Ophélia :
Je ne voulais pas venir à la plage. Je l'avais dit à Raph, je ne voulais pas venir. C'est même mon médecin qui m'a dit d'éviter l'eau de mer. Et ce crétin qui me sert de cousin voulait m'obliger à y aller ? « Tu verras, ce sera bien, et puis même si tu ne te baignes pas, tu rencontreras Eléonore, tu sais, la fille dont je te parle tout le temps ? Et puis en plus y aura Matteo, tu pourras passer du temps avec lui », m'a-t-il dit.
Bref, il m'a convaincue.
Du coup, j'ai passé l'après-midi en plein soleil sur la plage sans pouvoir aller me baigner. Dans l'eau, Raph, Matteo et leurs amis jouaient à se couler et à se bousculer comme des enfants. Au bout d'une demi-heure, les filles m'ont rejointe. J'ai appris qu'Eléonore, Maeva et Axel se connaissent depuis l'école maternelle. Ils ont toujours été dans la même classe. Ils savent qu'ils peuvent compter les uns sur les autres. Ce qu'elles ne m'ont pas dit mais que j'ai compris en voyant leurs regards brillants d'admiration converger vers Axel, c'est qu'elles sont toutes les deux amoureuses de lui. C'est vraiment dommage, parce que ce garçon m'a l'air d'être un dragueur de la pire espèce. Il est beau, c'est incontestable, avec ses cheveux blonds un peu rebelles, ses yeux bleus perçants et son air sûr de lui. Il sait qu'il est beau, et il s'en sert. Il suffit de le voir alors qu'il sort de l'eau et qu'il contracte ses abdos saillants en passant la main dans ses cheveux. Il adresse un petit sourire charmeur et un clin d'œil aux filles du groupe d'à côté qui bavent presque en le regardant.
Maeva ne le quitte pas des yeux. Franchement, une aussi jolie fille qu'elle pourrait avoir tous les mecs qu'elle veut. Je ne comprends pas pourquoi elle reste coincée sur Axel alors qu'il drague ouvertement toutes les filles qu'il croise. Elle ressemble un peu avec un mannequin, avec ses longs cheveux bruns et ses yeux noisette qui tirent sur le vert.
Allongée sur le ventre, je ne vois pas mon abruti de cousin revenir de la mer. C'est quand je sens des gouttes glacées sur mon dos que je pousse un cri suraigu et que je me relève pour faire face à Raph.
- Raphael, tu es un homme mort, j'annonce.
Deux serviettes plus loin, Axel et Matteo se tordent de rire en se tenant les côtes. Les yeux de la moitié de la plage sont braqués sur notre groupe. Il faut bien avouer qu'on fait l'attraction. Eléonore et Maeva ne savent pas trop où se mettre, elles essaient de rigoler discrètement en se cachant derrière leurs mains.
- Oh, cousine d'amour, je suis désolé, je n'ai pas fait exprès, s'exclame cet andouille. Tu veux que je te fasse un câlin pour me faire pardonner ?
- Ah non, surtout pas !
- Quoi ? Tu ne veux pas de mon câlin ? Tu ne m'aimes plus, c'est ça ?
- Je ne t'ai jamais aimé, tête de crabe ! Et en plus, si tu t'approches de moi, je hurle à toute la plage que tu dors encore avec...
- Tu n'oserais pas, fesses d'huitres !
- Tu veux parier, mini crevette ?
- Non, non, ça va, ça va, merci, je m'en vais !
- Brave Raphael.
- Il n'empêche que c'est pas très beau de faire du chantage comme ça.
- Je m'en fiche, puisque ça marche ! Heureusement que t'as beaucoup de secrets honteux que tu ne veux pas que je révèle, quand même.
Cette fois-ci, les filles aussi se tordent de rire. Il faut avouer que les conversations que j'ai avec mon cousin sont souvent de ce genre là, basés sur des insultes stupides.
Mon cousin, je l'adore. Je pourrais me jeter sous un train en marche si c'était ce qu'il fallait faire pour le sauver. Il le sait, et il a la fâcheuse tendance de l'utiliser contre moi. Il me connaît mieux que personne, et parfois même mieux que je ne me connais vraiment. Et c'est réciproque. Je peux deviner à son visage ce à quoi il pense, je déchiffre ses silences comme s'ils étaient miens, je peux le plus souvent prédire ses remarques et ses réactions... J'aime penser que je peux lire en lui aussi facilement qu'il peut lire en moi. On a une relation aussi fusionnelle que celle de certaines paires de jumeaux. D'ailleurs, quand on était petits, on croyait qu'on était de vrais jumeaux séparés à la naissance. Ça faisait beaucoup rire nos mères, elles aussi des jumelles.
Quand on a déménagé, ma mère et moi, je me sentais tellement mal parce que j'étais loin de Raphael que j'ai presque arrêté de manger. Je ne sortais plus de ma chambre, je restais allongée sur mon lit à essayer d'entrer en communication avec lui par la pensée, et à pleurer lorsque j'échouais. Ma mère était inquiète, forcément, elle me demandait toujours ce que je voulais, et je suis répondait que je le voulais lui, mon cousin, mon presque jumeau si loin de moi.
Alors, un jour, au bout d'une semaine ou deux, ma mère a cédé. Elle a surmonté sa rancœur et a appelé sa sœur. D'après elle, Raph était dans le même état que moi. Je crois qu'on a passé deux heures entières au téléphone tous les deux, ce jour-là. On ne parlait presque pas, on s'écoutait juste respirer. Quand il a fallu raccrocher, on s'est mis à pleurer et on a supplié nos mères de nous laisser se voir en vrai.
Du coup, un mercredi sur deux, on se rejoignait dans un parc à mi-chemin entre nos deux maisons. Ces après-midis là, je lui racontais les histoires au collège, les quelques amis que j'avais, les cours et les profs. Lui, il me parlait de Matteo et de leurs nouveaux amis, de leurs jeux de ballons et des soirées qu'ils passaient ensemble à faire leurs devoirs. Nos mères s'asseyaient toujours chacune à un bout du jardin. Je n'ai jamais vraiment su pourquoi elles ne se parlaient plus, elles ne nous l'ont jamais expliqué. « Ce sont des histoires de grands, mon ange », me répétait maman quand je lui demandais pourquoi on n'habitait plus près de chez Raphael et Matteo.
Matteo, je ne l'ai plus revu avant que je ne rentre vraiment à la maison.
Il me manquait beaucoup, lui aussi, mais à chaque fois que je demandais à ma mère si je pouvais le voir, elle entrait dans une colère noire et me promettait que je ne le verrais plus tant qu'elle serait là pour m'en empêcher.
Mais un jour, le destin a choisi de me permettre de revoir mon meilleur ami sans même briser la promesse de ma mère.
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Revenir
RomanceRaphael, Ophélia, Matteo. Depuis toujours, ils sont les meilleurs amis qu'il puisse exister. Ils se sont toujours connus. Tous les trois, ils ont fait leurs premiers pas ensemble, ont appris à parler ensemble, ont été à l'école ensemble. Ils étaien...