Chapitre 38

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Chapitre 38

(PDV de Kaina)

Je suis restée devant la lettre pendant un long moment, immobile. Mes muscles ne semblaient pas vouloir bouger, je ne pouvais ne serait-ce que plier mon petit doigt. J'en étais incapable.

Il m'avait abandonnée. Tout le
monde finissait par m'abandonner, mon oncle, mon père, ma mère et finalement, Kamraan. Peut-être n'en valais-je pas la peine... Il y avait sûrement quelque chose chez-moi qui poussait les gens à me quitter. Peut-être même que mon propre peuple, ma propre armée allaient m'abandonner, allaient se révolter.

-Ma Reine?

J'avais envie de regarder le commandant, mais je ne pouvais pas. Mes yeux relisant sans cesse les mots soignés de Kamraan, chacun d'eux me transperçant plus férocement qu'un poignard. Je ne valais pas la peine que l'on reste à mes côtés. Je ne devais pas être côtoyer, je finissais par faire du mal aux gens qui m'entouraient. Mon oncle et mon père étaient morts, ma mère aurait pu l'être et ça n'aurait presque rien changé, Kamraan souffrait. Je faisais du mal aux autres. La main du commandant se posa sur mon épaule, réchauffant un peu mon corps glaçé.

-Ma Reine! Vous allez bien?

Cette fois-ci, je trouvai le courage de relever la tête et de le regarder dans les yeux. De la pitié. Elle remplissait ses yeux. Quelle ironie! Un commandant qui prenait en pitié sa Reine! Je repris le contrôle de mon visage, à défaut de pouvoir le faire avec mes émotions.

-Je vais très bien, répondit assez sèchement.

Ce n'était pas voulu. Je n'avait pas voulu parler sur se ton au commandant. Pourtant, la pitié ne quittait pas son regard. J'avais envie de lui arracher les yeux pour ne plus voir cette expression sur son visage. Ça faisait mal, tellement mal. C'était mieux si Kamraan était parti au fond. Peut-être serait-il mort comme tous les autres, comme mon oncle, comme mon père, comme tout les soldats qui avaient combattu vaillament avant de succomber.

-Je crois qu'au contraire, vous n'allez pas bien du tout, avec tout le respect que je vous doit.

Ces mots me mirent dans une rage immense. Pour qui se prenait-il pour penser pouvoir deviner comment je me sentais?

-Si je dis que je vais bien! hurlais-je presque, attirant le regard de plusieurs soldats.

Mais tout ça ne me préoccupait pas. Pourquoi son abandon me faisait aussi mal? Je m'étais trop attachée et ça m'étais retombée dessus. Je ne devais plus laisser cela se reproduire. Ça faisait bien trop mal... Mon regard se promena sur les soldats blessés. Je vis un corps sans vie, étendu par terre. Et je l'enviais. Lui n'avait plus à souffrir. Il était allé rejoindre ceux qu'il avait perdu. Je donnerais tout ce que j'avais pour voir mon père pendant quelques minutes.

-Venez me chercher lorsque vous serez prêt, commandant, soufflai-je plus doucement.

Il secoua légèrement la tête, l'air de penser que ce n'était pas une bonne idée, mais je n'en avait cure. J'étais la Reine et je faisais ce que je voulais. Et ce que je voulais, là, c'était de me battre pour évacuer toutes les pensées noires qui tournoyaient dans mon esprit. Si j'avais de la chance, peut-être mourrais-je comme mon père, vaillament au combat. Ma mort sauverait probablement pleins de vies.

Je me dirigeai vers ma chambre, la poitrine semblant me peser une tonne. Dès que j'entrai dans la grande pièce parfumée, des serviteurs se glissèrent dans ma chambre pour m'aider à mes préparer. Je reconnu de nouveau celle qui m'avait aidé à sortir du palais.

-Bonjour, me dit-elle timidement.

Je tentai de lui faire un sourire, mais mes lèvres me semblaient mortes, beaucoup trop lourdes. Ses sourcils se froncèrent et elle s'approcha rapidement de moi.

Princesse de Perse - Tome 1 {Terminé}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant