O

434 39 4
                                    

— C'est la merde.

— Je ne te le fais pas dire, Lessie.

Les deux jeunes femmes ainsi que leurs amis proches, Rose et Samuel, sont assis à même le sol des toilettes abandonnées. La plupart des gens qui viennent ici cherchent désespérément le double de Mimi Geignarde, mais les quatre jeunes gens ont d'autres préoccupations que celles de trouver un fantôme tout droit sorti de la saga à succès du sorcier à lunettes.

La rumeur sur le couple d'Alessia et Lizzy se répand comme une traînée de poudre. Il faudrait juste une étincelle pour qu'elle s'embrase et que la vérité éclate. Parce qu'à l'évidence, le secret des deux filles ne restera pas caché encore longtemps. Elles seraient tentées de mentir mais d'un côté, si la vérité venait à percer, elles seraient vues comme les deux grosses mythomanes du lycée, ce qui viendrait s'ajouter à la réputation chancelante d'Alessia et à leur couple peu commun dans ce lycée de campagne. De plus, aucune des deux n'aime mentir et cela leur coûte déjà de le faire au quotidien.

Mais assumer pourrait avoir des conséquences également. Rose et Samuel, qui savent déjà depuis un bon moment, assurent qu'ils ne les laisseraient jamais tomber. Mais même soutenue par deux personnes, Alessia et Lizzy ont peur des représailles. Qui pourrait leur assurer qu'un homophobe violent ne se cache pas parmi les rangs du lycées ? Et qui pourrait leur assurer que cette rumeur ne parviendrait pas aux oreilles des parents Richards et surtout Di Marzio ?

— Je pense que vous devriez assumer. Il ne nous reste qu'une demi-année dans ce lycée de toute manière, fait Rose en replaçant ses mèches blondes derrière ses cheveux.

Même si elle a tendance à avoir un avis sur tout même si cela ne la concerne pas, Rose reste une fille gentille et généreuse, prête à aider les autres.

— Ce n'est pas toi qui risque de te faire casser la gueule à la sortie du lycée, grogne Alessia.

Cette dernière s'est assise sur le réservoir d'eau d'un WC, les jambes écartées et posées sur la cuvette. Ses coudes sont placés sur ses genoux, et son dos est courbé. Elle a rabattu sa capuche sur sa tête et affiche un air grave. À cet instant précis, elle fait presque peur à Lizzy, avec son air de dealeur de drogue.

— Je sais, réplique la blonde. Simplement, je pense que mentir ne fera qu'empirer les choses. D'une parce que c'est trop tard. Il y aura toujours des gens qui préféreront croire Arnaud plutôt que vous, ce qui est complètement stupide mais malheureusement vrai. Ensuite parce qu'imaginez qu'on vous grille un jour. Vous passeriez pour les filles qui n'assument pas. À la limite, ce que pensent les autres de vous, ce n'est pas important, mais j'ai peur qu'ils vous excluent de la classe... Que vous soyez obligées de subir une mise à l'écart difficile...

Porca miseria ! On a toutes les raisons du monde de ne pas assumer ! s'écrie soudain Alessia, se redressant sur sa cuvette.

Lizzy attrape sa main tremblante et l'oblige à se rassoir.

— Calme-toi Lessie...

— Bon, lâche soudain Samuel après être resté silencieux pendant un bon moment. De tout façon, il va falloir qu'on trouve une solution. On pourrait tâter le terrain pour commencer. Voir comment réagissent les gens quand on leur parle d'homosexualité.

— Arielle et Noémie avaient l'air plus curieux que dégoûté, en tout cas, fait Lizzy en haussant les épaules.

— C'est un bon début ! tente Rose.

Son optimisme quelque peu feint ne réussit pas à dérider Alessia, qui continue d'afficher un air morose.

— Je pourrais juste leur dire que je suis bisexuelle, essaie Lizzy. Ce n'est pas un mensonge et ça ne veut pas dire que nous sommes en couple.

Ne constatant toujours aucune réaction sur le visage de sa copine, Lizzy, inquiète, s'approche d'elle, lui prend les mains et pose son front sur le sien.

— Allez Lessie. On peut surmonter ça, on est ensemble, amore.

La prononciation maladroite de Lizzy arrache un sourire à la brune. Cette dernière sait que quand sa rousse parle en italien, c'est toujours dans le but de lui remonter le moral, et, en toute honnêteté, elle trouve ça terriblement mignon.

— Je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose, murmure Alessia. Jamais.

— Il ne m'arrivera rien, Lessie. Je peux me défendre...

La brune ne lui laisse pas le temps de finir sa phrase et l'attire dans une longue étreinte. La rousse enlace elle aussi Alessia, la serrant fort contre elle. Elle plonge automatiquement son visage dans le cou de l'italienne et inspire à plein nez ses effluves délicate de cyclamen, une fragrance ayant un incroyable pouvoir apaisant sur elle. Ce n'est qu'au bout de deux minutes que Lizzy se rend compte que sa copine pleure.

— Heyyy Lessie...

— Je suis désolée...

Alessia essuie ses larmes, reniflant bruyamment.

— C'est difficile de vivre caché Liz'... Je n'ai jamais aimé mentir, je n'ai jamais aimé me taire, je n'ai jamais aimé me faire discrète... Mais je l'ai fait pour toi, parce que je ne voulais pas que quelqu'un puisse te faire du mal... Je ne le supporterais pas, tu sais... Et maintenant, je me rends compte que je te demande de te jeter dans la fosse aux lions... Que les gens me disent clairement que je suis dégueulasse, je peux l'encaisser... Que les gens me crachent à la figure, je peux l'encaisser... Mais ça me fait mal de savoir que tu vas devoir l'encaisser aussi, tout ça parce que je n'ai pas réfléchi avant de priver Arnaud de descendance... déballe Alessia, la voix tremblante.

Émue par cette tirade - Alessia ne s'étale que rarement de cette manière -, Lizzy capte le regard foncé de sa petite-amie.

— Hey hey hey... Aucun homophobe au monde, pas même tes parents, ne m'empêcheront de t'aimer Lessie. Je ne laisserais personne entraver notre relation. Tu me sous-estimes, mon cœur, fait Lizzy avec un petit rire. Je peux encaisser tu sais. On est deux dans un couple, tu n'es pas seule. Je suis là et je le serais encore pour longtemps. D'accord ? Tu es peut-être ma lumière, mais même le Soleil n'est pas infaillible. Tu as le droit de vaciller de temps en temps.

La rousse passe délicatement la main dans la tignasse de sa copine. Ce geste, qui a toujours été une marque d'affection pour Lizzy, est aujourd'hui plus synonyme de réconfort et de soutien.

Parce que c'est ce qu'elles sont l'une pour l'autre au final. Une épaule sur laquelle s'appuyer quand la tristesse se fait trop envahissante et déchire le cœur en deux, arrachant douloureusement les bouts pour ne laisser qu'un amas de peine dénué de toute émotion positive...

Write On Me | ✓Où les histoires vivent. Découvrez maintenant