Cinquième Chapitre

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Le sol est dur. Je suis encore étendue sur l'asphalte ? Il faut que je réveille Sylvenie et Romain. On ne peut plus rester là. Mais j'ai du mal à ouvrir les yeux, et mon esprit est embrumé. J'ai mal au crâne. J'ai l'impression que mes paupières sont collées l'une à l'autre avec de la super-glue.

Je me retourne. Je pose ma joue droite contre le gou... Comment du goudron peut être aussi froid? J'écarte les doigts d'une de mes mains. Du verre. C'est du verre. Je le sens sous la pulpe de mes phalanges. J'ouvre grand les yeux, effrayée. Je m'assois brutalement. La tête me tourne tellement que je vois trouble. J'ai envie de vomir.

Je songe à m'allonger lorsque ma nausée s'estompe. Je regarde fixement devant moi. Un infini blanc s'étale devant mes yeux. Mes cuisses collent contre le verre. Je pose mon regard sur ma peau nue. Ou est passé mon pantalon? Un simple short couvre le haut de mes jambes, mais il est si blanc que j'ai du mal à ne pas le confondre au reste de la pièce.

Je le pince entre mon index et mon majeur et l'étire. On dirait du Lycra. J'ignore l'éclair de douleur qui vrille mon crâne et penche la tête en avant pour vérifier la présence de mon sempiternel sweet. Comme je m'y attendais, mon confortable pull gris et moelleux a disparu au profit d'un T-shirt aussi éclatant que le short et qui colle tellement à ma peau que les poignées d'amour que je déteste semblent me narguer tant elles sont visibles.

Si j'étais inquiète, maintenant je suis terrifiée. Où suis-je? Qu'est ce que je fais ici? Qui m'a changée? Pourquoi Romain et Sylvenie ne sont pas avec moi? La panique qui m'a envahi avant que nous découvrions Inès reflue dans ma poitrine.

Je bondis sur mes pieds. J'attrape ma tête entre les mains. Des points noirs flottent devant moi, et mes globes oculaires me lancent. Je commence à voir trouble, puis les points noirs deviennent de plus en plus gros. Je me dis que je vais m'évanouir lorsque je parviens à me raccrocher à un détail.

Devant moi, loin et haut, s'étirent d'immenses chiffres rouges. Ma vision s'éclaircit. Je me demande ce qu'ils signifient. Je remarque une inscription au dessus du cadran. Elle est écrit en lettres si petites que je suis obligée de plisser les paupières pour réduire mon champ de vision à cette phrase. Lorsque j'arrive à la lire, mon sang se glace.

Mort d'Amandine dans:
07:34 min

À nouveau, les points noirs reviennent valser devant mes yeux. Je suffoque. Mes poumons se compriment. Ils relâchent le peu d'air qui leur restait. Ma poitrine se contracte. J'ouvre la bouche. Je n'arrive pas à inspirer. Des milliers de questions se bousculent dans ma tête.

Pourquoi je vais mourir? Comment? Qu'est ce que cette indication est censée m'apporter? Où sont Romain et Sylvenie? Est ce qu'ils vont bien? Vont-ils mourrir eux aussi? Est ce que c'est à cause de la tempête? Vais-je savoir un jour?

Une panique terrible déferle en moi. J'ai tellement peur de mourir sans savoir que mes jambes tremblent. Malgré mes genoux flageolants, je me précipite dans la direction des chiffres. Mais j'ai l'impression de ne pas avancer. Je ne vois toujours pas les murs, qui semblent noyés dans un océan de blancheur, et les chiffres ou le message morbide ne grandissent pas. Je me mets à pleurer et je cours plus vite.

L'adrénaline qui coule dans mes veines fait carburer mon corps courbaturé. Je pense aux jours juste après la tempête. Au chêne étendu. À sa silhouette meurtrie qui gît au sol. Au grésillement de la radio. Au cri d'agonie de la télévision. Je hurle et je cours toujours.

Mort d'Amandine dans:
03:25 min

Je gémis. J'incendie d'insanités le compte à rebours. Je supplie de me laisser connaitre l'état de Romain et Sylvenie. J'ai mal. Je suffoque. Je vois trouble. Je pleure. J'ai peur.

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