Chapitre 9

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Mes entraînements matinaux m'avaient permis d'acquérir une aisance, dont j'étais plutôt fière, à l'épée. De plus, je m'exerçais avec Ali plusieurs fois par semaine et les progrès s'en faisaient ressentir. Mon seul regret fut de ne pas avoir commencer à me battre à l'épée plus tôt. Le combat me demandait de me surpasser, de centrer mon esprit exclusivement sur mon adversaire et développait une puissante confiance en moi.

Le capitaine m'autorisait même à l'appeler par son prénom et je ne cessai de l'imaginer prononcer le mien. Je ne pouvais guère expliquer l'attirance que j'éprouvai vis-à-vis de cet homme. Ali s'amusait à me taquiner lorsque le capitaine s'adressait à son équipage. Selon lui, j'arborai le visage d'une enfant émerveillée devant des friandises. Je lui jetai un regard noir à chaque fois pour exprimer ma désapprobation, en vain.

Cette fois-ci, Enzo nous annonça que nous accosterions d'ici peu dans une ville et l'équipage entier arbora un sourire sincère. Je priai pour trouver un peu d'eau afin de débarrasser mon corps des impuretés et des quelques odeurs désagréables qui commençaient à devenir gênantes. Les pirates étaient incontestablement répugnants, ne se souciant que d'or et de rhum. Je me demandais parfois comment des hommes pouvaient vivre ainsi mais à force de les cotoyer quotidiennement, je parvenai à m'habituer à leur mode de vie.

Nous regagnâmes chacun nos activités respectives, la mienne étant de balayer le pont. Selon le capitaine, la propreté de son bateau était essentielle contrairement à celle de ses hommes.

Il m'arrivait parfois de m'entraîner au combat en brandissant mon balai en imaginant qu'il s'agissait d'une épée, tard le soir, lorsque je me retrouvai seule.

Des ampoules apparaissaient au creux de mes mains qui perdaient leur douceur habituelle. Mes ongles s'étaient teints d'une couleur noirâtre et le soleil avait donné à ma peau une teinte plus brune. Ces quelques semaines m'avaient fait grandir et la vie sans Cleo me paraissait moins fade. Je n'oubliai cependant pas mon unique quête : venger ma sœur dont la vie avait été injustement arrachée par Osman.

Jamais auparavant je n'avais ressenti une haine aussi profonde à l'égard de quelqu'un, pas même pour mes parents qui m'avaient abandonnée.

Une voix familière me tira de mes pensées nostalgiques et Ali s'adossa aux barrières du bateau.

-Quelle ironie tout de même, c'est à toi qu'on confie les tâches de femmes.

Je lui présentai mon majeur pour unique réponse et je lus de la stupéfaction dans son regard.

-En tout cas, tu as bien oublié les bonnes manières.

-Je ne les ai jamais connues, le corrigeai-je en continuant de balayer.

***

Cette nuit, le vent était fort et agitait le bateau dangereusement. Ali m'avait certifié que nous ne courrions aucun danger mais un pressentiment inexpliqué s'était logé dans ma poitrine. Je m'étais réfugiée dans la pièce qui me servait de chambre, recroquevillée sur moi-même, attendant que le sommeil me gagne.

J'avais trouvé un vieux peigne parmi le désordre et je souriais chaque soir lorsque je brossais ma longue chevelure. Lorsque nous étions enfant, Cleo se chargeait de cette tâche avec une telle délicatesse que les nœuds glissaient comme une cascade d'eau le long des rochers. Parfois, j'entendais sa voix dans mes rêves, elle me répétait sans cesse de ne jamais abandonner et je me réveillai parfois, les yeux perlés de larmes salées.

Je dessinai avec mes doigts des cercles sur le parquet du bateau, ce qui me permettait de m'occuper l'esprit. Je m'allongeai ensuite sur le dos et observai le plafond en imaginant un ciel étoilé.

Je fermai les yeux et des cris me tirèrent de ma rêverie. Je collai mon oreille à la porte et tâchai d'en apprendre davantage concernant la cause de ses hurlements. Après quelques instants, j'ouvris la porte et sortis le haut de mon visage. Des ombres courraient et j'entendis de nouveaux cris qui percèrent mes tympans. 

Je sortis de ma cachette et m'aventurais sur le pont avec une précaution qui se renforçait à chacun de mes pas. 

-On nous attaque ! Tout le monde sur le pont ! hurla la voix du Capitaine, pleine de rage.

Le vent soufflait dans mes cheveux et me cachait la vue. Lorsque je parvins à les dégager de mon visage, un homme imposant se dressa devant moi. Éclairé par la lune, son sourire sadique se fendit à ma vue et désarmée, je n'eus d'autre choix que de fuir. Je le sentis me suivre de près, essayant de me blesser avec son épée dès que l'occasion se présentait. Il me fallait une épée, je devais me défendre. 

Des corps sans vie jonchaient le sol, dégoulinant d'un liquide rouge, presque noir. Je reconnais parmi eux ceux de certains membres de l'équipage et je craignais de découvrir le visage d'Ali. 

Je continuai de courir malgré la douleur que je ressentais dans mes orteils. J'aperçus le balai que j'avais déposé sur le rebords d'un mur et remerciai le ciel d'être tant désordonnée. Je le saisis par le manche et me retournai vers mon adversaire qui cracha un rire satanique. Je calmai sa joie en écrasant l'autre extrémité de mon arme sur ses pieds, lui arrachant un cri de douleur. Sa colère n'en fut que plus grande et il brandit son épée vers mon visage et je me protégeai avec mon balai qui ne ferait pas le poids longtemps face au fer. L'inévitable se produit et le manche se fendit en deux. Je fermai les yeux, me demandant si ma mort serait douloureuse.

-Laisse-la ! hurla Ali en croisant son épée avec la sienne.

Mon ami échangea plusieurs coups avec l'homme et enfonça finalement son arme dans l'abdomen de son adversaire. Je me précipitai pour prendre l'épée du défunt mais Ali m'attrapa le bras.

-Cache-toi, c'est trop dangereux Gabi !

-Non ! Pas question de vous laisser !

Il voulut me gronder davantage comme une vulgaire petite fille et je m'enfuis défendre le bateau. Des cordes se mirent à tomber et je cherchai des yeux le capitaine. Il se tenait aux abords du gouvernail et trois hommes semblaient vouloir régler leur différent avec lui. Il ne pouvait pas affronter cela seul et l'équipage était bien trop occupé à survivre pour l'aider. 


La princesse des voleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant