Alessia aime Lizzy.
Lizzy aime Alessia.
C'est d'une banalité étonnante. Une relation amoureuse comme tant d'autres. Avec ses joies et ses peines, ses après-midis peuplés de rêveries, ses secrets partagés et glissés au creux de l'oreille, ses moments de tendresse sous les draps, ses instants de contemplation de l'autre, tel Narcisse admirant son propre reflet.
Pourtant, Lizzy Richards et Alessia Di Marzio vivent dans l'ombre du secret. Au lycée, elles passent pour deux meilleures amies qui partagent tout. Personne ne connaît leur amour, si ce n'est deux de leurs amis proches, Samuel et Rose. Et dans un sens, elles ne trouvent pas cela très grave. Elles aspireraient à vivre normalement, bien sûr, mais elles se disent que cela pourrait être pire. Après tout, elles pourraient bénéficier de soutien extérieur en cas de gros pépin.
Elles s'aiment. C'est tout. Elles s'enlacent quand personne ne les voit, se murmurent des mots romantiques - ou pas -, et s'échangent des baisers volés en cachette dans les toilettes abandonnées du bâtiment B du lycée.
Alors certes, se cacher, mentir, c'est difficile. Et c'est mal. Surtout aux gens qui sont aimables et bienveillants à notre égard. Mais quand il s'agit de dissimuler un secret qui pourrait leur coûter la vie, est-ce si mal que cela ? N'est-ce pas plutôt un réflexe de survie qu'une odieuse affabulation ?
C'est en se remémorant que cette cachotterie-là est nécessaire que les deux amoureuses arrivent à vivre sans trop de culpabilité, et en se disant que le coming-out ne pourrait leur apporter que des ennuis.
Bien sûr, il arrive que de temps à autre, Lizzy soupire devant les films à l'eau de rose qu'elle regarde avec sa petite sœur le soir. La fillette d'à peine dix ans a encore besoin de croire à ce genre de relation trop parfaite, où les disputes sont insignifiantes et les séparations inexistantes. Mais Lizzy ne soupire pas à cause de la naïveté de sa cadette. Elle désespère juste de ne pas pouvoir tenir la main d'Alessia dans la rue, ou l'embrasser devant un plat raffiné dans un restaurant chic, en somme, elle est chagrinée de ne pas être en mesure d'exposer son couple au monde, comme le font ces amants fictifs et trop amoureux, même si ces derniers peuvent se montrer répétitifs et lourds avec leurs grands "je t'aime" jamais prouvés et leurs tentatives de séduction à vomir mais pourtant concluantes. Films romantiques mis à part, Lizzie apprécierait tellement de pouvoir entendre le doux accent sud-italien rouler entre les douces lèvres de sa jolie brune tandis que cette dernière se présente aux parents de la rousse. Mais à chaque fois qu'elle fantasme sur cette possibilité de sortie du placard, elle se raisonne et se persuade que ce serait trop risqué, aussi bien pour elle que pour Alessia. Et rien, rien de mal ne doit arriver à Alessia.
Alessia elle aussi se prend souvent à rêver sur l'officialisation de son couple. Elle aimerait se rendre aux repas de famille sereinement, main dans la main avec Lizzy, et défier le regard réprobateur de ses grandes-tantes Elena et Berta, dont le passe-temps préféré est rouler des yeux devant l'apparence d'Alessia, à grands coups de prostituta et de puttana. Elle désirerait pouvoir embrasser sa rousse préférée devant ses parents sans crainte de se voir congédiée brutalement de sa propre maison. D'ailleurs, elle ne supporte plus ses géniteurs, de par leurs propos blessants à son égard. Ils l'insupportent et elle tente par tous les moyens imaginables de leur faire comprendre son agacement profond. Elle imagine dormir entrelacée avec Lizzy, au chaud sous la couette, partageant des moments d'intimité qu'elle aimerait vivre plus souvent. De temps à autre, elle pousse la chimère jusqu'à un hypothétique mariage. Dans ses spéculations, Lizzy, âgée d'une dizaine d'années de plus, est vêtue d'une robe blanche et possède toujours un charme bien supérieur au sien. Sa rouquine adorée rayonne de bonheur, son sourire éclaire son visage et ses deux perles bleues brillent intensément, et c'est tout ce qui importe à Alessia. Car rien, rien de mal ne doit arriver à Lizzy.
Finalement, quand Alessia tient la main de Lizzy, elle estime être la fille la plus chanceuse du monde. Et dans ce genre de situation, les pensées de Lizzy sont assez similaires. La même passion habite leurs yeux, la même magie opère dans leur tête et le même feu d'artifice éclate dans leur cage thoracique. Dans sa globalité, leur histoire est banale. Le seul point qui diffère, c'est le caractère secret de leur relation.
Mais quel secret reste voilé aux yeux du monde éternellement ?
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Short Story- Dis Alessia ? - Oui Lizzy ? - Je peux t'embrasser ? - Bien sûr, amore. Just... Write On Me. இ TW : [homophobie]