0.3 [La où elle pleurait]

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Elle me ressemble étrangement.
La seule différence entre nous c'est que c'est une sirène. Oui, une sirène...
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Ébahie, j'essaie d'ouvrir un peu plus les yeux pour vérifier que je n'hallucine pas. Elle me regarde avec mépris.
Je plonge mon regard dans le sien.
Ses yeux sont d'un vert pur, à la couleur de jade. Elle a les lèvres pulpeuses et claires. Dans cette immense mare, ses cheveux à la couleur violine tirant sur le rouge flottent dans l'eau.

Exactement comme moi. Cette ressemblance me frappe encore et me retourne l'estomac. Je perçois quelques boucles se former derrière un rayon de lumière qui perce l'océan.

Sur son visage, elle porte une coupure. Je baisse les yeux pour m'attarder sur le reste de son corps.
C'est alors que je vois sur sa peau laiteuse, des marques qui semblent être des coups. Y aurait-il des Tritons qui battent les sirènes?

Je baisse un peu plus les yeux pour l'observer de but en blanc.
Sa queue est doré et ses écailles couvrent sa poitrine, laissant apparaître un morceau de son ventre et tout son dos. Sa nageoire est translucide mais a des reflets dorés.
Soudain, comprenant que je suis en train de la dévisager, elle m'attrape le visage de ses petites mains, colle son front contre le mien et me dit:

"-Merci, d'être venue à mon secours. S'il vous plaît dieu, rester à mes côtés encore un moment, j'ai besoin de vous,
j'ai besoin d'elle..."

Elle décolle son front du mien laissant l'eau froide se réinsérer entre nous.
Je l'observe et tente de lui répondre ou bien même de dire quelque chose de cohérent avec cette histoire incroyable. Mais rien, aucun sons ne sortent de ma bouche. Tout ce qui arrive à sortir de mes lèvres sont des bulles d'air,
les seules qui me restaient pour rester éveillé... 

J'essaie de garder les yeux ouverts mais le sel commence sérieusement à m'attaquer la vue. Je suis fatiguée et je n'ai plus d'oxygène pour respirer.
Je regarde son visage une dernière fois, avant de couler vers des eaux beaucoup plus troubles que celles dans laquelle je suis.

Ses yeux se plissent légèrement et je vois une larme se former au coin de son œil, ce qui est improbable dans l'eau. Elle coulent le long de son visage et,
au moment de se dissiper dans l'océan, devient une magnifique perle à la couleur nacré qui sombre dans l'obscurité de la mer.

Une. Puis deux. Puis trois... maintenant ce sont des dizaines qui perlent le long de son beau visage. Elle détache ses mains de mes joues et m'offre un dernier sourire avant de me tourner le dos et de nager gracieusement vers d'autres eaux dont je ne connais pas l'existence.
Sans comprendre ce qu'il m'arrive, je ferme les yeux et me noie. Je suffoque.

Lorsque que j'inhale enfin de l'air, je suis sur une plage, sur le dos.  Je sens un liquide froid me remonter le long de la trachée pour s'étendre dans ma bouche. Un goût alors désagréable que je connais bien refait surface. Je tousse plusieurs fois pour arriver à retirer toute l'eau de mes poumons.
Je ne pensais vraiment pas que les humains pouvaient contenir autant d'eau!
Je me redresse. J'ai du sable dans les cheveux et des plaques d'eczémas commencent à se former sur mon visage. Le sel sans doute.
Ma robe est complètement fichue. C'était un cadeau de ma mère que je ne vois plus maintenant...

Lorsque je me lève, je n'ai pas le temps de comprendre ce qu'il se passe.
Je suis encerclée en moins de deux secondes. Ce sont des hommes, armés de massues et de poignards. Ils me menacent du regard mais je reste de marbre. Ils ont presque tous les cheveux longs et abîmés. Ils sont vêtus de fourrures épaisses et d'armures qui semblent être atrocement lourdes. Ils puent la mort et la ferraille. Ça me lève le cœur.

L'un d'eux s'approche de moi et je recule furtivement. Il fait un signe de main comme pour alerter les autres hommes. Ils répliquent tous d'un "oui" à l'unisson, prononcé beaucoup trop fortement à mon goût.

Le cercle s'ouvre et laisse apparaître quatre hommes vêtus de la même manière mais qui semblent beaucoup plus musclés que les autres.
Ils tiennent une sorte de boîte transparente en verre, ornée de bambous et d'énormes cordes. Certainement pour tenir les plaques de verres qui forment une boîte rectangulaire. Les quatre personnes s'avancent vers la mer, retirent ce qui semble être le couvercle et plongent le récipient dans l'eau. L'homme qui c'était avancé vers moi dit à ses collègues d'une voix rauque mais tout en continuant de me regarder droit dans les yeux :

"Ça y est! On la tient enfin! Depuis des années que l'on te cherche, tu ne peux plus fuir maintenant. Même sous cette forme tu es toujours aussi ravissante et envoûtante. J'espère que tu resteras en vie longtemps malgré ce que tu subiras."

En tenant ces propos, il me regarde d'un air mielleux et rit d'une voix étouffée. Je suis dépitée car je ne sais pas du tout ce qu'il se passe et si c'est vraiment réel.  L'homme qui s'était avancé vers moi, fait un autre signe aux personnes qui s'occupaient de la boite de venir le rejoindre. Ça doit être le chef du "clan" si l'on peut appeler ça comme ça. Les hommes viennent à lui et posent la boite à ses pieds.
Je ne comprends pas très bien ce qu'il se passe.

Il m'observe encore une fois, attentivement et m'effleure la joue de son pouce rêche. Je fais un geste de recul par reflex et il me dit de ne pas avoir peur. Ce qui, m'effraye encore plus.

Soudain, deux hommes à l'allure imposante m'attrapent les bras et me ligotent les poignets dans le dos.
J'hurle, je panique, je me débats.
Des larmes commencent à se former au coin de mes yeux, puis ruissellent le long de mon visage.
J'ai beau me débattre, rien à faire, ils me tiennent bien trop fermement pour que je puisse m'échapper.

Ils me soulèvent et me plongent dans cette satané boite de verre.
Rapidement, d'autres hommes se munissent du couvercle et scellent la boite. Sans que j'ai le temps de m'en rendre compte, je suis ligotée, dans une boite en verre, par ce qui ressemblent être à des vikings. Avec pour seul moyen de survie, deux petits trous sur le dessus de la boite. Assez pour que je m'épuise mais reste en vie...

Les cieux et les terres sont en nousOù les histoires vivent. Découvrez maintenant