5 - il problema è l'invidia

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Petit message d'avant-propos : je profite d'une pause pour publier et pour m'excuser de ne pas répondre / voir vos messages. Je suis out avec la chaleur écrasante plus tous mes cours à étudier (même en ayant étudié tous les jours, je suis à l'arrache! Désespoir total!) Bonne merde à ceux et celles qui, comme moi, commencent leur session d'examens de fin d'année scolaire!
Sur ce, je vous laisse avec notre Alessio! :D  

Alessio

Le regard désapprobateur de ma mère me poursuivait encore tandis que je signais les derniers documents de libération de fonds d'usines implantées en Russie. Mon père venait d'investir dans l'industrie des déchets. Nous devions donc nous montrer blanc comme neige aux yeux des autorités avant de pouvoir tenter ce nouveau business lucratif de ces dernières décennies.

La mafia actuelle n'est plus ce qu'elle était. Le jeu est bien plus serré et retord.

Seth déboula dans le bureau, un sourire immense aux lèvres, et se laissa tomber dans le premier siège venu. Ricardo secoua la tête tel une mère blasée des frasques de son fils chéri. Une expression que je devais aussi arborer.

- Est-elle bien rentrée ?
- Elle est au travail, m'annonça-t-il.

Je n'en espérais pas moins de sa part.

- J'ai laissé Tonio sur place.
- Bien ! Tout s'est donc bien passé.

Le silence qui suivit ma conclusion me fit relever les yeux de mes papiers. Le sourire tordu de mon ami et homme de mains ne m'annonçait rien de bon.

- Seth, soupira Ricardo.
- Quoi ?
- Tu n'as rien entendu de concret.
- D'accord mais je sais reconnaître une atmosphère quand j'en vois une.
- Quelle atmosphère ?

Ma voix glaciale les coupèrent dans leur discussion sans queue ni tête mais dont je commençais à entrevoir les ramifications. Seth se tassa dans son siège, comprenant enfin où son petit jeu le menait. 

- Les flics étaient là quand elle est arrivée...
- Je m'en doute, grognai-je, excédé par ses ronds de jambes.
- Ouais mais il y avait Buonamico.

Mes doigts serrèrent le stylo-bille jusqu'à sentir le plastique se fendiller légèrement. Je connaissais Carmine. Je n'avais jamais éloigné mes yeux de sa personne, après nos années d'étude ensemble. Ce gamin chétif aux grands yeux effrayés qui lui valût le surnom de gufo (NDT: chouette) était devenu lieutenant dans l'armée de carabiniers. Il s'occupait des affaires de mœurs et de mafia. Des domaines dans lesquels je trempais activement. Et si nous ne nous étions pas encore rencontrés, c'était qu'il travaillait surtout à Rome.
Jusqu'à présent, du moins.

- J'ai cru comprendre qu'il bosserait à San Luca dorénavant.
- Et quoi d'autre ?
- Rien !

Sa réponse trop vive raviva mon instinct. Je le dévisageai. Il détourna la tête, faisant mine de ne rien remarquer.

- Seth !

Mon ordre le fit grimacer.

- Ricardo a raison : j'ai rien entendu de leur discussion. J'ai sans doute mal interprété ce que j'ai vu.

J'en doutais réellement. J'envoyais Seth en reconnaissance parce qu'il démontrait un talent particulier pour juger une situation dès le premier coup d'œil. S'il ne possédait pas le flair de Ricardo concernant les affaires (il perdait tout son argent quand il tentait d'investir), il pouvait nous tirer de n'importe quelle situation physiquement dangereuse. D'ailleurs, je ne comptais plus les attentats contre ma personne déjoués grâce à son sens de l'observation et son intuition aiguisée.

- Il s'est passé quelque chose entre eux ?
- Non ! Pas vraiment ! Ils se sont pris la tête, surtout.

Son empressement à me rassurer ne fit qu'accroître ma colère sous-jacente.

- Seth, j'attends toujours !

Son soupire aurait pu fendre un mur de briques à lui tout seul. Son air un peu fou habituel disparut dans la seconde. Je restai stoïque et l'écoutai raconter la scène entre Dorotea et le lieutenant.
Entre ma femme et un cercueil ambulant.
Rapidement, je dus me lever et user la moquette.

