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— Comment as-tu pu faire ça, puttana ?!!

Le bruit sourd d'une claque suit immédiatement le cri horrifié de Gessica Di Marzio. Alessia se tient debout devant ses parents, la joue droite brûlante et virant au rouge tomate. Sa tête a été propulsée sur le côté sous la violence du choc.

Lorsque Arnaud Briel, ce salopard qui mériterait qu'on lui détruise à nouveau les parties intimes, a frappé à la porte des Di Marzio et a joué le rôle du parfait petit colporteur qui vient annoncer les nouvelles, la mère d'Alessia a vu rouge. Après avoir poliment congédié le Scotch, elle a laissé éclater sa colère, arrachant les épingles qui retenaient son chignon pourtant toujours bien coiffé, et hurlant le prénom de sa fille à travers la maison. Cette dernière, qui redoutait depuis un moment déjà que cette merde de Briel ne décide de tout raconter à ses parents, a descendu les escaliers marche par marche, essayant de respirer calmement. Elle se doutait qu'elle allait passer un sale quart d'heure, mais elle ne s'attendait pas à un tel déferlement de haine.

— Je le savais que cette Lizzy était une mauvaise fréquentation ! continue de hurler la génitrice de la brune. Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?! Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?!

Mamma... commence Alessia, dans l'espoir vain qu'elle puisse se justifier.

— Ne m'appelle pas comme cela, Alessia !

La main de Gessica vient s'écraser à nouveau sur la joue de sa fille, qui encore une fois encaisse le coup sans broncher, malgré la brûlure de plus en plus vive.

Pour tout dire, ce n'est pas à sa joue que l'italienne a le plus mal. Se prendre de violentes claques, ce n'est rien par rapport à ce qui risque de l'attendre par la suite. Sa mère est capable de tout.

La brune frotte sa joue meurtrie, essayant une nouvelle approche :

— Laisse Lizzy en dehors de cette histoire. Ce n'est pas de sa faute. J'ai su que j'étais lesbienne bien avant qu'elle ne rentre dans ma vie.

Chiudi il becco ! hurle Gessica.

La troisième gifle s'écrase contre sa joue gauche cette fois. Quitte à ressembler à une tomate, autant que ce soit uniforme.

— Je me demande comment nous avons pu engendrer une fille pareille, soupire Ernesto, le père d'Alessia, un homme bien souvent silencieux mais pas moins dogmatique que sa femme.

Alessia sent son cœur se fendre à l'entente de ces mots. Certes, ses parents ne sont pas des modèles de tolérance, mais ce sont ses parents. Ils ne peuvent pas parler d'elle comme cela. Les gémissements d'Adelia, qui depuis le début de la dispute est cachée dans un coin, effrayée par les cris et les claques infligées à sa maîtresse, n'aident pas non plus la brune à se sentir mieux.

— Que voulez-vous que je vous dise, maugrée l'italienne, blessée.

— Rien. Pour une fois, tu vas te taire et nous écouter. Tu es privée de sortie jusqu'à nouvel ordre. Et je t'interdis de revoir Lizzy, tu m'entends ? Je t'interdis de fréquenter cette dégénérée à nouveau ! ordonne Gessica.

Le sang de la brune ne fait qu'un tour. Que ses parents lui hurlent dessus ou la privent de sortie, elle peut le tolérer. Mais parler de Lizzy comme ça ? Jamais. Arnaud Briel l'a tenté et Arnaud Briel s'est brisé.

Et là, tout de suite, le fait que ce soit ses parents qui insultent la rousse et pas un vulgaire compagnon de classe n'a aucune importance aux yeux d'Alessia.

— Ne parlez pas de Lizzy comme ça ! Elle n'a rien fait ! Vous n'avez pas le droit de l'attaquer ! C'est dégueulasse !

— Oh que si je vais l'attaquer ! Tu crois que je vais me gêner ? Et tu sais ce que j'ai le droit de faire aussi ? T'envoyer en pensionnat à l'autre bout du pays, ragazzina. Afin que tu ne vois plus cette... chose et que tu redeviennes Alessia, et pas une de ces déviantes sexuelles étranges ! réplique Gessica.

