguinaire et sans pitié.

-Et bien, c'est assez difficile de répondre à ta question. Il y a deux ans, ma femme m'a trompé lors de mon absence car j'étais, à l'époque, marin. J'ai eu le cœur brisé.

-J'imagine que cela doit être extrêmement douloureux.

-Tu n'as jamais connu cette sensation ?

-Le cœur brisé ? Non, répondis-je simplement en haussant les épaules. Je ne suis pas du genre à m'investir corps et âme pour un homme.

Je lui arrachai un petit sourire et il poursuivit :

-Toujours est-il que j'ai eu besoin de changer d'air. J'ai rencontré Osman sur un port et je me suis engagé. Je ne te souhaite pas de connaître cette sensation mais ne renonce pas à l'amour pour autant, tu le regretterais.

-Je pensais que vous vous connaissiez depuis plus longtemps, avouai-je. Je vous remercie pour vos précieux conseils mais vengeance et amour sont plutôt incompatibles.

Son sourire s'étendit davantage et nous arrivâmes aux abords d'une ville.

-Nous y sommes, déclara-t-il.

Nous approchâmes au pas et nous quittâmes de notre monture lorsque nous fûmes devant une auberge à la façade craquelée.

-Je pense qu'une bonne bière ne serait pas de refus, qu'en dites-vous ?

-Cela me semble une idée judicieuse.

Nous attachâmes les chevaux et entrâmes dans la petite cabane en pierre. L'odeur d'alcool pestait à plein nez et je fis une légère grimace, ce qui m'étonna car l'auberge semblait déserte. Ali commanda deux boissons et nous nous prîmes place à une table vide.

-Nous partirons demain matin.

-Comme vous voulez, Ali.

-Néanmoins, il faut que je te dise quelque chose.

-Allez-y, dis-je avec un sourcil interrogateur.

-Les pirates sont assez superstitieux, ils ne laisseront pas une femme monter sur leur bateau.

Se moquait-il de moi ? J'avais donc parcouru tout ce chemin pour qu'une bande de machos m'abandonne sur la terre ferme ? Cette possibilité était inenvisageable.

-J'espère que vous plaisantez, continuai-je en prenant un ton menaçant.

-Je suis on ne peut plus sérieux, mais j'ai une idée.

J'espère que ce chapitre vous a plu, je m'excuse pour l'attente mais je n'ai pas pu publier avant ^^