- Ton analyse.
- Al, sérieux, se lamenta-t-il.
- Vu ton manque d'enthousiasme à l'idée de me raconter ce que tu as vu, c'est suffisant pour que j'ai envie de le tuer !

Il pinça ses lèvres, posa ses coudes sur ses cuisses et frotta vivement son visage.

- Déjà quand on était mômes, il la regardait comme si elle était une pauvre victime de notre ignominie, crachai-je.

J'ouvris l'armoire du bar et me servis un verre de grappa. Si j'avalai cul-sec le premier, je sirotai le second.

- Donne-moi ton ressenti !
- Ok ! capitula-t-il de mauvaise grâce. Je pense que...

Il jeta un regard vers notre ami en recherche d'un soutient mais ce dernier resta silencieux. Je vis sa pomme d'Adam monter et descendre, signe de sa nervosité. 

- S'ils ne se trouvaient pas sur une scène de crime, je crois qu'il aurait tenté sa chance.
- Et elle ?
- Elle était surprise de le voir. Il y a eu pas mal d'animosité aussi.
- Mais elle ne l'a pas repoussé, marmonnai-je.

Seth n'ajouta plus rien, préférant se cacher derrière un silence plus sûr. Mon poing se serra. Un étau étreignit ma poitrine. Je me contenais très difficilement. C'était dans ma nature, dans celle de tous les individus masculins de cette terre du sud, de placer le pouvoir et la violence par-dessus tout le reste. L'autorité, nous la recevions ou la donnions. Que mes hommes m'apprécient ou non n'entrait pas en ligne de compte, ils m'obéissaient ou mourraient.

- Va la voir ce soir, me conseilla Ricardo. Mets les points sur les i comme disent les français.

Je saisis ma veste et sortis une cigarette d'un paquet que je gardais toujours sur moi. Ma mère détesterait savoir que je fumais occasionnellement dans la maison. Sauf qu'il s'agissait d'un besoin impossible à contenir.

- Vous avez quartier libre.

Ils sortirent sans discussion. Le vase très cher qui trônait sur un guéridon près de la fenêtre blindée s'éparpilla en morceaux contre le mur sur ma droite. Un geste stupide et inutile, salvateur malgré tout. C'était soit ça soit je déboulais au travail de Dorotea après avoir découpé en morceaux le flic.
Et j'afficherai à tous mon manque de confiance en moi par la même occasion.
Mais si je ne bougeais pas, cela ferait croire que je ne me souciais pas d'elle, qu'elle n'était rien pour moi.
Je rangeais mes documents dans leur cachette habituelle puis rejoignis l'étage.
A croire que l'univers complotait contre moi, Zara sortit de ses appartements précisément à cet instant.

- Alors, le monstre a survécu ?

Mon corps agit avant mon esprit. Son cri se bloqua dans sa gorge pressée entre le mur et ma main.

- Fais attention à l'ironie du destin, cousine.
- Tes menaces ne me font pas peur, croassa-t-elle.
- Dans notre milieu, les menaces sont vaines, Zara, la détrompai-je. Demande à ton père !

Je la relâchai à contre-cœur. Elle se massa le cou, ses yeux remplis de ressentiment.

- Mon père s'est battu pour ta putana, il en est mort ! Elle est faible. Tu perds ton temps et nous mets en danger !

Je décidai de les laisser, sa rancœur et elle, dans le couloir vide.

- Elle est plus courageuse que tu ne le seras jamais.

Ma cousine passait sa vie enfermée dans les maisons surprotégées de la famille. Elle ne travaillait même pas pour nous et se contentait de vivre sur l'héritage laissé par son père et les revenus de son mari, Enrico Ambesi, toujours absent.
Alors comment pourrait-elle me comprendre et saisir la position de Dorotea dans notre monde ?
Je la chassai de mon esprit pour me concentrer sur ma mission de ce soir. Il était hors de question que je laisse Dorotea croire, une micro seconde, qu'elle pouvait faire ce qu'elle voulait avec n'importe quel homme. 

Memento Mori - Série FaidaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant