Mardi 12 Aout
La senteur de la savane à travers la fenêtre condamnée, toujours ouverte par une cellule de prisonnier aussi rustique qu’une case d’esclave. 40 C, ce coin ne joue pas, c’est le four de la terre. Impossible rayons, je ne pouvais plus, je ressentais encore ces cassures, ces courbatures courants, la sensation de l’écrasement vertébral. La vieillesse sonne déjà à ma porte !
Mon bol de riz a dormi comme moi, dans la chaleur et la solitude, un bol hermétiquement blanc, blanc sans rien, ma pitance, ma récompense pour 131 confessions. Merde à la vie, merde à mon corps, merde à lui, je n’osais pas prononcer son nom. Ecrasant les dents sur la vile matière, à moitie de bol il le balança vers la porte, tapant du poing les murs. Il ne pouvait plus se calmer que d’une seule façon, il devait lire. Deux éléments gisaient sous ses yeux, sa pouilleuse bible et un journal déchiqueté aux rebords par les rats. Il projeta la bible vers le mur dans la même danse insalubre que le bol de riz, il prit le journal dans ses bras comme un enfant qui boude.-Le sexe sert d’arme et la femme en est souvent victime. C’est de cette première phrase que je veux insinuer la marque de l’acte qu’est le viol ou l’agression sexuelle. Combattons ce crime inhumain et d’impuissance des tyrans de nos rues. Nous demandons une mobilisation de tous les groupes féministes et de tous ceux qui défendent les droits de la femme. Arrêtons ce fléau sinistre qui touche femmes, filles, enfants, le viol sur une femme est une atteinte à toutes les femmes. En ce jour de 8 Mars nous allons marcher dans les rues et exiger justice pour toutes les femmes vivant dans la soumission ou l’exploitation, l’esclavage sexuel doit être fini. Nous devons changer l’avenir des femmes des aujourd’hui, respecter leurs mémoires, jurons que Luna soit la dernière victime de cette plaie.
Missive au peuple de Madame Lebalai, ministre de la condition de la femme, a Rochardville. (Suite page 13).
-Quoi ? Luna ! Elle a vraiment dit Luna ?
Je feuilletai jusqu'à la page 13, ignorant football, actus, technologie. Je l’avais sauvée, non je l’avais sauvée je le sais bien, rien de mal ne pouvait l’arriver, elle devait vivre heureuse sinon qui prendra soin d’elle cette fois ?
Luna , nom de famille inconnue , victime d’un viol collectif a son domicile, strangulation , battue et torturée par noyade . Le cadavre a été retrouvé trois jours après, aucune autopsie n’a été nécessaire pour déterminer les causes de son décès.
-Non, cela ne se peut pas, ma Luna! Rochardville!
J’en doutais encore jusqu'à ce que je remarquai sa photo, non ses photos coincées au verso, page 14, la première était la seule photo de la Luna vivante. Son sourire glace persistait a mon esprit, je regardais les autres, un cadavre gelé, sale, un visage méconnaissable, j’imaginais ces truands la massacrer, la trainer par les cheveux, je m’arrêtais net et claquai ma tête contre le mur, les images s’en allaient. Devenu fou je m’avouai à moi-même à gorge déployée, les dents noyées d’un fou rire sarcastique et infidèle. Traversant les barreaux de la vieille fenêtre, au loin dans la steppe, on entendit des mots asseminés de cris.-Elle est morte, Luna n’est plus, la sauvageonne est partie !