21 - Une idée de secours

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Alessio 

Je raccrochai et avisai la pièce vide. Elle me fuyait et, même si j'en connaissais la cause, cela m'énerva. Santo revint dans son bureau, le visage indéchiffrable. Il prit place à son siège en cuir d'une taille monstrueuse et m'avisa, dénué d'émotions.

- Tu sais que je lui ai fait signer un contrat, attaqua-t-il d'emblée.
- Je te connais, approuvai-je.Tu ne m'as pas appelé juste pour que je puisse la voir. (Je plongeai mes yeux dans les siens). Si tu l'emmènes dans une mission suicide, tu peux te préparer au pire.

Il sortit d'un tiroir un classeur noir très simple qu'il posa devant moi.

- Elle ne sera pas seule lorsque je demanderai le remboursement de mes efforts.

J'attrapai le dossier et l'ouvris. Je connaissais toutes les femmes et jeunes femmes répertoriées. Certaines ne représentaient plus qu'un souvenir fugace dans ma mémoire. Néanmoins, je les avais côtoyées à un moment ou un autre de ma vie.

- Comment ? M'étonnai-je.
- Les rumeurs se propagent vite dans notre monde et je sais trier les vraies des fausses.

Je n'en doutais pas. Sante gardait la main mise, depuis dix-sept ans,sur le port. Ce lieu de rencontre donnait du fil à retordre à mon propre père tant les acteurs de cette scène jouaient à des jeux très serrés d'esbroufe et de cachotteries.

- Je t'enverrai mon coursier, m'assura-t-il.

Je me demandais quelle sordide affaire pouvait valoir ma présence et celle de Tea. Mais je ne possédais pas le luxe de rechigner à ces informations cruciales.
Je rejoignis la voiture dans laquelle m'attendait Riccardo. Plusieurs fiches attirèrent mon attention. Comme Micaela le suggéra, quelques jours plus tôt, la majorité des femmes de cette liste nourrissaient plusieurs griefs contre les Tommasco ou nos propres familles.

La vengeance est toujours un bon mobile.

Sauf que je ne pouvais décemment pas débarquer chez chacune d'entre elles et les accuser en les effrayant assez pour que la coupable parle.

- Tu as des pistes ?
- Bien trop, marmonnai-je.

Je reposai ma tête sur le siège. Mes réflexions me menaient systématiquement à la même conclusion : je ne pouvais pas aider Tea en la collant. Je devais m'occuper du problème de mon côté pour tenter de minimiser les impacts sur nos clans. J'aurais aimé pouvoir insister auprès de Dorotea quant à son importance dans ma vie avant de devoir en arriver à ce stade.

- Que comptes-tu faire ?

Le regard de mon homme de main me transperça de part en part. Il savait tout aussi bien que moi le peu de manœuvre à ma disposition.

- Je vais faire mon job, crachai-je.

Il secoua la tête. Il n'approuvait pas ma décision. Trop dangereux. Et j'allais y perdre bien des plumes... ce dont je me moquais allègrement. Par contre, le bat blessait quand je songeais à la réaction de celle que je voulais par-dessus toute raison.

- Tu as mis sept ans à te relever et tu veux replonger ? Grogna-t-il.

Riccardo affichait rarement ses émotions. Je fus donc abasourdi par les vagues de colère pure qui sortaient de son corps.

- Je ne replonge pas.
- Bien sûr que si !

Il freina brutalement pour se garer sur le bas-côté.

- Je n'ai jamais remis une de tes décisions en doute. Je t'ai secondé du mieux que je le pouvais.
- Je sais.
- Alors écoute-moi pour une fois ! Si tu fais ça, elle se détournera et tu vas replonger. Nous le savons tous les deux.

Memento Mori - Série FaidaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant