Matteo
Assis sur un des bancs de ma résidence, je regarde le vent agiter les feuilles des arbres. J'attends que Raphael et Ophélia me rejoignent. Je me sens vraiment bien ici, maintenant. Enfin, pas vraiment à cet instant, bien que cette brise d'octobre soit agréable. C'est le fait d'avoir retrouvé ma Lia, ma meilleure amie de toujours qui me rend si heureux. Près d'elle, je me sens... entier, comme si elle était l'autre moitié de mon cœur qu'on m'avait arraché il y a si longtemps. En fait, je n'avais pas vraiment conscience qu'elle me manquait autant jusqu'à ce qu'elle revienne, il y a un peu plus d'un mois.
Maintenant, je sais ce que ça fait de vivre près d'elle, et je ne veux plus m'en passer.
On essaie de rattraper le temps perdu. Je lui raconte des histoires du collège, je lui parle de mon petit frère Baptiste qui a bientôt huit ans. Elle me confie sa solitude pendant toutes ces années loin d'ici et elle me dépeint sa vie haute en couleurs avec son amie Jessica.
Mais parfois, parler ne suffit pas à connaître vraiment une personne.
Raphael la connaît vraiment. Il la connaît sur le bout des doigts. Si elle a peur, il sait trouver les mots pour la rassurer. Si elle est triste, il a toujours les mots pour la faire rire.
Une fois, elle angoissait tellement avant un test d'histoire qu'elle se roulée en boule dans un coin sans plus parler à personne. Elle ne voulait écouter personne, elle ne supportait pas que l'on pose une main sur son bras. Et puis Raph est arrivé. Il a commencé par lui murmurer quelque chose dans l'oreille. Elle a levé la tête. Il a attrapé son visage dans ses grandes mains, il a ancré ses yeux dans le regard noir de Lia, il a collé leurs fronts. Ils sont restés comme ça pendant quelques minutes. Raph lui soufflait seulement quelques mots du bout des lèvres, assis en tailleur devant elle dans un coin de couloir.
Moi, je suis resté là, planté comme un poireau, à les regarder. Je ne savais pas quoi faire, je ne pouvais rien faire d'autre, puisqu'elle n'acceptait pas de me laisser la toucher. Et, impuissant témoin de la détresse de ma meilleure amie, le cœur serré, je me suis promis d'être un jour la personne qui la consolerait.
Je crois que c'est à ce moment là que j'ai compris que l'on ne peut jamais vraiment rattraper le temps perdu. Tout ce que l'on peut faire, apprendre à se connaître réellement pour aujourd'hui et pour demain, sans se préoccuper d'hier.
°°°
Un soir, en sortant du lycée, Axel a proposé de s'arrêter boire quelque chose dans un café avant de rentrer. Maeva a tout de suite accepté, de la même façon qu'elle adopte toujours chacune de ses propositions. Eléonore a hoché la tête discrètement, comme à son habitude. J'ai haussé les épaules. Raph était bien entendu d'accord, prêt à tout pour rester près de la fille qu'il aime. Seule Lia hésitait.
- Mais je n'ai pas pris d'argent, a-t-elle d'abord protesté.
- Je peux bien offrir un chocolat chaud à mon amie ! a offert Axel en passant son bras autour des fines épaules de Lia.
Elle s'est dégagée de son bras avec une petite grimace.
- Ah mais euh... Je suis désolée, j'ai un truc à faire, il faut que j'y aille avant que ça ferme. La prochaine fois, peut-être ?
- Tu as déjà dit ça la dernière fois, a boudé le Dom Juan de la bande.
- Désolée, je dois vraiment partir. A demain tout le monde !
Et elle s'est éloignée rapidement avec un petit geste de la main sous le regard réprobateur de son cousin. J'ai bien vu l'œillade mal-placée d'Axel lorsqu'elle s'est retournée. Plus le temps passe, plus je ressens l'envie de lui foutre des baffes parfois, à lui. Je me demande comment c'est possible d'être un tel abruti macho à seulement 17 ans.
J'ai levé les yeux au ciel et sorti mon portable de ma poche par réflexe. J'ai froncé les sourcils en voyant l'appel en absence de ma mère. En remarquant l'heure, mes neurones se sont enfin connectés.
- Et merde ! je crie. Mon frère ! Je devais aller le chercher à l'école !
J'ai regardé à nouveau l'heure. 16H25. Merde, merde et double merde.
- Désolé les gars, mais pas ce soir, faut que je m'occupe de mon frère, ma mère a un rendez-vous. Faut que je file, je vais encore arriver à la bourre !
Je suis parti en courant dans la même direction que mon amie un peu plus tôt. Un peu plus loin devant moi, j'ai justement vu Lia passer un grand portail blanc. Le portail de... la clinique ?! Mais que vient-elle faire ici ? Est-ce qu'elle vient souvent ? Pourquoi, pour qui est-elle dans cette foutue clinique ? Mais surtout, pourquoi ne m'en a-t-elle pas parlé ? Je n'y comprenais rien du tout. J'ai eu envie de crier son nom pour qu'elle se retourne et réponde à mes questions, mais je me suis rappelé mon frère. J'ai secoué la tête pour reprendre mes esprits et j'ai continué ma course jusqu'à l'école.
Au final, j'ai eu seulement une ou deux minutes de retard, mais j'ai gardé mes dizaines de questions. Pas par manque de curiosité, ça non, mais plutôt parce que je n'avais pas envie qu'elle se braque. J'en étais persuadé, j'aurais mes réponses bien assez tôt. Et la vérité ne serait sûrement pas toute belle à voir.
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Revenir
RomanceRaphael, Ophélia, Matteo. Depuis toujours, ils sont les meilleurs amis qu'il puisse exister. Ils se sont toujours connus. Tous les trois, ils ont fait leurs premiers pas ensemble, ont appris à parler ensemble, ont été à l'école ensemble. Ils étaien...