— Pardon ?! Je l'aime ! Ça n'a rien à voir avec le sexe, je ne sais même pas d'où vous sortez ça ! crie la brune, au bord des larmes.

La vérité, c'est que le pensionnat lui fait peur. Terriblement peur. Elle sait que si elle est envoyée dans un de ces établissements - sélectionné par les soins de ses géniteurs, évidemment -, ç'en sera fini de son couple. Elle ne reverra plus Lizzy et n'aura pas de moyen de communication pour la contacter. Rien que cette pensée lui noue la gorge.

— Ce n'est pas ça, l'amour, Alessia. Tu ne connais rien, tu es trop jeune. Tu vas te taire et nous écouter bien sagement, et tout va bien se passer, répond Ernesto d'un ton condescendant.

Porco Dio Santissimo ! Je m'en fous, cazzo ! Je sais ce que j'éprouve pour Lizzy ! Vous pouvez m'envoyer tout droit à l'asile que ça ne changerait rien ! Vous êtes juste des monstres !

Cette fois-ci, la brune pleure vraiment. Elle le sait pourtant. Elle sait que ses parents ne sont pas ouverts à ce sujet. Mais leurs mots restent douloureux.

— Tu me tapes sur les nerfs ! Disparais, Alessia ! Hors de ma vue ! hurle Gessica, montrant l'escalier du doigt.

L'italienne ne se fait pas prier. Elle tourne les talons et monte les marches rapidement, des larmes dégoulinant sur ses joues déjà trempées. Parvenue à sa chambre, elle claque la porte de celle-ci et s'effondre sur son lit, secouée de sanglots. Jamais encore elle ne s'était sentie aussi triste et vidée, aussi éloignée de ses parents et de tout.

Sa main se porte automatiquement vers son portable. S'il y a bien une chose qu'Alessia a toujours répété à Lizzy, c'est de l'appeler si jamais elle se sentait mal. Et bien évidemment, la rousse a toujours précisé elle aussi que l'italienne pouvait également la contacter en cas de chagrin. Sauf que voilà, Alessia hésite. Elle se retrouve accablée de problèmes comme elle n'en a jamais eu, et vraiment graves. Elle ne voudrait surtout pas déranger la rousse avec ce genre de choses, qui ne feraient que lui faire passer une mauvaise nuit et porter une culpabilité qu'Alessia est persuadée de devoir endurer seule.

Finalement, elle retire sa main et se replie sur elle-même, inondant ses draps de perles salées. Alessia a toujours donné l'image d'une fille forte, mais aujourd'hui elle ne l'est plus. On vient de toucher son point faible, Lizzy, sa jolie Lizzy, son petit rayon de soleil et sa définition de la tendresse pure. Comment ses parents peuvent-ils être aussi cruels ? Comment peuvent-ils manquer à ce point de compassion ? Elle l'aime. C'est tout. Il n'y a pas à voir plus loin...

Longtemps, la jeune femme reste prostrée dans son lit, à ruminer les paroles de ses géniteurs qui veulent la séparer de Lizzy, et ce, sans éprouver un quelconque remord. Elle sait que tout dépend d'elle à présent. Elle doit faire attention à ses gestes et à ses paroles si elle veut que ses parents restent cléments à son égard et acceptent qu'elle finisse sa scolarité dans ce lycée et pas dans un pensionnat. Elle doit être prudente si elle désire rester avec Lizzy, Lizzy et ses cheveux doux comme la neige en hiver, Lizzy et ses putains de splendides perles bleues à la place des yeux, Lizzy et ses lèvres affriolantes à elles toutes seules - surtout quand leur propriétaire coince celle du bas entre ses dents -, Lizzy et ses magnifiques tâches de rousseur partout sur son visage, Lizzy et sa perpétuelle et craquante moue d'enfant boudeur à laquelle Alessia n'a jamais eu la volonté de résister, Lizzy et sa timidité couplée d'une discrétion presque maladive, Lizzy et ses innombrables qualités que la brune ne cherche même plus à compter tant elle en dénombre.

Bref, Lizzy qu'elle aime à en crever.

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