Chapitre 2⏳Premier Croissant⌛

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Premier Croissant

"La surface éclairée augmente jusqu'au premier quartier."
WIKIPÉDIA

"Journal inconnu, mars 2016

Ils disent qu'il ne faut pas se laisser couler, qu'il faut profiter du mieux que l'on peut sans compter les secondes qui passent. Notre vie est aussi éphémère que celle d'un papillon, elle se compte en semaines, en mois, plus en années. J'aime quand ils me disent cela, c'est une belle image, nous avons des ailes, nous pouvons voler, mais pour combien de temps encore ? 

Chaque fois que j'entends mon cœur battre, je me sens chanceux. Autour de moi, il y a tellement de machines qui sonnent désespérément, attachées à des personnes qui  jamais plus n'ouvriront leurs yeux sur ce beau spectacle qui continuera de se jouer sans eux, pour l'éternité. 

Plus la vie se fane, plus je suis reconnaissant.

C'est égoïste, mais ce n'était pas encore mon tour. "

...

Park, mon âme est pleine de ce bourgeon qui bientôt deviendra fleur sous les premiers beaux jours du printemps. C'est une renaissance qui s'effectue à son rythme, sans bouleverser d'avantage mon quotidien si particulier. Je ne cherche plus à installer des souvenirs dans des lieux, à créer des situations exubérantes pour faire sourire mon ami, maintenant, je vis à ses côtés, dans un monde habité par sept milliards d'individus, un monde où ma joie n'est pas le fruit d'un plan bien orchestré.  Je suis libre de le penser en ma compagnie, loin devant moi, dans cette rue que je parcours dès que l'occasion se présente. Il existe, je le sais désormais, et, bientôt, nous nous parlerons comme dans mes rêves. 

Park, mon sommeil est de nouveau habité par sa personne, je le vois maintenant de dos, nous parcourons le monde sans prendre de pause, guidé l'un l'autre par une force invisible. Il court, sans jamais se retourner pour me regarder, pressé par le temps, il doit rattraper tout ce qu'il a raté jusqu'à aujourd'hui. Son existence est un trou qu'il découvre en me côtoyant. Il sait que je suis derrière, que je le suis sans me soucier des paysages que nous traversons. Je suis son ombre, fidèle et cachée, parfois devant, parfois derrière, invisible à ses yeux qui se fixent sur l'horizon. 

Park, je me demande de quoi ses journées sont faites, quelle école il fréquente, quelles sont ses passions. Dans mon imagination, il n'aimait pas grand chose, il n'arrivait pas à garder son attention suffisamment longtemps sur un seul et même sujet. Bien souvent, cela l'agaçait, il finissait pas rouspéter après la terre entière pour son manque d'équité et, lorsque mon rire se faisait entendre par la faute de sa colère journalière, son calme lui revenait, comme si ce simple son pouvait guérir tous ses maux. C'est ainsi que notre amitié brillait sous les yeux bienveillants de cet astre rougeoyant nommé soleil. T'en souviens-tu ?

Park, est-ce moi que tu attends lorsque tes yeux se fixent dans le vide ? Je sais que tu le fais souvent, dans ce petit parc proche de chez toi, sans le vouloir, je t'y croise. Si seulement tu ne te perdais pas dans tes pensées, tu me verrais, à tes côtés, sur la balançoire, en train d'élancer mes pieds vers le ciel en attendant tes premiers mots. Un soupir me suffirait, il me pousserait à te rejoindre, c'est une promesse sourde que je te fais. Peux-tu arrêter de chanter pour m'accorder une  syllabe, un infime petit mot ?

Park, si je venais, là, maintenant, en face de tes yeux que je devine aussi grand que deux croissants de lune, m'accepterais-tu ? Après tout, comme un amour que l'on vit sans jamais éveiller les soupçons de l'autre, peut être que je suis le seul à capter toute cette magie qui nous entoure. Je suis le plus éveillé, le plus  conscient, ce qui est un paradoxe en soi. 

Moonchild [VMIN]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant