Partie 3

51 7 0
                                    

       Mardi 5 Octobre

      j'ai continué à la voir chaque soir, et même pendant la journée, à chaque battements de mes yeux. Tantôt elle m'envoyait un sourire par dessus son épaule gauche, tantôt elle fuyait, timidement, mon regard. Elle courait ça et là dans ma tête, riait à gorge déployée; elle me faisait un signe de l'index qui m'encourageait à la poursuivre. Et cela nous plaisait. Puis disparaissait dans un brouillard. Nous étions des enfants. Dans ses yeux je pouvais voir cette envie, ce besoin mais je ne pouvais pas discerner quel besoin... ou quelle envie. Mais tout cela etait dans ma tête. Depuis ce jour au marché, je ne l'ai pas revue. On dirait qu'elle disparaissait de la circulation pour ne revenir qu'une fois par semaine.
             Je devais me rendre dans un quartier à l'extrémité de la ville, là où passe le lac qui baignait Rocharville pour rencontrer une fidèle de l'église. Là-bas, l'eau etait tellement limpide qu'on pouvait voir les roches, de couleur variée, scintiller sous les rayons du soleil, et les récifs de marbe blanc. C'était très beau de voir ce lac en plein midi, mais il fallait revenir une nuit de pleine lune pour vivre pleinement l'extraordinaire.
             Je venais juste de sortir de sa maison quand j'entendis plus bas des ronflements de moteurs suivis de quelques mots emportés par le vent. La curiosité m'emporta, Je m'approchai. plus je m'approchais, plus les mots devenaient plus clairs...
            " Salope, t'aime ça hein? Ouais soit tu nous files notre argent soit tu nous laisses te tripoter les nichons! C'est pas comme si c'était la première fois... qu'est-ce qui te prend sale pute! Un gang band nous ferait du bien... Tu as que quelques jours pour nous filer notre blé ou t'auras droit à notre sauce piquante...! "
             Je ne pouvais pas voir le visage de la personne qu'on harcelait. J'aurais bien aller la soutenir mais n'est-ce pas là signer mon arrêt de mort? Ce n'est qu'après le départ des motards que j'ai vu sa face. Elle etait là, calme, blême. Elle subissait sans dire un mot, les yeux fixant le sol laissant échapper une averse sans tonnerre, ni éclair.
             La majorité des gens du quartier avait les activités au centre de la ville; ce qui est une bonne chose puisque j'étais le seul spectateur de cette scène honteuse. Les hommes partis, elle s'approcha du lac. Pendant un instant je croyais qu'elle allait se noyer. Dieu merci, ce n'était pas son intention. Elle s'est assise sur un rocher et commença à lancer des cris de douleur qui transperçait mon coeur pour atteindre le tréfonds de mon âme. Je n' voulais  pas la voir comme cela, je ne pouvais la voir ainsi. Personne ne méritait ce traitement... personne. Tout de suite je me suis rendu auprès d'elle. Et là, je suis resté figé. C'était elle. C'était Luna. Quand elle m'a vu, la honte prit possession de son corps. Son âme était dénudée. Elle ne pouvais même pas me regarder dans les yeux. Je devais la rassurer, je devais la faire sentir que j'étais  là pour elle, que je voulais l'aider. Alors sans attendre, je l'ai pris dans mes bras; elle m'enlaça de ses mais de bambins et, de lourdes larmes glissaient le long de mon épaule. Je pouvais presque sentir l'horreur qu'elle vivait. On est resté ainsi pendant environ une minute ou une heure je m'en souviens plus. Après un long moment de silence, elle sécha ses larmes et décida de me parler...
      
           " Qui es-tu... mon père? Quel genre d'homme êtes vous?
              - le genre d'homme que Dieu a choisi.
              - Dieu t'aime tu sais?
              - Oui et je sais qu'il t'aime aussi...
              - Alors pourquoi tant de mal sur mon chemin? Pourquoi?
               -Tu sais, au début, l'homme n'était pas créé pour souffrir mais le péché l'a condamné à la souffrance. Beaucoup de gens se demandent pourquoi toutes ces péripéties. Mais je ne peux te répondre qu'ainsi : ça ira mieux! Supporte ta croix maintenant, ma fille afin que tu puisses te réjouir demain. Même quand tout semble noir, la lumière finira par briller sur toi. Il suffit de persévérer. N'abandonne pas. Dieu ne donne jamais à ses enfants un fardeau supérieur à ses capacités. La poussière que tu manges maintenant te permettras de savourer le lait et le miel de demain. Les épreuves de la vie forment ton caractère et, si tu prêtes suffisammemt attention, tu en apprendras beaucoup de choses qui te seront utiles plus tard. Ca ira mieux ma fille.
                 -C'est bien beau mon père, mais pas dans mon cas. Cela aurait déjà du être mieux pour moi. Dès mon enfance, je vivotais. Ma mère est morte due à une overdose. Mon père, alcoolique, un jour m'a violé, bastionné, puis jeté dans la rue
et j'avais tout juste 13 ans. Il faut dire que les scènes de bastonnade s'amplifiaitent depuis la mort de ma mère puis qu'elle était son tambour préféré. Il nous battait même pour notre façon de respirer. J'ai......j'ai été obligée de voler pour survivre. J'ai passé des nuits glaciales aux côtés des chiens, violée à plusieurs reprises par des voyous qui prenaient des pullules pour être plus raides avant de penser être enfin soulagée. Un homme m'a recuelli et logé pendant quelque temps. Il avait l'air gentil, il prenait soin de moi. Il m'a demandé de l'accompagner dans le pays. J'avais rien alors j'ai dit oui. Ce que je croyais être Mon mieux est maintenant mon pire. Il a fait de moi une prostituée. Parfois je suis un peu masochiste, on me maltraite, me fait faire des choses que j'ai honte d'imaginer... parfois je suis sadique, voyant ce que les hommes m'ont fait subir, je prenais du plaisir à en maltraiter quelques uns. Maintenant mon père, dis-moi: quand viendra ce mieux? QUAND???
                  - Je ne sais pas. Mais je peux t'assurer qu'on va faire en sorte que cela arrive bientôt.
                 - Pourquoi m'aiderais tu?
                  - N'est-ce pas là le devoir d'un prêtre?"

           Je l'ai lancé un sourire et elle s'est jetée sur moi... Je ne savais pas ce qui s'est passé. Mais je ressentais ces étranges décharges électriques qui traversaient nos corps. Peut-être que Dieu m'a vraiment choisi pour l'aider... Quoi qu'il en soit c'était beau.

La SauvageonneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant