Amalia d'Arkéa

Chapitre 1

Trois ans plus tard...

Je regardai par la fenêtre de ma chambre, pensive. Depuis maintenant presque trois ans, je voyais toujours le même paysage en ouvrant les yeux.

Le soleil se levant doucement au-dessus de l'horizon, colorant le ciel de rose et d'orangé. Puis venait généralement...

- Amalia! Dépêche-toi de descendre! Les clients n'attendent pas les paresseuses!

-J'arrive!

Après presque trois ans de travail acharné, du petit matin jusqu'à tard dans la nuit, avec une seule journée de repos (où l'on me faisait d'ailleurs faire les courses), ce cri me semblait toujours aussi inutile qu'énervant.

Après tout, je n'avais jamais été en retard!!! Et tout le monde sait que les Verdas se lèvent en même temps que la nature, soit au levé du soleil.

Ou plutôt, tout le monde savait...

Depuis la bataille d'il y a trois ans, les habitants d'Arkéa semblaient avoir oubliés qui nous étions et ce que nous faisions.

Même que, malgré mes cheveux verts typiques des Verdas ainsi que mes yeux changeant de couleur selon la température et les saisons, sans oublier ma peau pâle et mon corps élancé qui faisait que j'étais assez grande, personne ne m'avait jamais demandé d'où je venais ni fait de remarques sur mes origines. Alors que, officiellement, il ne devrait plus rien rester de mon peuple.

Je descendis les escaliers pour arriver à la salle principale de la taverne, où je fus accueillie par un plateau garni de chopes de bières.

- Il était temps! Va porter ça à la table du fond!

- Je suis toujours à la même heure... marmonnai-je en me dirigeant vers la fameuse table.

Je posai les chopes devant les clients, les saluai et allais retourner vers le comptoir chercher la prochaine commande lorsque quelqu'un aggripa la jupe de ma robe.

- Il vous manque quelque chose? dis-je instinctivement.

Après tout, il n'était pas rare d'avoir des clients moins polis que d'autres.

Celui-ci portait une grande cape noire à large capuchon qui cachait son visage. Il était assez grand et, d'après la poigne qui serrait toujours ma jupe, il était fort et il savait sûrement se battre.

- J'ai besoin de vous, dit-il d'une voix grave et profonde.

Je n'étais pas dupe, je savais donc qu'il ne parlait pas de services particuliers. Par contre, même si je commençai à le voir comme une source d'ennui, je décidai de ne pas chercher à savoir ses raisons et je tentai de me dégager doucement.

- Pardonnez-moi monsieur, mais je ne suis sûrement pas celle que vous cherchez, si vous voulez bien me laisser travailler maintenant...

- Connaissez-vous d'autres Verdas ayant survécus au massacre?

Entendre le nom de mon peuple me serra le coeur. Personne ne l'avait prononcé depuis si longtemps!

Mais, alors que tout le monde semblait avoir oublié notre existence, pourquoi cet homme était-il venu me voir et m'avait-il désigné ainsi sans la moindre hésitation dans la voix?

Je décidai de m'intéresser à ce qu'il allait dire.

- D'accord, que voulez-vous de moi?

- Le dire en ces lieux serait trop risqué, puisqu'il y a des oreilles partout. Rejoignez-moi ce soir à la fontaine centrale lorsque la lune sera au plus haut, et je vous dirai pourquoi vous m'êtes indispensable.

Même si tout cela ressemblait énormément à un piège, je voulais savoir ce qui incitait cet homme à avoir besoin d'un peuple disparu. Peut-être me serait-il utile à ma vengeance? Après tout, je travaillais au Sanglier rieur depuis toutes ces années dans le seul et unique but de ramasser des informations contre les Felus et la famille royale, ainsi que de rencontrer de potentiels alliés pour m'accompagner dans ma quête.

Et peut-être que l'homme devant moi allait devenir une de ces deux choses si je le suivais... Sans toutefois lui faire complètement confiance.

- D'accord. Je serais au rendez-vous.

Je crus discerner un sourire dans l'ombre de son capuchon avant qu'il ne réponde :

- Parfait. À ce soir, mademoiselle.

Il me lâcha finalement, puis se leva et partit.

<< Je vais devoir bien organiser la soirée...>>, chuchotai-je avant de retourner à la tâche.