II/ Evasion (4/5)

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Ils entrèrent en catastrophe dans la pièce. Arkaën lâcha Kiarah, attrapa un des petits fauteuils et bloqua la porte. Juste à temps, car des coups furieux s'abattirent sur le panneau. Il jeta des regards fébriles autour de lui, à la recherche d'une cachette.

— L'ubi-passeur ! s'affola Kiarah d'une voix blanche, collée au bureau.

— Les deux débiles de tout à l'heure ont dû rameuter leurs potes. La cale doit grouiller de marins, on n'aura aucune chance.

Avisant les placards qui flanquaient la porte, il en examina l'intérieur. Il n'y avait que de vieux livres sur les étagères et ils étaient assez larges pour que Kiarah et lui s'y recroquevillent.

La jeune fille se tourna vers les fenêtres. Elle chercha une poignée, un quelconque moyen de les ouvrir, les poussa, mais rien ne bougea. Et il n'y avait rien d'assez lourd dans la pièce pour briser le verre épais entrecoupé de croisillons de bois. Elle se laissa glisser contre le dossier du fauteuil et se recroquevilla, tremblante de tous ses membres. La chaise qui bloquait la porte se décalait de plus en plus.

— Kiarah, mais viens m'aider !

Il s'agenouilla devant elle.

— Ça suffit ! pleura-t-elle. J'en ai marre ! Rien ne se passe comme tu l'avais dit !

— Rien n'est encore perdu, aide-moi à enlever ces livres !

— Il va nous trouver !

Au fond de lui, le jeune elfe savait bien qu'elle avait raison : cette tentative avait lamentablement échoué. Entre les marins dans la cale et Odvar qui s'était trouvé sur leur route, ils étaient allés de malchance en malchance. Les Créateurs les avaient-ils finalement abandonnés ?

Non. Refusant de s'avouer vaincu, il obligea Kiarah à se lever et l'amena jusqu'aux placards. Il lui fourra les livres dans les bras, prit le reste et ils les posèrent sur le bureau, bien alignés pour qu'ils ne paraissent pas trop suspects. L'étagère qu'ils avaient débarrassée était juste assez grande pour eux deux. Arkaën s'y glissa prestement et se colla contre le mur.

— Viens, ordonna-t-il à son amie, dépêche-toi !

La jeune fille s'agenouilla et s'engouffra à ses côtés, l'air profondément résigné. Arkaën referma tant bien que mal le battant et s'écrasa contre le mur pour lui laisser plus de place. La chaise céda aussitôt : le sergent et ses hommes entrèrent.

— Vous êtes coincés, montrez-vous.

Sa voix mielleuse fit courir des frissons dans le dos des adolescents.

— Je ne sais pas comment vous êtes arrivés jusqu'ici mais si vous vous rendez sans faire d'histoire, je vous ferai pas trop de mal. Promis.

Dans leur cachette, Kiarah ferma les yeux et étouffa un cri plaintif.

— Calme-toi, murmura Arkaën à son oreille.

Elle tenta de contrôler sa respiration hachée. Elle entendait le cœur de son compagnon battre à toute vitesse comme le sien, et ce bruit résonnait dans toute la pièce.

Soudain, des mains empoignèrent ses cheveux et son habit et la tirèrent en arrière. Elle hurla, tenta de se raccrocher à son ami et ne put saisir que les restes de sa tunique. Le tissu déjà élimé se déchira et on la sortit de sa cachette. Arkaën essaya de rattraper sa main mais elle lui glissa entre les doigts.

Il fut jeté à terre. Il balança ses pieds et ses poings dans toutes les directions puis se releva vivement et fit face aux cinq hommes qui se jetèrent sur lui. Le nez du premier rencontra son genou, un autre l'attrapa par derrière et il donna un violent coup de talon dans l'estomac de celui qui s'avançait avant de mordre férocement le dernier qui s'était approché trop près.

Un marin le saisit par l'épaule et écrasa son poing massif au creux de son ventre. Le souffle coupé, Arkaën s'écroula à genoux. Il distingua Odvar commander :

— Emmène-la, je m'occupe de lui.

Chassant les larmes d'un battement de cil, Arkaën fut saisi d'horreur : le sergent avait poussé Kiarah dans les bras d'un marin qui l'entraînait hors de la pièce... hors de sa portée. Dans un regain d'énergie, le jeune homme serra les dents et repoussa le marin qui le tenait. Odvar lui bloquait le passage ; il bondit sur lui dans un cri furieux que le sergent observa, inébranlable.

Kleinosht.

Le poing d'Arkaën s'arrêta à un pouce de sa mâchoire puis retomba mollement. Une force surpuissante l'empêchait de se mouvoir. Il prit une inspiration tremblante, les poumons comprimés. Il posa des yeux effarés sur le sergent, la bouche ouverte sur un cri qui ne pouvait sortir. Un sourire mauvais tordit la cicatrice d'Odvar.

— Je lui ai arraché si peu de wansi, et voilà de quoi je suis capable... J''ose à peine imaginer ce que ça donnera lorsque j'en aurai fini avec elle, ronronna-t-il en couvant Kiarah d'un regard brillant.

L'estomac de la jeune fille se contracta. Derrière elle, le marin s'était figé, sa poigne relâchée : il n'était pas sûr du bienfondé de tout ceci.

Les Terres de l'Aube _Tome 1 : Minuit [PREVIEW - Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant