Chapitre 10 - Des chocolats chauds jusqu'à la fin de mes jours

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Ophélia :

La soirée a eu lieu le samedi soir. Aujourd'hui, on est vendredi, et c'est à peine si Raphael et Matteo m'ont laissé sortir depuis. Ils veulent à tout prix me « protéger », à tel point qu'ils seraient prêts à m'envelopper dans du papier bulle et à me séquestrer chez moi. Mais, comme me dit ma tante, il faudrait plutôt que je profite, ce n'est pas toutes les semaines qu'on a deux garçons à nos pieds pour faire tout à notre place ! Alors, moi, j'attends que Matteo m'amène un chocolat chaud, emmitouflée dans une couverture bien chaude et installée dans un coin du canapé. Sans vraiment le vouloir, je commence à détailler mon meilleur ami qui s'affaire dans la cuisine ouverte. Ses mains délicates répartissent le lait chaud dans nos tasses. Une mèche de cheveux noirs lui retombe sur le front. Il lève ses yeux bleus vers moi, et un sourire illumine son visage. Une petite fossette creuse sa joue. Non, vraiment, objectivement, il est très mignon. Il agite la bombe de chantilly et en verse une bonne dose sur nos boissons. Il rigole en me voyant loucher sur l'épaisse couche de mousse au dessus du chocolat. Comme une enfant, je tends mes bras vers lui pour attraper la tasse qu'il me tend. J'y trempe mes lèvres et pousse un soupir de bonheur.

- Matteo, épouse-moi et fais-moi des chocolats chauds jusqu'à la fin de mes jours !

Il dépose un baiser sur mon front et sourit.

- J'accepte, mais juste pour pouvoir me moquer de ta moustache en chantilly de belle gosse.

Je lui tire la langue comme le fait son petit frère et retourne à ma boisson. Alors, il éclate de rire, me prend dans ses bras et lance un film à la télé. Mais moi, plutôt que de suivre le film, je lève mes yeux vers lui. Vraiment, aucun doute, mon meilleur ami ferait un super petit ami.

°°°

- Ophélia, vous êtes déjà là ?

- Et oui, mais ne vous inquiétez pas, je ne reste pas très longtemps, on m'attend chez moi.

- Oh, un petit ami ?

- Non, juste mon meilleur ami et un des meilleurs films du monde !

Je souris à l'infirmière de l'accueil et me dirige vers la chambre au fond du couloir. Je croise le médecin qui sort de la chambre au moment où je rentre.

- Bonjour, Ophélia, comment vas-tu aujourd'hui ?

- Très bien docteur, merci, et elle, comment va-t-elle, des changements ?

- Je suis désolé mais non, rien n'a changé. Mais tu sais, ça ne veut rien dire, on en sait très peu sur son état.

- Je sais bien, je dis juste que j'aimerais tant que quelque chose évolue, cette attente devient insupportable.

- Je fais de mon mieux seulement parfois ce n'est pas assez, répond-il en regardant sa montre. Bon, je te laisse avec elle, je n'ai pas fini ma ronde, à plus tard.

Je n'ai pas le temps de le remercier à nouveau, il est déjà parti. Alors, je rentre dans la chambre. Je viens m'asseoir près de ce corps si familier qui repose sur le lit et prends sa main. Je me mets à parler, à lui raconter toute ma journée et toutes mes pensées, comme à chaque fois que je viens.

- Et puis, je me suis encore pris la tête avec Raphael, toujours pour la même chose. Il veut que je parle de toi à Matteo. Moi, ce n'est pas que je ne veux pas, mais je n'y arrive pas, c'est déjà trop difficile de savoir que tu es là pour ne pas aller le raconter à la moitié de la ville. En plus, ce qui est bien quand je suis avec lui, c'est que comme il ne sait pas que tu es là, il ne me regarde pas avec pitié, pas comme Raph et Jess. Si seulement tu pouvais revenir, je n'aurais plus rien à lui expliquer... Mais bon, en attendant, je vais le rejoindre. Je t'ai déjà dit qu'il habite presque avec nous, maintenant ? Je pense que tu n'approuverais pas, mais j'ai vraiment besoin de lui et de Raph en ce moment... D'ailleurs, j'espère que Raph ne m'en veut pas trop. Je sais qu'il déteste cacher des choses à Mat, mais c'est à moi de lui en parler, alors je le place dans une position assez inconfortable. Allez, il faut que j'y aille, ils m'attendent tous à la maison. Je t'aime, tu sais, tu me manques énormément. Je reviens te voir demain, promis.

Alors je parcours le chemin inverse, je salue à nouveau l'infirmière de l'accueil, et je sors.

Très vite, je me rends compte que j'ai oublié mes écouteurs. Je dois affronter le monde extérieur. Autour de moi, la vie tourbillonne. Des femmes en jupe de marque passent en dictant des ordres par téléphone, des enfants jouent au ballon dans le parc au bout de la rue, des parents promènent leur bébé dans une poussette, des jeunes couples se tiennent la main ou sont assis sur les marches des immeubles... Certains crient, d'autres s'amusent, d'autres encore rient et font des blagues. Ils vivent, tous, tout simplement.

En marchant, je prête attention aux ruelles et aux bâtiments. Après la station essence, entre l'immeuble de la pharmacie et celui de la banque, il y a une toute petite rue assez sombre. J'y vois la forme de deux corps pressés l'un contre l'autre. Deux corps de garçons enlacés, deux garçons qui s'embrassent. Je m'arrête un instant, intriguée. Ces garçons, je les reconnais ! Le brun aux cheveux un peu longs, qui plaque l'autre contre un deux murs, c'est Adrian. Mais le plus étonnant, c'est que l'autre garçon, le blond, je crois que c'est Axel. Il faut que j'en sois sûre, alors, au risque de me ridiculiser ou de passer pour une amatrice de voyeurisme, je l'appelle.

Quand il entend ma voix, il se fige. Il se tourne lentement vers moi. Ses yeux bleus sont paniqués.

- Merde, Ophélia, je... Je t'en supplie, n'en parle à personne.

Je ne sais pas quoi répondre. Il est bien la dernière personne que j'imaginais surprendre embrasser un autre garçon. Je reste figée à le regarder comme s'il avait une oreille au milieu du front. Je le vois qui s'approche de moi, et je recule. Il s'arrête, blessé. Il passe une main dans ses cheveux, et Adrian glisse sa propre main dans celle de son amoureux.

- Lia, s'il te plait, il ne faut pas que ça se sache. Envoie moi un message si tu veux que je t'explique ce qu'il s'est passé, après tout, je te dois bien ça, mais ne le dis à personne. Surtout pas à Maeva, elle est la seule amie qu'il me reste.

Son regard m'implore de répondre quelque chose. Pendant une ou deux minutes, j'oublie tout, tout ce qu'il m'a fait il y a moins d'une semaine. Alors, j'acquiesce et je tourne les talons. Je m'éloigne de cette ruelle où se trouvent pourtant les réponses à toutes mes questions.

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